CIEL, mon XXIV !

Nouvelle date de tombée pour les propositions  : 1er mars 2019

 

24e Colloque interuniversitaire étudiant de littérature (CIEL)
Appel de communications

Université de Montréal
1er mai 2019

Le CIEL est un colloque qui souhaite offrir la possibilité de présenter les résultats de leurs recherches aux étudiants et aux étudiantes à la maîtrise ou au doctorat des départements d’études littéraires des universités québécoises.

La vingt-quatrième édition du CIEL est organisée par le Département des littératures de langue française de l’Université de Montréal, de concert avec le Département d’études littéraires de l’Université du Québec à Montréal et le Département de langue et littérature françaises de l’Université McGill.

Ce colloque se tiendra le 1er mai 2019, à l’Université de Montréal. Vous êtes invités à soumettre une proposition de communication, sur un sujet de votre choix, au plus tard le 25 février 2019 le 1er mars 2019.

La proposition (en format .docx ou .doc) doit contenir deux pages :

1. une page avec votre nom, suivi du titre et d’un résumé d’au maximum 300 mots de la communication proposée;

2. une page de présentation où figurent vos coordonnées (adresse électronique, numéro de téléphone, adresse postale), votre niveau d’études, le nom de votre université d’attache, ainsi que le nom de votre directeur de recherche.

Les communications doivent être inédites et en langue française. Les communications ne devront pas excéder 20 minutes (soit environ 10 pages à double interligne).

La proposition devra être envoyée par courriel au responsable des cycles supérieurs du Département des littératures de langue française de l’Université de Montréal, Benoît Melançon (benoit.melancon@umontreal.ca).

Pour tout autre renseignement, veuillez communiquer prioritairement avec le comité organisateur à l’adresse ciel.xxiv.2019@gmail.com.

P.-S.—L’Oreille tendue, on l’aura deviné, est du comité d’organisation.

Pas grand-chose

Jean-Christophe Réhel, Ce qu’on respire sur Tatouine, 2018, couverture

Rien est un bien étrange mot. Si l’Oreille tendue en croit son Petit Robert (édition numérique de 2014) — elle n’a pas de raison de ne pas le croire —, ce mot désignerait aussi bien quelque chose qu’aucune / nulle chose.

Au Québec, c’est peut-être encore un brin plus compliqué.

Le mot apparaît dans une formule conclusive, en un sens parfois proche de y a pas de quoi : y a rien là devrait mettre un terme à une conversation, en marquant la modestie (réelle ou feinte) de la personne qui parle, le peu d’importance du geste qu’elle vient de faire ou l’absence de gravité de ce qui s’est passé. Bref, n’en parlons plus, ce n’est rien. (Il est de notoriété publique que les Québécois aiment .)

«Jean-Luc revient une trentaine de minutes plus tard pour m’injecter l’autre antibiotique en s’excusant du retard. “Y a rien là”» (Ce qu’on respire sur Tatouine, p. 211).

«Il a changé le plan de table pour que Max puisse s’asseoir à côté de lui, fit Stéphane. Y a rien là» (Cauchemar à Nagano, p. 118).

On peut même faire plus concentré :

«Le skidoo encore dans le milieu de la cour, le voisin du dessous allait chialer, rien là» (Mailloux, p. 137).

Rien, c’est peu; pas rien, c’est moins.

«Aujourd’hui, il fait soleil. Un ciel bleu, pas de nuage, pas d’âme, pas rien» (Ce qu’on respire sur Tatouine, p. 6).

Il existe encore un adage du cru : rien qu’à voir on voit bien.

«Rien qu’à voir, on voyait bien que nous entrions dans un lieu sacré où tout respirait l’école, les élèves, les souvenirs des anciens, le passage du temps, le timbre de la cloche» (les Yeux tristes de mon camion, p. 23).

Qui commence une phrase par j’veux rien dire va nécessairement parler. C’est une forme commune de la prétérition.

«J’veux rien dire, mais ton blogue est poche

Tout ça vaut bien quelque chose, non ?

 

[Complément du 25 janvier 2019]

Un peu de Raymond Devos ? «Rien, c’est rien. Deux fois rien, non plus; mais avec trois fois rien, on peut déjà s’acheter quelque chose» (cité dans Défense et illustration de la langue française aujourd’hui, p. 47).

 

Références

Bouchard, Serge, les Yeux tristes de mon camion. Essai, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 303, 2017, 212 p. Édition originale : 2016.

MacGregor, Roy, Cauchemar à Nagano, Montréal, Boréal, coll. «Carcajous», 8, 2003, 149 p. Traduction de Marie-Josée Brière. Édition originale : 1998.

Mailloux, histoires de novembre et de juin racontées par Hervé Bouchard citoyen de Jonquière, Montréal, L’effet pourpre, 2002, 190 p.

Réhel, Jean-Christophe, Ce qu’on respire sur Tatouine. Roman, Montréal, Del Busso éditeur, 2018, 283 p.

