«Je me trouvais trou de cul. Et je la trouvais trou de cuse.»
Michel Tremblay, les Vues animées. Récits, Montréal, Leméac, coll. «Nomades», 2016, 229 p., p. 173. Édition originale : 1990.
« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
«Je me trouvais trou de cul. Et je la trouvais trou de cuse.»
Michel Tremblay, les Vues animées. Récits, Montréal, Leméac, coll. «Nomades», 2016, 229 p., p. 173. Édition originale : 1990.
Qu’est-ce qu’un «party de saucisses» ? Une assemblée composée majoritairement ou uniquement d’hommes. Est-ce à dire que ces êtres seraient dotés de saucisses (métaphoriques) ?
Citation tirée de la Presse+ du 26 avril : «À l’interne [à l’émission de télévision Deux hommes en or], quand nous regardons le tableau des invité (e)s des émissions à venir, nous avons une expression pour décrire une émission où les femmes seront — ou risquent d’être — sous-représentées : “party de saucisses”.»
P.-S.—Il existerait, dit-on, un film intitulé Party de saucisses.
[Complément du 25 mai 2022]
Il y a le pluriel. Et il y a le singulier :
«En humour québécois, ça parlait beaucoup de son nombril, de sa saucisse. Il n’y avait rien qui parlait du nous, tout parlait du je», se rappelle Christian Vanasse, le seul à avoir été de tous les alignements des Zapartistes, au sujet du paysage comique obnubilé par les relations hommes-femmes dans lequel surgissait le groupe (la Presse+, 25 mai 2022).
L’Oreille tendue a, en garde partagée, un blogue où sont recensées les plus absurdes utilisations — il y a de la compétition — de l’urbain. Cela s’appelle Vivez la ville urbaine et rejoint cette rubrique.
L’Oreille n’y arriverait pas seule; elle a des informateurs sur plusieurs continents (au moins deux). Deux de ces informateurs lui ont annoncé la parution de l’ouvrage suivant.

On pourrait se gausser, mais cela ne rendrait pas justice à la complexité de l’alimentation urbaine. Allons-y voir.
En ville, on peut manger du sirop d’érable urbain, de la pizza urbaine, du miel urbain, du bbq urbain, de la viande fumée urbaine, un grilled-cheese urbain, de la fondue urbaine, un hot-dog urbain, un steak urbain, des grillades urbaines portugaises.
On peut y boire du vin rouge urbain (y compris à Bordeaux et à La Prairie), du cidre urbain, du café urbain, du thé urbain, de la bière urbaine.
Si on ne souhaite pas cuisiner soi-même, on n’a qu’à aller au restaurant urbain savourer de la cuisine urbaine (à Saint-Jérôme, à Joliette, à Laval, à Montréal — ici ou là ou encore là —, en Finlande, en Ontario). Il y a des établissements réservés aux demoiselles.
Vous n’aimez pas les restaurants urbains ? Essayez la cafétéria urbaine, la brûlerie urbaine, le banquet urbain, la brasserie urbaine, la taverne urbaine ou l’épicerie urbaine. Au besoin, le fermier urbain vous guidera, peut-être jusqu’au marché urbain ou jusqu’à son potager urbain. Normal : l’agriculture urbaine est partout. Si vous préférez la nature (en quelque paradoxale sorte), le pique-nique urbain est pour vous.
Il nous fallait un nutritionniste pour nous y retrouver, non ? Sinon, comment l’épicurien urbain ferait-il ?
(Accouplements : une rubrique où l’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)
Boutet, Josiane, le Pouvoir des mots. Nouvelle édition, Paris, La Dispute, 2016, 256 p.
«Les pratiques d’euphémisation qui consistent, par exemple, à ne pas dire explicitement de quelqu’un qu’il est “mort”, mais qu’“il est parti”, “il est décédé”, “il n’est plus”, “il nous a quittés” s’apparentent aussi aux processus des mots tabous : ne pas dire le mot, c’est éloigner la chose» (p. 244).
Carrère, Emmanuel, D’autres vies que la mienne, Paris, P.O.L, 2009, 309 p.
