Journal hexagonal

Comme un personnage des Fiançailles de Mr. Hire de Simenon, pour quelques jours, l’Oreille tendue aura «l’oreille tendue à la rumeur de Paris» (éd. de 2003, p. 307) et de la Normandie.

12 novembre

Aéroport Trudeau, Montréal

Aéroport Trudeau, Montréal

Un flambeau comme souvenir à rapporter à la maison ?

13 novembre

Boulevard Arago, Paris

Boulevard Arago, Paris, novembre 2016

Une nouvelle souscription paraît s’imposer.

Rue Daguerre, Paris

L’Oreille tendue : «Vous pouvez me recommander un bordeaux à boire tout de suite ?»

La caviste : «Vous préférez rive droite ou rive gauche ?»

L’Oreille s’est sentie soudain bien démunie.

Boulevard Edgar-Quinet, Paris

Aller si loin pour (encore) tomber sur un bar (à fruits).

Bar à fruits, boulevard Edgar-Quinet, Paris, novembre 2016

Avenue du Maine, Paris

Dans une pizzeria, la voisine de l’Oreille tendue ponctue ses phrases de «voilà». Cela lui fait penser à @fbon, qui est au Japon.

Métro Pasteur, Paris, 19 h 37

L’Oreille croise un homme portant un maillot des Rangers de New York — c’est du hockey. Même ici.

Rue de la Gaieté, Paris, 23 h 30

Un homme et son enfant dorment sur le pas d’une porte. La main de l’enfant dépasse d’un amas de couvertures.

14 novembre

Square C.-Nicolas Ledoux, place Denfert-Rochereau, Paris

Place Denfert-Rochereau, Paris, novembre 2016

Décidément, il y a de l’avenir pour les souscriptions.

Au vol, boulevard Saint-Michel, Paris

«Donc du coup voilà.» Voilà deux tics d’un coup.

Avenue de Rivoli, Paris

«Vous boirez quelque chose ?»

«Éventuellement, un verre de vin.»

C’est ce qui s’appelle une réponse ferme.

Cours du Commerce Saint-André, Paris

Décidément, il y a de l’avenir pour les bars (à chocolat).

Bar à chocolat, cours du Commerce Saint-André, Paris, novembre 2016

Sant-Germain-des-Prés

Au restaurant, le serveuse est ravie de notre accent. La personne avec qui l’Oreille mange lui explique que c’est un accent emprunté; il se dit marseillais, pratiquant l’accent québécois. La serveuse est sceptique. On est toujours l’accent de quelqu’un.

Entre Saint-Germain-des-Prés et Montparnasse, 22 h

Fréquemment, des personnes, seules ou en groupes, qui dorment sur le seuil des immeubles.

15 novembre

Gare Saint-Lazare, Paris

L’apocope était commune : Monop’ pour Monoprix. Elle s’est faite raison sociale.

Monoprix, gare Saint-Lazare, novembre 2016

Entre Mantes-la-Jolie et Vernon-Giverny

De la fenêtre du train, apercevoir une silhouette solitaire, debout dans un cimetière coloré. Il y a peu, c’était les vacances de la Toussaint.

Rouen

Arrivé en gare de Rouen, la SNCF espère que nous avons «effectué» un bon voyage. «Fait», c’est trop simple ?

Université de Rouen

Maurice Richard à l’université ? Bien sûr.

Conférence sur Maurice Richard, affiche, novembre 2016

16 novembre 2016

Irish Pub, Rouen

L’Oreille (qui n’est pas née de la dernière pluie) va prendre un verre avec un collègue, aujourd’hui retraité. À la sortie, le serveur leur lance «Salut, les gars !» L’Oreille et son collègue auraient pu se sentir jeunes — à prononcer djeunes.

Quais de la Seine, Rouen

Un homme seul dort emmitouflé sur le seuil d’un immeuble.

Place Henri-IV, Rouen

Aptonyme du soir.

Mme Biberon, sage-femme, Rouen

17 novembre 2016

Rouen

Le soleil existe-t-il toujours ? Brille-t-il quelque part ? L’Oreille s’inquiète.

