La langue de puck en 1953

Paul Verchères, Meurtre au hockey, [1953], couverture

Au Forum de Montréal, dans le vestiaire des Castors, les «champions de la Ligue» (p. 3), quelques heures après un match contre les Flyers de Toronto, «leurs grands rivaux» (p. 3), on trouve le cadavre de Roméo Berthier, «le meilleur joueur de hockey du siècle» (p. 7), «le meilleur joueur de centre de tous les temps» (p. 14). Il est mort d’une «fracture du crâne causée par un instrument contondant» (p. 4). Alain de Guise, alias Paul Belzil, alias le Domino Noir, sa collaboratrice Monique Laflèche, le journaliste du Midi Benoit Augé et le sergent de police Fortin réussiront-ils à élucider le crime ? Oui, bien sûr.

On est en pleine littérature populaire : intrigue prévisible, dialogues qui n’ont aucun sens, bons sentiments, longs passages qui tournent à vide. Heureusement, tout est réglé en 32 pages.

Qu’en est-il de la langue du hockey dans ce texte de 1953 ? Les tirs sont des boulets (p. 9), les joueurs punis vont au cachot (p. 10), ceux qu’on n’utilise pas, les jambons (p. 17), réchauffent le banc (p. 12), même s’ils ont chaussé les patins (p. 14). L’important est évidemment, quand on leur en donne l’occasion, de trouver le fond du filet (p. 14). Les défenseurs sont des défenses, et les ailiers, des ailes.

Plus ça change, plus c’est pareil.

P.-S.—Il ne s’agit pas d’un texte à clés. Le nom du gérant (l’entraîneur), Dick Ivan, pourrait rappeler celui d’une figure connue de l’histoire des Canadiens de Montréal, Dick Irvin. Il devient cependant Nick Ivan en cours de récit, ce qui fait désordre.

P.-P.-S.—Vous pensez au fascicule le Hockey et l’amour. Roman d’amour mensuel, de Thérèse Loslier ? L’Oreille tendue aussi.

 

Références

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Verchères, Paul [pseudonyme d’Alexandre Huot ?], Meurtre au hockey, Montréal, Éditions Police journal, coll. «Les exploits policiers du Domino Noir», 300, [1953], 32 p.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture

Parlons logement et rangement

Anne-Marie Cloutier, Eugène Cloutier, 2021, couverture

Soit les quatre phrases suivantes, tirées de parutions de l’année.

«Se rendant compte que les toilettes sont près du petit coqueron isolé où mon père travaille, elle se découvre une soudaine obsession pour le lavage de mains, qui l’amène, une fois sur deux, à le croiser par inadvertance et à engager la conversation» (Eugène Cloutier, p. 38).

«Alain, son appart, c’est un coqueron» (Mille secrets mille dangers, p. 122).

«L’air est encore plus chaud dans ce coqueron que dehors, Delphine se plante devant un climatiseur que Philippe a allumé avant de s’asseoir» (Jeux d’eau, p. 155).

«Les ouvriers l’appellent terrain de jeu parce qu’ils s’y lancent la balle pour se dégourdir après avoir dîné vite fait dans un coqueron attenant à l’usine» (Morel, p. 79).

Quatre coquerons, donc.

Définition d’Usito : «Local, espace de rangement exigu. […] Logement modeste et exigu.»

À votre service (pour les citations).

P.-S.—En effet : ce n’est pas la première fois que l’Oreille tendue fait dans l’immobilier. Voyez ici.

 

Références

Cloutier, Anne-Marie, Eugène Cloutier. Un Canadien errant, Montréal, Carte blanche, 2021, 253 p. Ill.

Farah, Alain, Mille secrets mille dangers. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 161, 2021, 497 p.

Grégoire, Julien, Jeux d’eau. Roman, Montréal, Del Busso éditeur, 2021, 212 p.

Raymond Bock, Maxime, Morel. Roman, Montréal, Le Cheval d’août, 2021, 325 p.

Faites vite svp

Gilles Marcotte, le Manuscrit Phaneuf, 2005, couverture

Ce titre, dans le Devoir du 12 novembre : «Québec veut régler “au plus sacrant” le problème des allocations en francisation.»

Au plus sacrant ? Au plus vite.

Exemple romanesque chez Gilles Marcotte : «Rappelez-moi au plus sacrant, voulez-vous ?» (p. 95)

Autre version : au plus crisse. Pour les intimes : au pc.

 

Référence

Marcotte, Gilles, le Manuscrit Phaneuf. Roman, Montréal, Boréal, 2005, 216 p.

Fil de presse 036

Logo, Charles Malo Melançon, mars 2021

La langue ? Des livres !

Abeillé, Anne et Danièle Godard, en collaboration avec Annie Delaveau et Antoine Gautier (édit.), la Grande Grammaire du français, Paris, Actes Sud et Imprimerie nationale éditions, 2021, 2628 p.

Allart, Dominique, Yann Berthelet et Bruno Rochette (édit.), le Latin à l’université, aujourd’hui, Liège, Presses universitaires de Liège et Maison des sciences de l’homme, 2021, 114 p.

