Sauver le mononc’ ?

T-shirt d’Horacio Arruda, Mercerie Roger, Montréal, 2020

Malgré les valeureux efforts de Fabien Cloutier, le mononcle n’a pas bonne presse au Québec. Il en a été question longuement ici.

Nouvel exemple, dans la Presse+ du jour, de la dépréciation de cette figure au Québec : «Le hockey, c’est un sport de mononcles.»

Comme à beaucoup de règles, il existe des exceptions à celle-là. Soit la citation suivante, tirée de la Voix de l’Est : «Si François Legault est notre père de famille collectif en ces temps difficiles, le Dr Arruda, lui, est notre “mononcle funky”.»

Le directeur national de la Santé publique du Québec serait un «mononcle» — ce qui n’est généralement pas un compliment —, mais «funky». Sauvé par un adjectif !

P.-S.—Merci à Hugues Bélanger pour le tuyau.

 

Illustration : Mercerie Roger

Ceci n’est pas un beau bonjour

Ceci, dans la Presse+ du jour : «Ma mère a raison de se plaindre de la “petite bonjour” qui l’a frôlée la semaine dernière sur le trottoir, alors qu’elle marchait près du mont Royal.»

Ce «bonjour» n’a rien à voir avec la formule de salutation. Au Québec, il s’agit d’une personne, d’un sexe ou de l’autre. Le mot est souvent accompagné d’un déterminant qui en atténue la potentielle connotation négative : «le bonjour», «mon bonjour», cette «petite bonjour».

Citations à l’appui, la Base de données lexicographiques panfrancophone donne deux définitions de cet emploi : «Fam. Pour qualifier négativement qqn ou qqch. qui agace, énerve»; «Fam. (Exprimant tantôt un léger reproche, tantôt une certaine admiration, général. précédé de l’épithète petit). Enfant espiègle, turbulent, ou audacieux. […] Par ext., en parlant d’un adulte, ou même d’un animal.»

Avec cette imagination qui n’est heureusement qu’à lui, Léandre Bergeron, en 1980, considère ce bonjour comme un juron, mais «aimable» (!) : «Juron aimable qui s’emploie familièrement en parlant de personnes. Ex. : Ce bonjour-là, est-ce qu’i va pas arriver ? Ma petite bonjour, si tu me fais fâcher…» (p. 86)

Ah ! ce bonjour de Dictionnaire !

 

Référence

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.

La saveur du jour

«Budget à saveur de transport collectif»

À l’occasion (2009, 2010, 2011, 2013, 2014, 2015, 2017, 2017), l’Oreille tendue pratique un tri sélectif dans sa corbeille de à saveur, ce fléau québécois.

Histoire de varier les plaisirs — façon de parler —, regroupons aujourd’hui les à saveur selon leur syntaxe.

Avec un adjectif

«film à saveur médiévale» (le Devoir, le D magazine, 21-22 mars 2020, p. 5)

«à saveur sanitaire» (Twitter)

«texte à saveur techno-environnementale» (Twitter)

«à saveur internationale» (la Presse+, 10 mars 2020)

«Gourmandises à saveur musicale» (la Presse+, 7 août 2019)

«une comédie romantique costumée à saveur féministe» (le Devoir, D le magazine, 30 juin-1er juillet 2018, p. 13)

«un hamburger à saveur montréalaise» (la Presse+, 28 novembre 2017)

«des œuvres d’art à saveur sportive» (le Devoir, 24 novembre 2017, p. B2)

«Le Parti libéral a tenu un Conseil général à saveur préélectorale, ce week-end» (le Devoir, 5 juin 2017, p. A3).

«discours à saveur électorale» (le Devoir, 17 janvier 2011, p. B1)

Avec complément introduit par de

«Cabrera était venu à Montréal pour prendre la relève de Rémi Garde, congédié quelques jours après un match nul de 3-3 à saveur de défaite, le 17 août contre le FC Dallas au stade Saputo» (la Presse+, 25 octobre 2019).

«Le programme du Parti québécois. Maintenant à saveur de gouvernance souverainiste» (le Devoir, 1er novembre 2011, p. A8, caricature de Garnotte).

En bas du pont

Fanny Britt et Alexia Bürger, Lysis, 2020, couverture

On le sait : pour prendre langue, il suffit parfois de se tirer une bûche.

Dans un registre plus sombre, on peut se tirer en bas du pont.

«il vient de me dire que / quand je vais être grosse pis laitte je vas me tirer / en bas du pont !» (le Guide des bars et pubs de Saguenay, p. 11)

«Ils allaient pas arrêter d’en vendre parce / que ça mène des femmes à se tirer en bas / des ponts» (Lysis, p. 33).

Qui se jette en bas du pont cherche donc la mort volontaire.

P.-S.—Se tirer (une balle) a le même sens.

P.-P.-S.—Il est aussi possible de se crisser en bas du pont.

P.-P.-P.-S.—L’Oreille tendue a présenté le Guide des bars et pubs de Saguenay le 16 mai 2016.

 

Références

Arsenault, Mathieu, le Guide des bars et pubs de Saguenay. Essai • Poèmes, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 97, 2016, 51 p.

Britt, Fanny et Alexia Bürger, Lysis, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 22, 2020, 141 p.

Les deux côtés de la rondelle

La rondelle des Rolling Stones (Montréal, 2013)

La rondelle — l’Oreille tendue n’apprendra rien à personne — est essentielle au hockey. (Il en était longuement question ici.)

La rondelle — bis — est ronde.

On pourra dès lors s’étonner de lire ceci, sur le site de Radio-Canada : Nick Suzuki «a été fiable des deux côtés de la rondelle, affirme Carey Price». Ronde, la rondelle n’a habituellement pas de côté(s). Que peut bien vouloir dire le gardien des Canadiens de Montréal ? (La rondelle a bien deux faces, mais cela ne nous avance guère dans l’interprétation de la nouvelle radio-canadienne.)

Laissons un coéquipier de Suzuki, Phillip Danault, traduire : le jeune joueur de centre des Canadiens est solide «dans les deux sens de la patinoire», à l’offensive comme à la défensive.

Voilà un joueur complet.

P.-S.—Oui, c’est de la langue de puck.

 

Référence

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture