(Accouplements : une rubrique où l’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)
Depuis le 1er septembre 2024, l’excellent Patrick Boucheron est à la barre de l’émission Allons-y voir, «Un rendez-vous pour analyser les images qui nous entourent et nourrir nos imaginaires», sur France Culture. L’épisode du 24 novembre, «Au théâtre des valeurs de l’art», portait sur le marché de l’art. La commissaire-priseuse Chloé Collin y réfléchissait à son métier. On y entendait, sur les ventes aux enchères, un extrait du film le Tableau volé (2024) de Pascal Bonitzer et la chanson Drouot (1970) de Barbara.
C’est à cette émission que l’Oreille tendue a repensé en revoyant North by Northwest / la Mort aux trousses (1959) d’Alfred Hitchcock. Cary Grant y est particulièrement habile à bousiller le déroulement d’une vente aux enchères, en misant soit trop bas, soit trop haut. La scène est particulièrement drôle.
(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)
Gaële, «L’accent d’icitte», Diamant de papier, 2010
Faque l’aut fois j’parlais avec le bonhomme
I m’dit «Astheure t’es t’un grand bum
Commence à être temps que tu sacres le camp»
(Voix de Gaële)
Pardon ? Vous dites ?
(Voix de Richard Desjardins)
Parce que vois-tu les règelments c’est fait pour être sui
Pis ceux qui suisent pas
Ben qu’y s’en vont Décâlisse
Attends pas que la police a moisisse
(Voix de Gaële)
Excusez-moi j’ai pas bien compris
Pourriez-vous répéter s’il vous plaît
(Voix de Richard Desjardins)
Faque quand j’ai vu quj’voyais pu
J’ai ben vu quj’voyais rien
Rien qu’à voir on voit ben
Qu’à noirceur on voit rien
(Voix de Gaële)
J’aurai jamais l’accent d’icitte
Pourtant c’est pas faute d’avoir essayé
Faut croire que malgré les années
Encore un peu de France m’habite
J’ai un accent moitié moitié
Voguant entre deux continents
De l’un je garde mes vingt ans
Dans l’autre un tout p’tit boutte de destinée
À part la neige et l’été indien
Les grands espaces les traîneaux à chien
Ô Canada j’le connaissais pas bien
Pis le Québec ben encore moins
En descendant d’l’avion plus aucun doute
Même si vos mots j’les pigeais pas pantoute
Gens du pays j’ai su qu’on s’aimerait
Jusqu’au bout de la route
Même si j’aurai jamais l’accent d’icitte
Pourtant c’est pas faute d’avoir essayé
Faut croire que malgré les années
Encore un peu de France m’habite
J’ai un accent moitié moitié
Voguant entre deux continents
De l’un je garde mes vingt ans
Dans l’autre un tout p’tit boutte de destinée
Trois francs six sous un dollar vingt-cinq cennes
Une pile de Pascal ou la face de la reine
Ma vie est aux deux tiers européenne
Pis un tiers américaine
De la bouche serrée à la mâchoire slaque
Du putain d’merde à l’ostie d’tabarnak
Au fil des années j’ai tissé les trésors
De ma langue bric-à-brac
Pas besoin de carte ou d’encyclopédie
Ça m’a pris dix ans j’ai enfin compris
Mon accent c’est pas une maladie
Mais mon plus beau pays
Même si j’aurai jamais l’accent d’icitte
Pourtant c’est pas faute d’avoir essayé
Faut croire que malgré les années
Encore un peu de France m’habite
J’ai un accent moitié moitié
Voguant entre deux continents
De l’un je garde mes vingt ans
Dans l’autre un tout p’tit boutte de liberté
(Voix de Richard Desjardins)
Lette comme qu’a l’est
Avec le chapeau lette comme qu’a l’a
Qu’a rise don d’elle avant qu’a rise des autres
P.-S.—Vous avez l’oreille : il a déjà été question de Gaële ici.
P.-P.-S.—Certaines paroles dites par Richard Desjardins sont tirées de la chanson «Le chant du bum». D’autres d’ailleurs…
(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)
Oui, j’ai gardé l’accent qu’on attrape en naissant du côté de Marseille
C’est l’ail du potager, l’huile de l’olivier, le raisin de la treille
C’est le micocoulier où jouent les écoliers,
Qu’une cigale égaye
Quand la mer de Pagnol en retenant ses vagues
S’endort en rêvassant
Et rêve d’un marin qui lui passe la bague
La mer a notre accent
Quand le vent de mistral décoiffe les marchandes
Jouant au Tout-Puissant
Et qu’il nous fait le ciel plus bleu que la lavande
Le vent a notre accent
Oui, j’ai gardé l’accent qu’on attrape en naissant du côté de Marseille
C’est le mas paternel, aux murs couleur de miel, aux tomates vermeilles
C’est la tuile du toit, comme un peu de patois
Que le soir ensoleille
Quand la nuit de Daudet aux moulins met des voiles
Qui tournent en crissant
Et que ça grouille au ciel de millions d’étoiles
La nuit a notre accent
Quand l’été de Giono revient en transhumance
Et que les estivants imitent en riant
Le parler de Provence
Le monde a notre accent
Oui, j’ai gardé l’accent qu’on attrape en naissant du côté de Marseille
C’est l’accent du clocher, la Noël des bergers dans la nuit des merveilles
C’est l’orgueil provençal, la gloire de Mistral
(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)
D’accord c’est un peu rébarbatif
Le subjonctif en apéritif
Passons sur le mode impératif
Le plus-que-parfait, le pronom relatif
Adjectif possessif : possession
Mes, tes, ses, nos, vos, leurs, mon, ton, son
Exemple facile : c’est son tonton
Qu’est ton maçon, lui qui t’a bâti ta maison
Un cheval au pluriel c’est chevaux
Mais des batailles font pas des bateaux
Exception faite pour aller aux bals
Danser quels régals dans tous les carnavals
Avez-vous bien étudié la grammaire
Les règles littéraires, accordé l’auxiliaire ?