18 novembre 2016

Université de Rouen, 10 h 13

Première occurrence du mot posture au colloque auquel participe l’Oreille.

Université de Rouen, 10 h 54

Première occurrence du mot rebondir.

Université de Rouen, 11 h 12-11 h 32

Le soleil existe.

Université de Rouen, 15 h 04

«Nous allons passer à la seconde intervention — pardon : à la deuxième.» Merci.

Rue du Général-Giraud, Rouen

Une demi-Oreille tendue.

Rue du Général-Giraud, Rouen, novembre 2016

 

Référence

Simenon, Georges, les Fiançailles de Mr. Hire, dans Romans. I, Paris, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 2003, p. 213-318. Édition établie par Jacques Dubois, avec Benoît Denis. Édition originale : 1933.

Le niveau baisse ! (2013)

(«Le niveau baisse !» est une rubrique dans laquelle l’Oreille tendue collectionne les citations sur le déclin [supposé] de la langue. Les suggestions sont bienvenues.)

 

«Ainsi, au Québec, l’objectif ministériel au chapitre de la connaissance de la langue française veut qu’à l’examen terminal de niveau collégial, l’élève produise un texte en 800 mots comportant moins de 30 fautes, un critère qui aurait naguère mis en échec un élève en première secondaire.»

Source : Normand Thériault, le Devoir, 9 mars 2013

 

Pour en savoir plus sur cette question :

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

Benoît Melançon, Le niveau baisse !, 2015, couverture

Procrastinez-vous ?

Patrick Nicol, Vox populi, 2016, couverture

Il n’y a pas que les lexicographes à chasser la nouveauté linguistique. Cela peut aussi arriver aux personnages de roman. Prenez Marc Langevin, dans Vox populi (2016) de Patrick Nicol. Bien installé dans la matériathèque de son cégep sherbrookois, il a tendu l’oreille.

Les mots naissent et meurent comme les espèces animales et les métiers. […] Ces temps-ci, «procrastination» jouit d’une grande popularité. Il n’est pas commun qu’un mot si long connaisse un tel succès, mais c’est notable : le terme revient souvent, dans toutes sortes de contextes. Les employés du cégep l’emploient, et pas seulement les profs. Les étudiants conjuguent le verbe «procrastiner». Le concept jouit d’un grand engouement, comme si remettre à plus tard était à la fois une mode, un fléau et un bon sujet de conversation. Il y a eu des reportages là-dessus, et sur Internet, à tout bout de champ, le mot revient. C’est drôle comment tout le monde s’emballe pour une idée, la même idée, tout le monde en même temps. On ne sait jamais comment elles commencent, ces affaires-là, mais elles se répandent et bientôt chacun les dit comme si elles venaient de lui, et personnellement. Marc sourit (p. 18-20).

Il est cependant légitime de penser que ce ne sont pas des personnages fictifs qui ont inventé, à destination des gens pressés, précrastination (la Presse+, 30 avril 2016) ou, à destination des amateurs de café et de procrastination, le néologisme procraféiner. (Dans le même ordre d’idées, il existe un substantif anglais, mais sans la deuxième r : procaffeination.)

P.-S. — Il est vrai que procrastination est populaire dans les universités, notamment chez les thésards.

P.-P.-S. — Le verbe procrastiner n’est pas conjugué que dans les établissements d’enseignements québécois; voir ici.

 

Référence

Nicol, Patrick, Vox populi. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 98, 2016, 89 p.

Permanence de la lettre

L’Oreille tendue n’en est pas à une répétition près. Depuis plus de vingt ans au moins, elle raconte à qui veut bien l’entendre que la lettre n’est pas disparue avec l’apparition du numérique (courriel, puis réseaux sociaux). La lettre a cependant changé de fonction, ce qui a mis en relief ce qui la constitue et en fait la valeur.

