Le popotin des uns…

…est le steak des autres. Si on ne connaît pas cet emploi lexical québécois, le titre suivant, paru dans la Presse+ du 26 août, risque de rester incompréhensible.

«Ne pas rester assis sur son steak», la Presse+, 26 août 2017

Dans son Trésor des expressions populaires (2015), Pierre DesRuisseaux ne relève qu’un emploi métaphorique de «S’asseoir (rester assis) sur son steak» : «Paresser, s’abstenir d’agir, rester dans l’immobilisme» (p. 290). Cela suppose un emploi littéral, non ?

 

Référence

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015, 380 p. Nouvelle édition revue et augmentée.

Divergences transatlantiques 050

L’Oreille tendue ne l’avait jamais noté : il y a (au moins) deux sortes de bullshit.

Il y a la québécoise : la bullshit, toujours au féminin, affectueusement appelée bull («C’est de la bull»).

Il y a la française, au masculin — parfois ? toujours ? : le bullshit. C’est du moins ce que laissent croire les trois exemples suivants (et récents).

https://twitter.com/OClairouin/status/892991721021296643

Le Monde, 9 août 2017 : «bullshit» au masculin

Wikipédia définit «le bullshit» (au masculin, donc) ici.

P.-S.—Bullshit a évidemment donné le verbe bullshiter, que l’on trouve, par exemple, dans la Nuit des morts-vivants de François Blais (2011) : «plutôt que de la bullshiter j’essayai de lui changer les idées» (p. 100).

 

Référence

Blais, François, la Nuit des morts-vivants. Roman, Québec, L’instant même, 2011, 171 p.

Divergences transatlantiques 049

Soit un véhicule automobile : «Fourgonnette ou minibus servant au transport de personnes», dit le Petit Robert (édition numérique de 2014), qui considère le mot comme un anglicisme.

Pour ce dictionnaire, van est masculin, de même que pour Ian Manook (Yeruldelgger, p. 243) et que pour @iRumeurs.

Ce n’est pas le cas au Québec, où le mot est féminin, par exemple dans cet article préparé par la rédaction d’Urbania pour la Presse+ du 29 juillet 2017.

«Une van» (la Presse+, 29 juillet 2017)

Il est vrai que les Québécois sont souvent troublés par le genre des moyens de locomotion.

 

[Complément du 26 avril 2022]

C’est bien parce que le mot est anglais qu’il plaît tant aux personnages de Réparer les vivants, de Maylis de Kerangal : «Ils sont dans le van — jamais ils ne disent camionnette, plutôt crever» (éd. de 2020, p. 16).

 

Références

Kerangal, Maylis de, Réparer les vivants, Paris, Gallimard, coll. «Folio», 5942, 2020, 298 p. Édition originale : 2014.

Manook, Ian, Yeruldelgger. Roman, Paris, Albin Michel, coll. «Le livre de poche. Policier», 33600, 2016, 646 p. Avant-propos inédit de l’auteur. Édition originale : 2013.

Pomme de terre du jour

Catherine Dorion, les Luttes fécondes, 2017, couverture

Soit la phrase suivante, tirée des Luttes fécondes de Catherine Dorion (2017) : «Je posais ces questions aux militants dans l’espoir d’avoir une conversation stimulante, mais ça faisait presque toujours patate» (p. 41).

Faire patate, donc : au Québec, échouer, ne pas parvenir à faire quelque chose, rater / manquer son coup.

Le logiciel Antidote connaît ce sens, mais il en indique un autre, opposé, en Belgique. (Merci à @machinaecrire pour la saisie d’écran.)

«Faire patate» selon le logiciel AntidoteQu’en dirait @MichelFrancard ?

P.-S.—En effet, ce n’est pas la première pomme de terre que l’on croise ici.

 

[Complément du 1er juin 2018]

Soit le tweet suivant :

On appréciera la proximité de Parmentier, ce «porte drapeau de la culture de la pomme de terre» (dixit Wikipédia), et de la patate.

 

Référence

Dorion, Catherine, les Luttes fécondes. Libérer le désir en amour et en politique, Montréal, Atelier 10, coll. «Documents», 11, 2017, 108 p. Ill.

Divergences transatlantiques 048

«Plaque de croissance» en réhabilitation

Soit la phrase suivante, tirée du Devoir du 29 mars 2017 :

Le Canada est connu pour son caractère aimable, poli et politiquement correct. C’est le sujet d’innombrables blagues, d’ailleurs, cette façon qu’ont les Canadiens de s’excuser après s’être fait piler sur les pieds (p. A9).

«Se faire piler sur les pieds» ? Se les faire écraser. Ce sens, commun au Québec, est relevé par le Petit Robert (édition numérique de 2014) : «RÉGIONAL (Gironde, Ouest; Canada) Écraser, fouler. • Piler sur les pieds de qqn, marcher dessus.»

Dans son Multi (édition numérique de 2017), Marie-Éva de Villers donne deux locutions familières dérivées de ce sens : «Piler sur son orgueil. Mettre son orgueil de côté. Se piler sur les pieds. Se trouver dans un espace restreint où il y a affluence.»

Bref, chers Canadiens, il vaut mieux, dans la mesure du possible, si ça n’ennuie personne, ne pas vous laisser marcher sur les pieds.