En première place

Il est bon, périodiquement, de (se) rappeler que le Québec sait exceller.

Il regorge de capitales. La plus récente ?

«Québec, capitale des buveurs réguliers» (la Presse, 15 décembre 2011, cahier Affaires, p. A16).

Si le Québec est un leader, c’est qu’il s’impose à l’international.

«Pétrole. Gisement de classe mondiale à Anticosti» (le Devoir, 15 décembre 2011, p. A1 et A8).

«Cyclotourisme. Un circuit de calibre international au Québec» (la Presse, 17 août 2011, p. A7).

«Montréal est reconnu comme un leader mondial dans la normalisation logicielle» (le Devoir, 22-23 octobre 2011, p. H4).

«Transport vert. Hamad veut faire du Québec un leader mondial» (la Presse, 10 juin 2011, p. A6).

«Québec veut une filière “de classe mondiale”» (la Presse, 8 avril 2011, p. A9).

«Le Québec, champion mondial de l’union libre» (le Devoir, 13 septembre 2007, p. A1).

Que demander de plus ? Qu’il y ait moins d’analphabètes ? Il ne faut pas exagérer.

Villégiature linguistique

Pour ses vacances annuelles, l’Oreille tendue a quitté son pavillon montréalais avec femme, progéniture et caniche royal à destination de la Gaspésie.

Pour se rendre dans cette péninsule québécoise, il faut rouler longtemps. Avant d’y pénétrer, on doit notamment traverser la région du Bas-du-Fleuve. C’est alors qu’on découvre qu’elle a une «capitale touristique», en l’occurrence Le Bic. Ça ne fait toujours qu’une capitale québéco-canadienne de plus.

À quelques jours près, la famille entière aurait pu emprunter le «sentier de la bouette» (le Devoir, 2 août 2011, p. A1), celui qui, à marée (très) basse, permet d’avoir accès à l’île Verte, à pied, à partir de la côte, entre Rivière-du-Loup et Trois-Pistoles. (Bouette ? Le mot désigne, au Québec, la boue. S’agissant de ce «sentier», on y trouve en fait surtout de la vase.)

Eût-elle été pâle des genoux, l’Oreille aurait pu s’arrêter dans une clinique médicale de Matane. On assure que le service y est rapide.

Clinique Sang délai, Matane, 2011

Le point de chute de cette année était Les Méchins, secteur Les Îlets, à 675 kilomètres à l’est du mont Royal. Sur ce village, on se contentera de deux remarques, l’une sociologique, l’autre onomastique.

On déplorera, d’une part, que la grande criminalité sévisse jusque dans ce hameau. C’est du moins ce que l’on peut croire devant telle (légitime) demande.

Poubelles, «Ne pas voler», 2011

D’autre part, on n’oubliera pas que les habitants des Méchins sont des Méchinois. On n’ose imaginer ce qu’un restaurateur cantonais amateur de mauvais jeux de mots pourrait faire de pareil gentilé.

P.-S. — Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? La famille a aussi poussé une pointe jusqu’à Exploramer, le «complexe d’activités axé sur le milieu marin du Saint-Laurent», de Sainte-Anne-des-Monts. On y a constaté, non sans étonnement, que le plus célèbre des mots «mots de quatre lettres» en anglais y serait d’usage commun. (Non, ce n’est pas «love».)

Exploramer, panneau explicatif, 2011

Québécasie

François Barcelo, J’haïs le hockey, 2011, couverture

On l’a dit à maintes reprises : le Québec aime les capitales. (Voyez la catégorie du même nom, en bas, à droite.) Encore ce samedi, dans le cahier Vacances voyage de la Presse, en titre : «Lanaudière / Saint-Zénon. La capitale mondiale de la mouchetée» (p. 13). (Il s’agit de truite, bien sûr.)

Il était dès lors prévisible que les romanciers s’emparent de cette obsession provinciale.

Exemple tiré du roman J’haïs le hockey, mi-polar ni-humour noir, de François Barcelo (2011) : «C’en est rendu que Saint-Zéphyrin se qualifie maintenant, sur un grand panneau que vous pouvez voir à l’entrée de la ville, de “capitale québécoise de la cuisine exotique”» (p. 15). Cela s’explique facilement : il y a une forte population «québécasienne» (p. 17) dans cette ville (fictive), en l’occurrence des Vietnamiens ou des enfants de familles dont un des parents est vietnamien.

P.-S. — Le narrateur s’appelle «Vachon» sur la quatrième de couverture et à la p. 6, puis «Groleau» dans le reste du roman. Ça fait désordre.

 

Référence

Barcelo, François, J’haïs le hockey. Roman, Montréal, Coups de tête, coll. «Roman noir», 45, 2011, 111 p.

Chroniques du bilinguisme non hexagonal 004

Il y a quelques jours, l’Oreille tendue se demandait si Ottawa était une capitale ou pas. Une chose est sûre : s’il y avait un concours pour désigner la capitale du bilinguisme inégalement maîtrisé, cette ville ontarienne serait sur les rangs.

Un exemple, parmi tant d’autres, fourni par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, qui y est logé.

Annonce du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, 2011

Pareil emploi de l’infinitif est un signe qui ne ment pas : conjuguer, c’est trop dur.