Les dix néologismes du lundi matin

«L’absence d’un dictionnaire actuel de néologismes
se fait […] cruellement sentir» (Franz Josef Hausmann).

 

Blogosexuel : «pratique d’écriture extrême de blogue — avec un portable, dans un train, avec café brûlant… Écriture numérique et digitale !» (merci à @culturelibre).

Écoluxe : chic, mais de bon goût (du jour). «Elle a créé une griffe “écoluxe” bien avant qu’on comprenne le sens du terme. Visite à l’atelier de Mariouche Gagné» (la Presse, 22 décembre 2012, cahier Chic ! Mode, p. 7).

Égocuisine : la cuisine du je. «On crée son propre mijoté, puis on publie sa photo sur un blogue. “C’est le même grand courant d’égocuisine, dit M. [Frédéric] Blaise. Je mange, donc je suis”» (la Presse, 29 décembre 2012, p. A3).

Gastropolitique : faire une grève de la faim en espérant obtenir des gains politiques. «Les autochtones et la “gastropolitique” du colonialisme» (le Devoir, 31 décembre 2012, p. A6).

Labeaumegrad : la Vieille Capitale, Québec, a un maire, Régis Labeaume, qui ne voit pas toujours les mérites de la contestation. Sa ville raviverait des nostalgies soviétiques. «Avec Boy Georges comme DJ pour le nouvel an, Labeaumegrad prouve qu’elle peut à la fois être hasbeen et wanabe. #AquandCindyLauper?» (merci à @PaquitLeChameau).

Rockumentary : documentaire rock (merci à @Laelaps).

Sportula : spatule à motif sportif; art pratiqué dans le Wisconsin (merci à @emckean).

Végétecture : faire pousser, pour construire. «La “végétecture” prend bien à Barcelone http://bit.ly/SkTnn7 #neologisme #architectureurbaine» (merci à @marinegroulx).

Watture : voiture électronique. Ce serait le mot de l’année 2012 selon le Festival XYZ du mot nouveau.

Zombiquité : «aujourd’hui il est possible d’être physiquement à un endroit, mais mentalement absent, la faute à un texto, une app ou un compte Facebook. On appelle ça la “zombiquité”» (le Devoir, 18 décembre 2012, p. A4).

Retour en capitale

Devant, pour d’excellentes raisons, passer la journée dans la Vieille Capitale (Québec), l’Oreille tendue se rend compte qu’il y a quelques mois qu’elle n’a pas vidé sa besace à capitales. Qu’y trouve-t-on, s’agissant de Montréal ? Que c’est une capitale diversifiée. Des exemples ?

«Montréal, capitale de la contravention» (la Presse, 30 août 2012, p. A1).

«Montréal, capitale de la bière sans gluten […] ?» (Twitter, 8 mai 2012).

«Québec et Montréal, capitales mondiales du patrimoine en 2008» (le Devoir, 1er octobre 2007, p. A3).

«Montréal, capitale musicale du Canada» (la Presse, 9 décembre 2009, Arts et spectacles, p. 2).

«Montréal, capitale culturelle ? Plus que jamais» (la Presse, 3 janvier 2004).

Voilà une ville riche — une métropole, comme dans «Montréal, métropole numérique !» (la Presse, 19 janvier 2012, cahier Affaires, p. 9).

Local ? Non, bien sûr

Éric Plamondon, Mayonnaise, 2012, couverture

Déclaration du metteur en scène Robert Lepage dans la Presse du 21 juillet : «j’avais la confiance que Québec avait ce qu’il fallait pour créer un événement de calibre international» (cahier Arts, p. 19).

Le calibre international est une autre incarnation — un autre symptôme ? — de la manie québécoise de voir des capitales et des leaders partout.

Les exemples ne manquent pas.

«Montréal, destination de calibre international ?» (la Presse, 23 mars 2005, Actuel, p. 4).

«Cyclotourisme. Un circuit de calibre international au Québec» (la Presse, 17 août 2011, p. A7).

Évoquant le Montréal de 1969 dans son roman Mayonnaise (2012), Éric Plamondon a voulu rappeler la dimension (auto)publicitaire de l’expression calibre international (p. 103). Il ne se trompait pas. (Mieux encore, toujours chez Plamondon : une ville de calibre international est une ville qui vibre.)

 

Référence

Plamondon, Éric, Mayonnaise. Roman. 1984 — Volume II, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 49, 2012, 200 p.

Capitales hors capitale

Roy MacGregor, Mensonges et dinosaures, 2006, couverture

Le Québec se voulait la capitale des capitales. Cela n’empêche pas d’autres lieux de se croire plus gros que le bœuf.

La Finlande : «Helsinki, capitale du bonheur» (Radio-Canada, 28 février 2012).

La France : «Soupçonnée de cannibaliser les subventions, l’opération “capitale culturelle” entend rassurer ses accusateurs» (le Monde, 19 mars 2011, p. 27). Il est question de Marseille.

L’Alberta : Drumheller serait la «“capitale canadienne des dinosaures”» (Mensonges et dinosaures, p. 18).

La Colombie-Britannique : «Vancouver, capitale piétonnière» (Radio-Canada, 4 avril 2012).

L’Allemagne : «Métropole capitale. Berlin explose» (la Presse, 24 mars 2012, cahier Arts, p. 1).

L’Australie : «Au cœur de la capitale des opales» (le Devoir, 31 avril-1er mai 2012, p. D1).

En matière de capitalisation, nous ne sommes plus seuls. Il y a toutefois de l’espoir : «Montréal a peut-être encore deux ou trois choses à envier aux autres métropoles culturelles, mais plus pour très longtemps» (la Presse, 24 mars 2012, cahier Arts, p. 8).

Ouf.

 

[Complément du 2 octobre 2017]

Marseille, encore ? Pourquoi pas.

Et la Californie :

 

Référence

MacGregor, Roy, Mensonges et dinosaures, Montréal, Boréal, coll. «Les Carcajous», 10, 2006, 138 p. Traduction de Marie-Josée Brière. Édition originale : 1999.

L’excellence a une province

«Un partenariat de classe mondiale», publicité, la Presse, 2012

Il ne faut jamais se contenter de peu. C’est pourquoi le Québec se présente volontiers en leader ou en chef de file.

On aime aussi dire qu’il fait partie des ligues majeures — «Les Studios Appolo dans les ligues majeures» (la Presse, 21 février 2012, cahier Arts, p. 6) — et qu’il est un champion — «Le Québec, champion canadien du fisc» (la Presse, 9 décembre 2010, cahier Affaires, p. 1). Bref, c’est une figure de proue : «Le Québec, figure de proue en recherche sur la douleur» (la Presse, 8 novembre 2010, encart publicitaire, p. 5).

Dans son édition des 31 mars-1er avril 2012, le Devoir publie un cahier spécial, «Année internationale des coopératives». On y ajoute deux superlatifs à cette série : «Le Québec est une référence» (p. I3); «La grande aventure coopérative au Québec est un modèle planétaire» (p. I5).

On n’en espérait pas moins.

 

[Complément du 5 avril 2012]

Première page de la Presse de ce matin : «Le Québec brille.» Certes.