Ville, as-tu du cœur ?

L’Oreille tendue ne cesse de remplir sa besace à urbanités.

Puisqu’elle habite en ville, en l’occurrence Montréal, elle peut, grâce à Tagada, «Faire son marché urbain».

Elle peut aussi y assister au festival Juste pour rire. Vidéotron y commandite «Les grands spectacles urbains» (la Presse, 18 juillet 2012, cahier Arts, p. 3, publicité). Enfin ! De l’urbain en ville !

Si elle préfère des divertissements moins populaires, un Salon urbain branché la comblera peut-être. Il n’est pas impossible qu’elle puisse y entendre de la «musique urbaine engagée».

Mais où est précisément l’urbain ? De deux choses l’une.

Il est parfois tout proche : l’aventure peut être au bout de la rue. Ce n’est pas «l’aventurier urbain» qui contredira l’Oreille (le Devoir, 10 septembre 2012, p. B5).

Il peut aussi être un peu plus éloigné, car la ville est dorénavant partout : «Gaspésie. Diversité, urbanité et chanson franco au Festival Musique du bout du monde» (le Devoir, 8 août 2012); «Québec, ville urbaine…» (publicité radio).

Peu importe, en fait, à condition que le corps, lui, soit urbain.

Rue Saint-Denis, à Montréal, on peut soigner son «Urban Body». Dans la Vieille Capitale, on choisira plutôt «Cardio urbain».

La ville est ce monde qui contient tous les mondes.

La fôret (sic) urbaine

La tendance s’est maintenue

Le 7 septembre, l’Oreille tendue s’amusait à rassembler les détestations des uns et des autres en matière de langue. Parmi celles-ci, sans y réfléchir plus avant, elle avait inclus le mot épique.

Le jour même, @OursAvecNous lui faisait parvenir la photo suivante.

Un solde épique ?

 

Depuis, l’Oreille voit le mot partout. Trois exemples.

Dans la Presse du 20 septembre : «Des patients victimes d’une dispute épique entre médecins» (p. A19).

Dans celle du 25 : «Dans un texte épique publié dans le Devoir samedi […]» (p. A16).

Hier, sur Twitter : «À voir- prendre le bus: c’est vraiment, vraiment cool / Bus épique?»

C’est bien comme s’il y avait là une tendance, et qu’elle se maintenait.

P.-S.—Consciencieuse, l’Oreille se promet de lire le roman Épique (Montréal, Marchand de feuilles, 2010) de William S. Messier.

 

[Complément du 30 octobre 2021]

C’est fait.

 

[Complément du 11 juillet 2023]

En chanson ? Bien sûr, chez Les Cowboys fringants, avec «Épique Éric» (2020).

Unicité vitale

Yolo

L’Oreille tendue a des enfants. Elle est le père, notamment, d’un fils de quatorze ans. Celui-ci parle français, certes, mais le français des adolescents de son âge. La communication familiale peut parfois en être entravée.

Exemple.

Yolo est un mot venu, semble-t-il, du rap. On le trouve notamment dans «The Motto», une chanson de Drake, qui que soit Drake. Traductions ? «You Only Live Once» (Tu ne vis qu’une fois).

Yolo s’emploie seul, pour qualifier les actions de quelqu’un, bonnes ou mauvaises.

En effet : de ce mot, on peut tirer deux crédos. Soit, puisqu’on ne vit qu’une fois, on peut en profiter pour faire toutes les bêtises possibles et imaginables; on ne les emportera que dans la tombe. Soit on profite au maximum de la vie, sans faire pourtant ce genre de bêtises; le plaisir n’interdit pas le sens des responsabilités.

On sait bien de quel côté penche le fils de l’Oreille.

 

[Complément du 16 novembre 2012]

Oxford University Press vient de faire de GIF son mot de l’année. Parmi les finalistes ? Yolo. Liste ici.

 

[Complément du 3 juin 2013]

Deux variations sur le Yolo.

La première est numérique : You Only Live Online. (Merci à @OursMathieu.)

La seconde est québécoise : Yink Une Vie À Vivre. (Merci à @catheoret.)

 

[Complément du 20 janvier 2014]

Dans le Devoir des 18-19 janvier 2014, Édouard Nasri répond, avec l’aide de la philosophie, à la question «YOLO : le carpe diem des temps modernes ?» (p. B6)

Sa réponse est moins tranchante que celle de Samuel Archibald, parue dans la Presse du 31 décembre 2013 : «le carpe diem des cons».