Amann, Flora, Sourds et muets. Entre savoir et fiction au tournant des Lumières (1776-1815), Paris, Classiques Garnier, coll. «L’Europe des Lumières», 75, 2021, 419 p.

Avanzi, Mathieu et Jean Mathat-Christol, Comme on dîne chez nous. Le grand livre des mots et des recettes de nos régions, Paris, Le Robert, 2021, 240 p. Préface de Guy Savoy.

Bergounioux, Pierre, le Sens des mots, Montmorillon, L’Escampette éditions, 2021, 43 p. Photographies de Marc Deneyer.

Biglari, Amir et Marion Colas-Blaise (édit.), les Déictiques à l’épreuve des discours et des pratiques, Paris, Classiques Garnier, coll. «Rencontres», 505, 2021, 323 p.

Bonissent, Jean-Christophe et Paul de Sinety (édit.), Pour des sciences en français et en d’autres langues. Colloque international organisé par le ministère de la Culture – Délégation générale à la langue française et aux langues de France – Institut de France, 15 novembre 2019, Paris, Honoré Champion, coll. «Lexica mots et dictionnaires», 39, 2021, 238 p.

Boutet, Josiane et James Costa (édit.), Dictionnaire de la sociolinguistique, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2021, 348 p.

Canut, Cécile, Provincialiser la langue. Langage et colonialisme, Paris, Éditions Amsterdam, 2021, 320 p.

Duval, Marc, Court de Gébelin. Vocabulaire comtois et lorrain. Attribution, édition et analyse linguistique, Strasbourg, ELIPHI, coll. «Travaux de linguistique romane», 2021, 259 p.

Esher, Louise, Maximilien Guérin, Nicolas Quint et Michela Russo (édit.), le Croissant linguistique : entre oc, oïl et francoprovençal. Des mots à la grammaire, des parlers aux aires, Paris, L’Harmattan, coll. «Les parlers du Croissant» 2021, 376 p.

European Journal of Language Policy, 13, 1, 2021.

European Journal of Language Policy, 13, 2, 2021.

Le Français aujourd’hui, 214, septembre 2021. Dossier «Notions problématiques en grammaire».

Le Français moderne, 2, 2020. Dossier «La rémanence : un concept opératoire pour la linguistique diachronique ? Le cas du français», sous la direction de Claire Badiou-Monferran.

Klein, Étienne, 150 drôles d’expressions pour ramener sa science, Paris, Le Robert, 2021, 320 p.

Leconte, Gabriel, les 100 mots du bouddhisme. Dans la chambre aux orchidées, Paris, L’Harmattan, 2021, 136 p.

Micone, Marco, On ne naît pas Québécois, on le devient, Montréal, Del Busso éditeur, 2021, 129 p.

L’Oreille tendue a rendu compte de ce livre ici.

Pennac, Daniel et Florence Cestac, Les mots ont des oreilles, Paris, Le Robert, 2021, 80 p.

Planchenault, Gaëlle et Livia Poljak (édit.), Pragmatics of Accents, Amsterdam, John Benjamins, coll. «Pragmatics & Beyond New Series», 327, 2021, vii/266 p.

Rey, Alain, Denis Milliès Lacroix et Agnès Pierron, 150 drôles d’expressions à emprunter à nos grands-mères, Paris, Le Robert, 2021, 320 p.

Rézeau, Pierre, l’Inventaire du patois du Ban de la Roche par les frères Oberlin, à la fin du XVIIIe siècle, Strasbourg, ÉLiPhi. Éditions de linguistique et de philologie, coll. «Travaux de linguistique romane», 2021, xiv/244 p.

Salut, Alain ! Hommage à Alain Rey, Paris, Le Robert, 2021, 288 p.

Thibault, André, Mathieu Avanzi, Nicholas Lo Vecchio et Alice Millour (édit.), Nouveaux regards sur la variation dialectale / New Ways of Analyzing Dialectal Variation, Strasbourg, ELiPhi. Éditions de linguistique et de philologie, coll. «Travaux de linguistique et de philologie», 2021, xiv/356 p.

Tipa, 37, 2021. Dossier «La convergence», sous la direction de Sibylle Kriegel et Sophie Herment.

Véron, Laélia et Maria Candea, Parler comme jamais. La langue : ce qu’on croit et ce qu’on en sait, Paris, Le Robert et Binge audio, 2021, 324 p.

N’achetons pas local

Gilles Guilbault, joué par Michel Forget, dans Lance et compte

Soit la phrase suivante, tirée de la Presse+ : «La majorité achète ces bonnes paroles.» Pourtant, il n’y avait pas de «bonnes paroles» à vendre.

D’où vient alors ce «achète» ? Directement de l’anglais : «The majority buys that argument» (traduction volontairement très libre).

Par quoi le remplacer ? Accepte, fait siennes, etc.

P.-S.—Les amateurs de séries télévisées québécoises se souviendront évidemment du Gilles Guilbault de Lance et compte : «J’achète pas ça.»