La non-lettre du jour

«P.S. Je ne crois pas, mon père, que tu sois fâché de ne plus recevoir de lettres de bonne année. C’est un usage que le républicain doit annuler. Les bienfaits d’un père sont autrement; il n’y a point de jour marqué pour lui en témoigner la reconnaissance qui, dans un fils, doit être continuelle. N…

(Cette lettre peut servir en substituant le mot mère à celui de père.)»

Le Secrétaire des Républicains ou nouveaux modèles de lettres sur différens sujets, Paris, Barba, [1793], p. 10, cité dans Sybille Grosse, les Manuels épistolographiques français entre traditions et normes, Paris, Honoré Champion, coll. «Linguistique historique», 8, 2017, 417 p., p. 213.

 

[Complément du 9 janvier 2018]

Le duo féminin Garfunkel and Oates est beaucoup plus radical que le Secrétaire des Républicains dans son refus des lettres de fin d’année («Year End Letter», 2009).

(Merci à Jean-Patrice Martel pour le lien.)

Accouplements 104

Deux couvertures du Quartanier, 2017

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Clermont, Stéfanie, «Toutes celles que j’ai connues et aimées», dans le Jeu de la musique. Nouvelles, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 15, 2017, 340 p., p. 278-318.

«Quand la tension montait, on discutait pendant des heures, et ça n’aidait pas vraiment. L’un de nous mettait All I Really Want to Do de Bob Dylan, pour se rappeler : “I ain’t looking to compete with you, beat or cheat or mistreat you”.
Je ne veux pas te faire compétition, te battre ou te maltraiter. Je ne veux pas te simplifier, t’étiqueter. Je ne te demande pas de voir comme moi, d’être comme moi.
“All I really want to do is, baby, be friends with you.” Je veux seulement qu’on soit amis» (p. 291).

Plamondon, Éric, «Lendemain de pêche», dans Donnacona. Nouvelles, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 116, 2017, 118 p., p. 47-68.

«I ain’t lookin’ to compete with you
Beat or cheat or mistreat you
Simplify you, classify you
Deny, defy or crucify you
All I really want to do
Is, baby, be friends with you
Bob Dylan» (p. 49, épigraphe).

P.-S.—L’Oreille tendue a présenté le Jeu de la musique le 27 décembre 2017.

Noms d’oiseaux

Stéfanie Clermont, le Jeu de la musique, 2017, couverture

Elles ont des patronymes d’oiseaux : Sabrina Cormoran, Céline Milan, Julie Grive. Elles ont été adolescentes ensemble à Ottawa. Leurs chemins se sont séparés, puis ils se recroisent. Elles ont des amis (Vincent, qui se suicide, Kat, Tahar, Estella, Jess) et des amants, dont l’identité sexuelle n’est pas toujours arrêtée («Tu disparais sous le poids de ton amour pour quelqu’un qui n’a plus de sexe […]», p. 299). Elles sont nourries de culture populaire (chanson, cinéma, télé, Internet). Seules ou ensemble, elles apparaissent dans la plupart des nouvelles du recueil le Jeu de la musique de Stéfanie Clermont (2017), souvent dans des moments de crise.

Comme presque tous les autres personnages — à l’exception de quelques enfants, et des parents de Céline, Vivianne et Pierre —, elles sont dans un entre-deux, jamais tout à fait ici ni parfaitement là : «Elle guette les occasions de commencer à vivre “vraiment”, qui ne viennent pas» (p. 83); «Tu attends que quelqu’un vienne te chercher» (p. 101); «Mon seul souvenir du temps, c’est : j’aurais pu» (p. 262). Leur monde est plein de souffrances et de violences : verbale, physique, sexuelle, sociale, raciale, politique.

Qu’elles soient brèves (la parfaite «L’enfant» [p. 96] fait cinq lignes) ou longues, les nouvelles de Stéfanie Clermont sont dures, à l’avenant.

 

Référence

Clermont, Stéfanie, le Jeu de la musique. Nouvelles, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 15, 2017, 340 p.

Le zeugme du dimanche matin et de la chanson française

Soit la chanson «Tétèoù» (1984), paroles et musique de Boris Bergman et Alain Chamfort, interprétation de Lio et Jacky (Jacques Jakubowicz).

Première citation : «Ce jour-là, j’avais descendu 227 marches, trois maris en fuites et 17 Jack Daniels / On ne devrait jamais faire de mélanges.»

Seconde citation : «On a écumé les bars, bières, bistrots.»

Allez, tous en chœur !

(Une définition du zeugme ? Par .)

 

Traduction acéricole du jour

Produit de l’érable à l’effigie de Maurice Richard

Un lecteur non prévenu pourrait légitimement se demander ce qu’est une «gangue symphonique au sirop de poteau» (le Devoir, 25-26 novembre 2017, cahier Le D magazine, p. 6), s’agissant du compte rendu d’un disque d’Aretha Franklin. Qu’est-ce que ce sirop de poteau ?

Au Québec, on produit du sirop d’érable. Sa version édulcorée s’appelle sirop de table : «produit commercial à base de sucre qui rappelle le sirop d’érable», explique le dictionnaire numérique Usito. Ce sirop coulerait d’un poteau qu’on n’en serait pas étonné.

«Gangue symphonique au sirop de poteau» ? Sirupeux, au carré.