Les zeugmes du dimanche matin et de Jean Echenoz

Jean Echenoz, Vie de Gérard Fulmard, 2020, couverture

«D’ici là, mes trois sous se compactant vers l’unité, béni soit le ciel mais surtout ce qui vient d’en tomber sur Auteuil, grâce à quoi se voir différé le paiement de mon terme» (p. 18).

«Les tapis et les meubles — guéridons stratifiés de livres d’art et de catalogues de salles des ventes, méridiennes, sofas, poufs — ainsi que la décoration — un Staël, un Klein, trois antiquités soclées — dénotent un goût et un matelas bancaire analogues» (p. 40).

«Je ne tombe que sur son répondeur ou sur des incapables» (p. 43-44).

«Louise est présente en tailleur gris foncé, non loin de Guillaume Flax et de Cédric Ballester tous deux en bleu marine avec Dorothée Lopez en retrait» (p. 65).

«On y accède sans difficulté ni physionomiste, il suffit de pousser la porte» (p. 131).

Jean Echenoz, Vie de Gérard Fulmard. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2020, 235 p.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

L’oreille tendue de… Jean Echenoz

Jean Echenoz, Vie de Gérard Fulmard, 2020, couverture

(Quand paraît un nouveau livre de Jean Echenoz, cela se célèbre. Vie de Gérard Fulmard venant de paraître, célébrons pendant quelques jours.)

«Mais d’abord on ne va pas voir grand-chose de cette faune. Certes on tendra l’oreille quand Budiman lève un index ravi, désignant le ventre indistinct de la forêt d’où proviennent de vagues beuglements, aboiements, sifflements lointains qui émanent, s’efforcera-t-on de croire, des buffles nains et cerfs-cochons dont on a lu l’existence dans les guides.»

Jean Echenoz, Vie de Gérard Fulmard. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2020, 235 p., p. 197.

En vrac

Jean Echenoz, Vie de Gérard Fulmard, 2020, couverture

(Quand paraît un nouveau livre de Jean Echenoz, cela se célèbre. Vie de Gérard Fulmard venant de paraître, célébrons pendant quelques jours.)

Une diaphore ? «Franck me dépêche, donc je me dépêche» (p. 38).

Une apposition qui ravit ? Celle-ci, parmi tant d’autres : «Entrée sans frapper […]» (p. 39).

Un bar à ongles ? Oui (p. 47).

Des échos internes ? «Ah bon ? Deux mois ?» (p. 100 et p. 180)

Une réflexion sur les parenthèses : «je ferme ici ma parenthèse, mais c’est toujours le même problème avec les parenthèses : quand on les ferme, qu’on le veuille ou non, on se retrouve dans la phrase» (p. 168).

Une allusion à la surdité ? C’est de saison : «Tout muet qu’il fût, le film m’avait en quelque sorte rendu sourd» (p. 174).

 

Référence

Echenoz, Jean, Vie de Gérard Fulmard. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2020, 235 p.

Gris sur gris

Jean Echenoz, Vie de Gérard Fulmard, 2020, couverture

(Quand paraît un nouveau livre de Jean Echenoz, cela se célèbre. Vie de Gérard Fulmard venant de paraître, célébrons pendant quelques jours.)

La palette chromatique de Jean Echenoz est étendue.

Prenez cette scène de club house :

Non loin de la cheminée, affalés autour d’une table basse, Dorothée Lopez aperçoit puis rejoint Cédric Ballester et Guillaume Flax, chacun son iPad sur ses genoux, chacun en tenue de golf, Ballester en polo Altman rouge barré de noir à col blanc, pantalon Aldrich mauve et pull Rosi bleu pâle jeté sur ses épaules, Flax entièrement en Decathlon (p. 102).

Ou encore souvenez-vous de voitures croisées l’autre jour, «roadster Honda jaune» (p. 55), «Audi Q2 havane» (p. 56), «vaste Volvo anguleuse de couleur margarine» (p. 158), «espèce de Skoda beigeasse» (p. 232).

Tout lecteur de l’incipit du roman Un an (1997) sait toutefois qu’Echenoz se surpasse dans les gris. Rebelote avec Vie de Gérard Fulmard :

Et pour dramatiser la scène, soudain la lumière change et vire à toute allure vers un gris de plus en plus sombre, du perle vers l’anthracite via le fer pendant que les gouttes se multiplient, s’alourdissent, de plus en plus denses et compactes, la surface du bassin commence de se moucheter accelerando, bientôt on ne va même plus pouvoir s’entendre (p. 111-112).

Plus précisément, cela donne :

des vêtements — «costume et cravate ardoise» (p. 25), «costume zinc serré» (p. 50), «tailleur gris foncé» (p. 65), «tailleur anthracite strict mais orné d’un carré à motif camouflage» (95), «costume ardoise indémodable» (p. 151);

un bruit — «chuchotement continu, gris, feutré, pure haleine mécanique et sans relief» (p. 93);

des éléments du paysage urbain — «ruban gris fer du pont de Bir-Hakeim» (p. 93), «fil gris de l’île aux Cygnes» (p. 93), «patchwork de couvertures pâles à carreaux de zinc, de plomb, d’ardoise» (p. 94);

des machines — «ancienne machine à écrire à boule IBM vert-de-gris» (p. 162), «aussi vieux magnétoscope Thomson argenté mat» (p. 162);

un squale — «large masse oblongue, musculaire et nerveuse, carrossée de gris clair et de blanc» (p. 204).

Bref, «Il fait gris, l’air est sec et poudreux, Tourneur frissonne» (p. 190).

 

Références

Echenoz, Jean, Un an. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 1997, 110 p.

Echenoz, Jean, Vie de Gérard Fulmard. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2020, 235 p.

Portrait psychotique du jour

 

Jean Echenoz, Vie de Gérard Fulmard, 2020, couverture

(Quand paraît un nouveau livre de Jean Echenoz, cela se célèbre. Vie de Gérard Fulmard venant de paraître, célébrons pendant quelques jours.)

«Francis Delahouère, assistant de Joël Chanelle : aspect sphéroïdal voisin de celui-ci mais en version effilochée, imprécise, mal rangée. Sa cravate dépasse derrière le col de sa chemise, ses cheveux sont rétifs et ses vêtements, même neufs, paraissent élimés aux extrémités, il ressemble au portrait de Chanelle exécuté par un enfant psychotique.»

Jean Echenoz, Vie de Gérard Fulmard. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2020, 235 p., p. 65-66.