Physique 101

Ils sont partout.

En arts visuels, Michel de Broin en est un (le Devoir, 18-19 mai 2013, p. E3).

Son équivalent, au hockey, est Alex Kovalev (la Presse, 10 octobre 2012, cahier Sports, p. 2).

Magali Lemèle, c’est en théâtre (le Droit, 10 avril 2013, p. 43).

On en voit dans le personnel romanesque : ce serait le cas de Valentin Pescatore, dans Triple frontière de Sebastian Rotella (le Droit, 16 juin 2012, p. A12).

Le monde politique a les siens, Jean-Martin Aussant (Métro, 30 août 2012, p. 10) ou Jacques Parizeau (la Presse, 14 février 2013, p. A14).

À la télévision, Suzanne Clément en serait une (la Presse, 8 mai 2013, cahier Arts, p. 1).

Musicalement ? ATOM TM / Uwe Schmidt (la Presse, 3 mai 2013) comme Sylvie Laliberté (le Devoir, 3 octobre 2012, p. B10).

Littérairement ? Maurice Sachs (la Presse, 19 février 2013, cahier Arts, p. 3).

Ça se trouverait même dans les affaires et dans la police; tels seraient les cas d’Isabelle Hudon (les Affaires, 22 décembre 2012, p. 14) et de Matricule 728 (le Devoir, 16 octobre 2012, p. A7).

Un dernier exemple, pour clore en beauté : le fromage le Pionnier en est un «dans l’univers des fromages du Québec» (la Tribune, 10 décembre 2012).

On aura bien sûr reconnu l’électron libre.

Il est au Petit Robert : «personne qui agit de manière indépendante (par rapport à un ensemble, une institution)» (édition numérique de 2010).

Il est partout.

P.-S. — L’idée de cette entrée de blogue est venue à l’Oreille tendue à la lecture d’un tweet de @revi_redac : «L’électron libre ne serait pas le cousin de l’ovni littéraire ? #cliché #bebitte». La question, en effet, se pose.

 

[Complément du 2 juin 2014]

Ajout venu du tennis : «Federer tombe devant l’électron libre letton» (la Presse, 2 juin 2014, cahier Sports, p. 2).

 

[Complément du 27 décembre 2018]

Quand Jo Nesbø parle d’un «électron libre totalement imprévisible» (Macbeth, p. 73), ne fait-il pas dans le pléonasme ?

 

Référence

Nesbø, Jo, Macbeth, Paris, Gallimard, coll. «Série noire», 2018, 617 p. Traduction de Céline Romand-Monnier.

Dictionnaire des séries 24

«C’est pas l’armée ni les pompiers ni la police
Qui m’empêcheront de voir Maurice»
Denise Filiatrault, «Rocket Rock and Roll», chanson, 1957

 

Les hommes de hockey n’ont probablement pas, du moins pour la majorité d’entre eux, lu l’Art de la guerre. Pourtant, le vocabulaire militaire leur vient naturellement.

Au football, on lance et on attrape, quand on ne les cueille pas, des passes et des bombes. Au hockey, les tirs des joueurs sont des boulets.

Duplessis admire le Rocket et envie un peu sa popularité. Il va le voir jouer le plus souvent possible. Il l’a invité quelques fois. Il lui a écrit des notes personnelles pour le féliciter de certains succès. […] Duplessis lance des mots qui pénètrent dans les consciences comme un boulet du Rocket dans le filet (le Rocket, p. 155).

Quand, à la suite d’une attaque en zone adverse, les joueurs reviennent dans leur propre territoire, on parle de repli défensif : il s’agit de résister à la contre-attaque de l’autre équipe. Les défenseurs sont d’ailleurs regroupés dans la brigade défensive, elle-même dirigée par un général à la ligne bleue.

Les compteurs sont des francs-tireurs, qui n’hésitent pas à armer un tir. Ils sont particulièrement utiles quand, pour départager deux équipes, on doit se rendre en fusillade. S’ils sont blessés, il leur faut retraiter au vestiaire.

Pendant qu’son corps partait au cimetière
Pour le grand repos éternel
Son âme retraitait au vestiaire
Pour enfiler la Sainte-Flanelle
(Mes Aïeux, «Le fantôme du Forum», chanson, 2008)

Du temps où ils jouaient au Forum de Montréal, les porte-étendards des Canadiens pouvaient lire une exhortation du militaire John McCrae dans «In Flanders Field» apparue sur les murs du vestiaire au mitan du XXe siècle : «Nos bras meurtris vous tendent le flambeau, à vous toujours de le porter bien haut» («To you from failing hands we throw / The torch; be yours to hold it high»). Cette citation, en français d’un côté, en anglais de l’autre, orne encore aujourd’hui les murs du vestiaire de l’équipe locale au Centre Bell, l’ex-Centre Molson, et ceux de son centre d’entraînement à Brossard; on peut la voir ici.

Pour prévoir les stratégies à utiliser contre une équipe qu’on va bientôt rencontrer, il est normal d’envoyer un éclaireur l’épier.

À défaut de pouvoir protéger une position, il importe de savoir protéger une avance.

Le sport a une longue et vivace tradition guerrière.

P.-S. — Le 2 février 2011, l’Oreille tendue avait un long texte sur les bras meurtris et le flambeau qu’ils portent.

 

[Complément du 17 juin 2025]

Dans «Éloge des matchs nuls», sa contribution au volume collectif la Vraie Dureté du mental, le philosophe Daniel Weinstock s’en prend à la fusillade, «cette aberration contre-nature» (p. 129), car elle «viole l’esprit du hockey» (p. 130). En quoi ? Il s’agit d’une mesure populiste (p. 133, p. 136), d’un geste individuel, alors que le hockey est un sport collectif («la virtuosité individuelle est une chose, le hockey en est une autre», p. 138). À méditer.

