Non, point du tout

Charlotte Aubin, Toute ou pantoute, 2024, couverture

Pantoute est un adverbe de négation prisé au Québec.

Il peut servir à répondre à une question.

«Le volleyball, un sport de camping ? Pantoute ! Regardez la finale masculine opposant les Russes aux Brésiliens. Quel beau spectacle ! #jo2012» (@JeanSylvainDube).

Il est aussi employé pour caractériser un sentiment, une idée, une opinion, etc.

«J’y ai été avec ma mère, à matin, j’ai pas envie pantoute d’y retourner !» (Un ange cornu avec des ailes de tôle, p. 81).

«J’apporte rien pantoute. Juste ma peau» (Martine à la plage, p. 76).

«En descendant d’l’avion
Plus aucun doute
Même si vos mots
J’les pigeais pas pantoute
Gens du pays
J’ai su qu’on s’aimerait» («L’accent d’icitte»).

Remarque orthographique. On voit, mais exceptionnellement, pentoute.

«Parler à un jeune employé qui comprend pas le sens du mot “sous-vêtements” euh “culottes?!” #PasGenantPentoute» (@PimpetteDunoyer).

 

[Complément du 29 décembre 2012]

Aussi exceptionnellement, on voit «pan toute», en deux mots, par exemple dans la bande dessinée Onésime d’Albert Chartier (p. 13, p. 14, p. 85, p. 148, p. 202). Il est vrai que le même Chartier écrit aussi «pantoute» (p. 183, p. 191, p. 205, p. 212, p. 230, p. 239, p. 240, p. 262).

 

[Complément du 22 avril 2017]

Martin Winckler vit à Montréal depuis quelques années. Cela a-t-il des effets sur son vocabulaire ? Sans aucun doute, comme l’atteste le tweet ci-dessous. (Et il y a aussi ceci.)

Tweet de Martin Winckler contenant le mot «pantoute», 2017

 

[Complément du 26 mars 2019]

En 1937, la brochure le Bon Parler français considérait «Pantoute», mis pour «Pas du tout», comme une «locution vicieuse» (p. 13).

 

[Complément du 30 novembre 2021]

Cela n’a pas empêché l’auteur de Meurtre au Forum de l’utiliser deux fois en 1953 :

— Vous avez pensé qu’il était malade ? dit Alain.
— J’ai rien pensé pantoute, dit l’homme (p. 6).

— C’est deux gamblers. Ça joue aux courses et c’est toujours prêts à gager sur n’importe quoi ?
— Ben ça, c’est intéressant, dit Saturnin. Car moi itou, j’suis assez gambler. [Je] déteste pas ça pantoute» (p. 27).

 

Références

Le Bon Parler français, La Mennais (Laprairie), Procure des Frères de l’Instruction chrétienne, 1937, 24 p.

Boulerice, Simon, Martine à la plage. Roman, Montréal, La mèche, coll. «Les doigts ont soif», 2012, 82 p. Avec des dessins de Luc Paradis.

Chartier, Albert, Onésime. Les meilleures pages, Montréal, Les 400 coups, 2011, 262 p. Publié sous la direction de Michel Viau. Préface de Rosaire Fontaine.

Gaël, «L’accent d’icitte», Diamant de papier, Productions de l’onde, 2010.

Tremblay, Michel, Un ange cornu avec des ailes de tôle. Récits, Montréal et Arles, Leméac et Actes Sud, 1994, 245 p.

Verchères, Paul [pseudonyme d’Alexandre Huot ?], Meurtre au hockey, Montréal, Éditions Police journal, coll. «Les exploits policiers du Domino Noir», 300, [1953], 32 p.

La société du loisir

Point de vue du publicitaire : «1, 2, 3, rouge. Voici le transporteur loisirs d’Air Canada. Voyagez dans le style et le confort vers l’Europe et les Caraïbes à prix abordables» (la Presse, 19 décembre 2012, p. A9).

Point de vue du commentateur : «Air Canada rouge prend son envol. Le transporteur à faible coût effectuera son premier vol le 1er juillet 2013» (le Devoir, 19 décembre 2012, p. B1).

Donc, «loisirs», «style» et «confort» signifie «faible coût». C’est bon à savoir. Merci.

Langue d’hôpital

Quels que soient les milieux qu’elle fréquente, l’Oreille est toujours tendue. C’est plus fort qu’elle.

L’autre jour, à l’hôpital, elle tombe sur ceci.

Oups !

L’épidurale atténue les maux du corps, certes, mais qui s’occupera de la santé de la langue et couvrira ce e final que nous ne saurions voir ?

En quittant les lieux, ce n’est pas mieux : encore un quitter orphelin.

Oups, bis !

On n’est à l’abri nulle part.

Only à Montréal

Dans le métro, cette publicité.

Publicité du Collège O’Sullivan (métro de Montréal)

Le texte en français est composé de caractères plus gros que celui en anglais. (Montréal est une ville française.)

Dans la colonne de droite, en français, on annonce les formations «en anglais seulement». Dans celle de droite, en anglais, on annonce les formations «in French only». (Montréal est une ville bilingue.)

Il n’est point de sot métier

Noël approche : l’Oreille tendue devra magasiner. Ce n’est guère son genre. Elle n’entre chez le chausseur qu’en dernier recours et elle ne va jamais dans les ventes de garage.

S’il n’en tenait qu’à elle, elle ne fréquenterait que les grandes surfaces de construction / bricolage / rénovation et elle ne consulterait que leurs associés. (Pour les associées, l’Oreille s’interroge toujours.)

Les bijouteries, elle ne connaît donc guère. Heureusement qu’elle a ses lecteurs pour ça.

C’est grâce à l’un d’eux — appelons-le Colibrius — qu’elle apprend que le vendeur de bijoux, du moins dans certains arrondissements montréalais, est out. Il a été remplacé par l’«ambassadeur de marque».

On ne le dira jamais assez : on n’arrête pas le progrès.

 

[Complément du 12 décembre 2012]

Pile-poil au moment où l’Oreille tendue mettait ce texte en ligne, elle recevait la publicité ci-dessous par courriel. Pile-poil. Big Brother serait donc un lecteur de l’Oreille ?

Publicité de bijouterie