Avez-vous bien révisé le français
L’attribut du sujet, le complément d’objet ?
L’accent aigu remplace souvent
Un ancien s qu’on avait dans l’temps
L’accent circonflexe évidemment
Mis pour une lettre qu’on écrivait avant
J’ai laissé mon épée à l’escole
Avant que d’étudier l’Anatole [?]
De l’anglais on garde le football
Le jean, le footing et puis le music-hall
Avez-vous bien étudié la grammaire
Les règles littéraires, accordé l’auxiliaire ?
Avez-vous bien révisé le français
L’attribut du sujet, le complément d’objet ?
Tout adverbe est toujours inchangé
Mais tout adjectif peut s’accorder
Quand tout est pronom, difficulté !
Tout c’est compliqué, on n’y est plus tout à fait
Bijou caillou chou genou hibou
Sans oublier tous nos vieux joujoux
Bijou caillou chou genou hibou pou
Mais où est donc or ni car ? Souvenez-vous
Avez-vous bien étudié la grammaire
Les règles littéraires, accordé l’auxiliaire ?
Avez-vous bien révisé le français
L’attribut du sujet, le complément d’objet ?
Avez-vous cherché dans le dictionnaire
Compris le questionnaire, écrit vos commentaires ?
Avez-vous bien étudié l’imparfait
L’attribut du sujet, le complément d’objet ?
Avez-vous résolu tous les mystères
De la conjugaison et du vocabulaire ?
Du temps où vous remplissiez vos cahiers
D’attributs du sujet, de compléments d’objet
D’attributs du sujet, de compléments d’objet
(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)
French B, «Je me souviens» / «Je m’en souviens», 1989
Bill one o one, Bill one o one
Bill, Bill, Bill one o one, Bill one o one
Bill, Bill, Bill one o one, Bill one o one
Bill, Bill, Bill one o one, Bill one o one
[Voix de Charles de Gaulle] Vive le Québec, Vive le [Voix de femme] Canada
[Voix de Charles de Gaulle] Vive le Québec, Vive le [Voix de femme] Ca-Canada
[Voix de Charles de Gaulle] Vive le Qué-Québec, Vive le Québec libre !
[Voix de Robert Charlebois] Sacrament !
Je me souviens
Je me souviens
J’m’en souviens d’la langue
D’la langue de Lepage
Pis celle de Tremblay
Et je parle la langue
De Ferron, de Gauvreau et de PDG
J’me souviens à mort
Du Vent du Mont Schärr !
M’as être encore pris pour tapiner Paris
Parce que la chicane est poignée dans cabane
Bill one o one, Bill one o one
Bill, Bill, Bill one o one, Bill one o one
Bill, Bill, Bill one o one, Bill one o one
Bill, Bill, Bill one o one, Bill one o one
Bill, Bill, Bill one o one, Bill one o one
Bill, Bill, Bill one o one, Bill one o one
Bill, Bill, Bill one o one, Bill one o one
Bill, Bill, Bill one o one, Bill one o one
Je me souviens
Je me souviens
J’m’en souviens d’la langue
De la langue des french kiss
J’m’en souviens encore
Mais pour combien de temps ?
J’m’en souviens tellement
Je la mettrais dans le vinaigre
Pour qu’elle dure plus longtemps
T’en souviens-tu d’la langue ?
Do you remember when we were French ?
Je me souviens
Je me souviens
Je me souviens
Je me souviens
Je me souviens
Je me souviens
Je me souviens
Je me souviens
P.-S.—Outre les paroles chantées par French B, on entend aussi des phrases en anglais et en français (Jacques Parizeau, Robert Bourassa, etc.).
P.-P.-P.-S.—En 2018, Johanne Melançon — pas de lien avec l’Oreille tendue — a étudié cette chanson et son vidéoclip : «Des lieux de mémoire sont […] convoqués par les paroles et par les images; ces événements historiques et ces symboles sont rappelés à la mémoire pour nourrir un discours engagé, cherchant à sensibiliser à une certaine urgence d’agir» (§ 9).
Référence
Melançon, Johanne, «La chanson québécoise, vecteur de l’histoire, de la mémoire et de l’identité», dans Marc Bergère, Hélène Harter, Catherine Hinault, Éric Pierre et Jean-François Tanguy (édit.), Mémoires canadiennes, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. «Des Amériques», 2018, p. 197-206. https://doi.org/10.4000/books.pur.138885