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

 

Références

Carrier, Roch, le Rocket, Montréal, Stanké, 2000, 271 p. Réédition : le Rocket. Biographie, Montréal, Éditions internationales Alain Stanké, coll. «10/10», 2009, 425 p. Version anglaise : Our Life with the Rocket. The Maurice Richard Story, Toronto, Penguin / Viking, 2001, viii/304 p. Traduction de Sheila Fischman.

Weinstock, Daniel M., «Éloge des matchs nuls», Normand Baillargeon et Christian Boissinot (édit.), la Vraie Dureté du mental. Hockey et philosophie, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. «Quand la philosophie fait pop !», 2009, p. 129-142.

Dictionnaire des séries 22

Forum de Montréal (1924)

Où joue-t-on au hockey ?

Réponse la plus évidente : dans un aréna (au masculin). «Pour tous les p’tits matins passés à l’aréna d’quartier» (Vilain Pingouin, «Les Habitants (GO Habs GO !)», chanson, 2009).

Réponse romaine : dans un amphithéâtre. «Et lorsque ses mains traduisent chaleureusement son enthousiasme, c’est son intelligence davantage encore, qui de l’amphithéâtre obscur à la patinoire illuminée, salue une sœur complice dans son moment d’apothéose et de gloire» (Louis Chantigny, 1974, cité dans Maurice Richard. Album souvenir, p. 93-94).

Réponse poétique : dans une enceinte. «et un peu partout dans l’enceinte / l’odeur du passé» (Bernard Pozier, «Aréna», p. 35).

Réponse religieuse : dans la Mecque du hockey (le Forum, devenu le Centre Molson, puis le Centre Bell; plus généralement, Montréal). «L’édifice reste la Mecque du hockey, son locataire reste la Sainte Flanelle et flottent un peu partout les fantômes du Forum» (Jean Dion, «Plus grand que nature»).

Tout bien considéré, peu importe. C’est sur la glace (sur la patinoire) que les matchs se gagnent.

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

 

Illustration : Forum de Montréal, 1924, collection du Musée McCord, photo déposée sur Wikimedia Commons

 

Références

Dion, Jean, «Plus grand que nature», le Devoir, 29 mai 2000, p. A1-A10.

Lamarche, Jacques, Maurice Richard. Album souvenir, Montréal, Guérin, 2000, 133 p. Ill.

Pozier, Bernard, Les poètes chanteront ce but, Trois-Rivières, Écrits des Forges, coll. «Radar», 60, 1991, 84 p. Ill. Réédition : Trois-Rivières, Écrits des Forges, 2004, 102 p.

Vilain Pingouin, «Les Habitants (GO Habs GO !)», 2009, 3 minutes 6 secondes, fichier audionumérique. http://www.youtube.com/watch?v=0JkZkMQyPeo

Dictionnaire des séries 21

Il ne faut pas confondre la mêlée et la mêlée générale.

La mêlée, c’est tout simplement le jeu.

Avec le Gros Bill dans la mêlée
On va garder le championnat
(Oscar Thiffault, «Ils sont en or», chanson, 1957)

Quand Ti-Guy Lafleur entre dans la mêlée
Quand Ti-Guy Lafleur entre dans la mêlée
(Oscar Thiffault, «La toune à Ti-Guy Lafleur», chanson, 1978)

dans la mêlée
sur le jeu de puissance
(Bernard Pozier, «Génétique I», 1991, p. 30)

La mêlée générale, c’est l’occasion pour les joueurs d’âprement se disputer la rondelle. Cela peut aller jusqu’à la bagarre, quand beaucoup d’entre eux, policiers ou pas, acceptent de valser.

Vous êtes prévenus.

 

[Complément du 30 mai 2014]

Dans son Lexique de termes de hockey (1983), Pierre Dallaire donne un autre sens à mêlée (p. 57) — amas de joueurs —, d’où le synonyme empilage (p. 32). Empilade est indiqué comme forme fautive (p. 35). En anglais — le Lexique est bilingue —, on parlerait de melee, pile-up ou scramble (p. 35).

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

 

Références

Dallaire, Pierre, Lexique de termes de hockey français-anglais anglais-français, Montréal, Leméac et Radio-Canada, 1983, 154 p.

Pozier, Bernard, Les poètes chanteront ce but, Trois-Rivières, Écrits des Forges, coll. «Radar», 60, 1991, 84 p. Ill. Réédition : Trois-Rivières, Écrits des Forges, 2004, 102 p.

Dictionnaire des séries 15

Giuseppe Canino

Gardien de but, c’est neutre. Portier, c’est banal. Cerbère, ça en jette.

Exemple tiré d’une chanson de 1960, «Gordie Howe», des Baladins :

Nous l’avons vu souvent dans une dure impasse
Étendre son bâton interceptant une passe
S’élancer comme une flèche devant ses adversaires
Et comme toujours déjouer le cerbère

Le mot cerbère évoque l’Antiquité, comme l’indique son étymologie : «latin Cerberus, grec Kerberos, nom du chien à trois têtes qui gardait l’entrée des enfers» (le Petit Robert, édition numérique de 2010).

Le hockey s’invente à l’occasion une longue histoire mythique, qui va bien au-delà de «Monsieur Hockey».

 

[Complément du 7 décembre 2015]

Désormais disponible : le vin des gardiens.

Le Cerbère : une étiquette de vin

 

Illustration : Giuseppe Canino, «Cerbère», image déposée sur Wikimedia Commons

 

[Commentaire du 17 décembre 2023]

On voit parfois, dans le même registre, geôlier : «L’ancien geôlier [Gilles Gilbert] de la LNH s’est éteint à l’âge de 74 ans» (la Presse+, 8 août 2023).

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)