Là où le numérique pourrait faire craindre une absence d’incarnation, l’écriture manuscrite adressée, au contraire, suppose une matérialité forte. Elle est d’autant plus forte qu’elle est l’objet d’un choix : dans l’arsenal des moyens de communication dont on dispose aujourd’hui, écrire à la main, c’est ne pas envoyer un courriel ou un texto, c’est ne pas tweeter et retweeter, c’est ne pas rameuter sa communauté Facebook. J’aurais pu m’adresser à toi à partir de mon ordinateur, de mon téléphone, de ma tablette. Je ne l’ai pas fait. Je voulais laisser une marque, ma marque.

Des exemples ? Les trois qui suivent signalent l’importance de l’école dans la permanence de l’épistolaire.

En 1993, une polyvalente de Laval, en banlieue de Montréal, a mis sur pied pour la quatrième année une «Semaine du mieux-vivre» durant laquelle les élèves étaient invités à écrire à leurs camarades et à leurs professeurs afin «de briser l’isolement qui conduit certains jeunes au suicide».

En 2011, six étudiants de Queen’s University (Kingston, Ontario) sont morts de causes diverses, dont le suicide, sur une courte période. La direction de l’établissement, en plus d’affecter des ressources psychologiques aux personnes touchées, a installé des tables où les étudiants étaient invités à partager par écrit leurs sentiments.

Au début des années 2000, rapporte Catherine Handfield dans la Presse+ d’hier, le Carrefour familial des Moulins (Terrebonne, Québec) a lancé le «Courrier Plume-images» : les enfants des écoles primaires de la région — ils ont de six à douze ans — peuvent y envoyer des lettres et s’y confier librement. Résultats ? «Plus de 4000» lettres manuscrites, souvent accompagnées de dessins, ont été reçues l’an dernier, auxquelles ont répondu 35 bénévoles — à la main, bien sûr.

Non, la lettre n’est pas près de disparaître.

 

Références

Blais-Poulin, Charles-Éric, «Entre le clavier et la plume», la Presse+, 13 août 2016. http://plus.lapresse.ca/screens/7c569f01-8feb-4704-a9b5-d0223ddc6fc9%7CfMfIQOjXNITZ.html

Handfield, Catherine, «À l’écoute des élèves, une lettre à la fois», la Presse+, 30 août 2016. http://plus.lapresse.ca/screens/81e10780-af1e-4bb7-8040-2d5e36da08d4%7C8_VN.EJ25cq4.html

Melançon, Benoît, «Des usages actuels de la lettre», Bulletin de l’AIRE (Association interdisciplinaire de recherche sur l’épistolaire, Paris), 12, décembre 1993, p. 25. https://benoitmelancon.quebec/docs/usages_actuels_aire_1993.html

Melançon, Benoît, Épistol@rités, Saint-Cyr-sur-Loire, publie.net, coll. «Washing Machine», 2013. Édition numérique. Recueil de trois textes : Sevigne@Internet. Remarques sur le courrier électronique et la lettre (1996), «Postface inédite : Quinze ans plus tard» (2011) et «Épistol@rités, d’aujourd’hui à hier» (2011). http://www.publie.net/fr/ebook/9782814506602/epistol@rites

Melançon, Benoît, «Le cabinet des curiosités épistolaires», Épistolaire. Revue de l’AIRE (Association interdisciplinaire de recherche sur l’épistolaire, Paris), 40, 2014, p. 257-259. https://benoitmelancon.quebec/docs/actualite_epistolaire_40_2014.html

Epistol@rités, publie.net, 2013

Le niveau baisse ! (2010)

(«Le niveau baisse !» est une rubrique dans laquelle l’Oreille tendue collectionne les citations sur le déclin [supposé] de la langue. Les suggestions sont bienvenues.)

 

«Les facs s’attaquent aux fautes d’orthographe. C’est un constat unanime : trop d’étudiants sont fâchés avec l’orthographe et, plus globalement, avec le français. Une vingtaine d’universités proposent désormais des cours de rattrapage.»

Source : le Parisien, 2010, cité dans Claude Lelievre, «La “bataille de l’orthographe” à l’Université», 5 octobre 2010.

 

Pour en savoir plus sur cette question :

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

Benoît Melançon, Le niveau baisse !, 2015, couverture