Étienne : «Ça l’a mis en colère, se rappelle-t-il, qu’elle le réveille et surtout qu’elle dise “Juliette est partie” au lieu de “Juliette est morte”» (p. 293).
Barbe, Jean, Discours de réception du prix Nobel, Montréal, Leméac, 2018, 61 p.
«—Jean… Élaine est décédée.
Sur le coup, je n’ai rien dit. Je regardais le visage de mon frère, inquiet, triste, inquiet surtout, pour moi. J’ai crié :
— Elle n’est pas “décédée”… Elle est morte… Morte !
Puis je suis allé m’enfermer dans ma chambre avec la mort» (p. 19).
Office québécois de la langue française, Banque de dépannage linguistique
«Lorsqu’on parle de personnes, mourir convient dans tous les contextes.»
P.-S.—L’Oreille tendue le sait : son combat pour mourir (voir ici et là) est perdu d’avance. Pas besoin de le lui répéter.
Illustration : Lettre de faire-part du futur décès, gravure de Henri Charles Guérard, 1856-1897, Rijksmuseum, Amsterdam

«art can survive on ice»
En 2002, puis de nouveau en 2004, le poète québécois François Pelletier et le poète états-unien Paul Marion se sont lancé un défi. Les Canadiens de Montréal — c’est du hockey — étaient alors opposés, en séries éliminatoires, aux Bruins de Boston. Si les Canadiens gagnaient un match, Marion, un partisan lowellien des Bruins, avait perdu : il devait écrire un poème. Inversement, si les Bruins gagnaient, c’est Pelletier qui devait s’y coller. Comme il était prévisible (à l’époque), Marion écrivit plus que son collègue (huit poèmes contre cinq).
Ces poèmes furent d’abord publié dans «le carnet de santé mensuel littéraire et graphique» (p. 5) Steak haché (numéros 48 et 49, avril et mai 2002; numéro 72, avril 2004). Ils ont été repris en recueil en 2007, puis dans une «seconde édition» en 2008, avec des dessins inédits de Pascal Picher.
Les poèmes sont majoritairement en anglais. On y trouve les lieux communs liés aux représentations du hockey. Le hockey est une religion montréalaise (p. 13, p. 39). La coupe Stanley, remise annuellement au champion de Ligue nationale de hockey, est l’équivalent du Graal (p. 5, p. 27). Les Canadiens se passent un «flambeau» avec leurs «bras meurtris» (p. 13, p. 27). Il y a des fantômes au Forum de Montréal :
O Gods of the snowy country and
the land of the lost referendums
sent us the phantoms of the Forum,
our Antic Flying Heroes (p. 25)
On le voit par l’allusion aux deux référendums sur l’indépendance nationale («lost referendums»), l’actualité politique est présente dans les poèmes (p. 35), de même que l’internationale (p. 19, p. 33).
Les grandes figures du passé de chacune de ces «two hockey city-states» (p. 7) y sont. Pour les bons : Maurice Richard, Jean Béliveau, Guy Lafleur. Pour les autres : Bobby Orr, Phil Esposito, Gerry Cheevers. En revanche, les vedettes de 2002 et de 2004, sans être complètement oubliées aujourd’hui, n’ont pas du tout le même statut : José Théodore et Richard Zednik, pour Montréal; Joe Thornton et Patrice Bergeron, pour Boston. Malgré l’animosité entre les deux équipes, la violence est relativement peu évoquée par les deux «literary ambassadors» (p. 7) qu’étaient Pelletier et Marion : «Big Fast Bruins Are Better Than the Big Bad Bruins» (p. 13).
Les Canadiens de 2017-2018 sont éliminés depuis longtemps. (Pas les Bruins.) Le printemps sportif montréalais ne sera pas poétique. On peut le déplorer.
P.-S.—«Tabernacle» (p. 15) ? Non.
Référence
Pelletier, François et Paul Marion, Poetry Face Off. Poésie des séries, Montréal, Steak haché, 2008, 41 p. Ill. Préfaces de Jack Drill (pseudonyme de Richard Gingras) et de Paul Marion. Dessins de Pascal Picher. Seconde édition.