Serres, Michel et Michel Polacco, Défense et illustration de la langue française aujourd’hui, Paris, Le Pommier, coll. «Le sens de l’info !», 2018, 127 p.

L’oreille tendue de… Jack Kerouac

Jack Kerouac, Maggie Cassidy, éd. de 2013, couverture

«Tchak, tchak, la prof frappe deux coups de règle et se lève, imposante comme un chauffeur de bus, fait l’appel, écrit une note, quand arrive d’une autre classe M. Grass qui vient lui annoncer une nouvelle; tout le monde tend l’oreille pour entendre ce qu’ils se chuchotent, une boulette de papier narquoise vole dans le soleil éclatant, la journée commence.»

Jack Kerouac, Maggie Cassidy, Paris, Gallimard, coll. «Folio», 5568, 2013, 269 p., p. 54. Traduction de Béatrice Gartenberg.

Dans l’original : «Blam, blam, the old teacher bangs her ruler and stands, very matronly, like an old busdriver, surveying the class for absences and then she makes a note and a few quibblings then from next room walks in Mr. Grass for some special news and everybody bends an ear as they whisper up front, a spitball sails funnily in the bright nice sun, and on comes the day» (New York, Penguin Books, 1993, 194 p., p. 45).

L’art du pastiche

Nadine Bismuth, Un lien familial, 2018, couverture

La parodie doit faire rire : on sait qu’il y a moquerie. Le pastiche est plus subtil, qui mêle appropriation stylistique et différence perceptible. Tout y est affaire de distance finement mesurée.

La romancière Nadine Bismuth avait déjà fait la preuve de sa maîtrise du pastiche dans Scrapbook en 2004. On y trouvait un vrai-faux projet de thèse de doctorat qui n’aurait (presque) pas déparé un dossier universitaire (éd. 2006, p. 203-205).

Rebelote avec Un lien familial, paru l’an dernier. Les parents apprécieront les messages de l’«enseignante» de la petite Charlotte, points d’exclamation à l’appui (p. 123, p. 192). Les amateurs de cuisine goûteront le blogue d’Isabelle, ses recettes, ses conseils et son autoportrait en creux (p. 60-65). Les lecteurs de communiqués de presse — il s’en trouve — se réjouiront devant celui signé Romane Trépanier (p. 275-276).

L’Oreille tendue ne peut qu’applaudir devant l’art avec lequel Nadine Bismuth fait entendre nombre d’aspects du sociolecte montréalais contemporain, ceux-là comme d’autres.

 

Références

Bismuth, Nadine, Scrapbook. Roman, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 176, 2006, 393 p. Édition originale : 2004.

Bismuth, Nadine, Un lien familial. Roman, Montréal, Boréal, 2018, 317 p.

Nous ?

David Turgeon, À propos du style de Genette, 2018, couverture

Robert Vigneault a consacré nombre de travaux à essayer de définir l’essai littéraire. Dans la revue Voix et images, en 1983, il publiait un article intitulé «L’essai québécois : préalables théoriques». On pouvait y lire ceci : «Un signe qui ne trompe pas : chaque fois qu’un auteur se cache derrière l’autorité d’un Nous impersonnel et envahissant (“à notre femme”, portait la dédicace de telle thèse), c’est qu’il est monté dans la chaire de vérité et qu’il préside à l’avancement de la science» (p. 312). Il est vrai que ce «à notre femme» ouvre la porte à des interprétations potentiellement troublantes.

Dans un essai récemment paru, David Turgeon — comme l’Oreille tendue le signalait l’autre jour — analyse le style du théoricien Gérard Genette et aborde à son tour, deux fois, la question du pronom de la première personne du pluriel dans l’écriture savante.

Quand il écrit «Le nous de modestie […] est la forme qu’encore aujourd’hui l’université préconise à ses étudiants d’employer dans leurs travaux» (p. 67), il étonne : cela ne correspond plus guère à la pratique quotidienne des étudiants en lettres que lit massivement l’Oreille pour des raisons professionnelles. Le nous n’est certes pas disparu, mais il est de plus en plus souvent remplacé par le je.

Dans le développement qui suit cette affirmation, Turgeon cite les Éléments de littérature de Marmontel : «À propos de l’usage qui, dans notre langue, veut qu’on mette le pluriel à la place du singulier, je demande pourquoi, dans un écrit qui est l’ouvrage d’un seul homme, l’auteur, en parlant de lui-même, se croit obligé de dire nous ?» (cité p. 68) Ce n’est pas lui qui aurait dédié un ouvrage «à notre femme».

P.-S.—L’Oreille tendue n’a pas réussi à trouver la thèse à laquelle Robert Vigneault fait allusion en 1983, mais elle en a repéré d’autres, soutenues depuis et destinées, elles aussi, «à notre femme» (voir ici et ).

 

Références

Turgeon, David, À propos du style de Genette. Essai, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 122, 2018, 223 p.

Vigneault, Robert, «L’essai québécois : préalables théoriques», Voix et images, 8, 3, hiver 1983, p. 311-329. https://doi.org/10.7202/200385ar