Deux lyo(n)nismes du jour

Robert Belleret, Paul Bocuse, 2019, couverture

«On aura compris que ce qui peut apparaître comme du folklore lyonnais ou de la lyonnaiserie — ou mâchon rime avec bouchon, grattons avec saucisson — est indissociable de l’histoire de Paul Bocuse. Lyonnais ontologique, Collongeard consubstantiel, c’est de son ancrage régional et de son enracinement dans un paysage que Paul Bocuse a tiré sa force, et par sa spécificité qu’il a conquis une reconnaissance nationale et internationale — pour ne pas dire une certaine universalité. Personnage promis à la légende, Monsieur Paul n’aurait pu s’épanouir hors sol : il lui fallait un environnement favorable pour croître et exister, une manière de lyonnitude profonde qui n’est pas l’exact contraire du parisianisme frivole ou mondain.»

Robert Belleret, Paul Bocuse. L’épopée d’un chef. Biographie, Paris, Éditions de l’Archipel, coll. «Biographie», 2019, 259 p., p. 97.

Sur deux vers de Gérald Godin

Gérald Godin, les Cantouques, éd. de 1971, couverture

Ils se trouvent dans le poème «Cantouque du mauvais jour» (p. 50-52) du recueil les Cantouques (1967) :

et la taverne du coin
par la draffe d’air et celles qu’on boit (éd. de 1971, p. 50)

Godin évoque un lieu masculin : la loi a réservé les tavernes québécoises aux hommes jusqu’en 1979; dans les faits, elles mettront encore quelques années à toutes s’ouvrir aux femmes.

Le poète donne un bel exemple de diaphore : «On répète un mot déjà employé en lui donnant une nouvelle nuance de signification», dixit le Gradus de Bernard Dupriez (éd. de 1980, p. 155). Pour des masses d’autres exemples, vous pouvez aller ici.

Godin parle d’abord des courants d’air qui circulent dans les tavernes : voilà sa première draffe.

Les secondes se boivent : la bière en fût est de la draffe (on entend aussi draft).

À la taverne, il y a (eu) de l’anglais : draught et on draught (draft et on draft aux États-Unis).

Puis il y a eu de la poésie.

 

Références

Dupriez, Bernard, Gradus. Les procédés littéraires (Dictionnaire), Paris, Union générale d’éditions, coll. «10/18», 1370, 1980, 541 p.

Godin, Gérald, les Cantouques. Poèmes en langue verte, populaire et quelquefois française, Montréal, Parti pris, coll. «Paroles», 10, 1971, 52 p. Édition originale : 1967.

Les quinze nouveaux mots du vendredi matin

Il y en a en français.

Une situation politique explosive ? De la nitro-politique.

Partager une moto ? Du comoturage.

Conseiller des vins ? S’imposer comme vinfluenceur.

Consommer activement ? Être un consommacteur.

De la musique qui stresse ? Une pulsion électroppressante.

Souvent faire la grève ? Participer à la gréviculture.

Rendre plus agile (en langue managériale) ? Agiliser.

Du fromage, mais végétal(ien) ? Du vromage.

Après l’interdisciplinarité, la transdisciplinarité et la multidisciplinarité ? La paradisciplinarité.

Des minoritaires qui s’imposent ? Des manoritaires.

Être outré par profession ? Pratiquer l’outrisme.

Il y en a en anglais.

La renaissance du gin ? La ginaissance.

Un promoteur de la culture du bain ? Un bathfluencer.

Drôle et mauvais à la fois ? Hilaribad.

Un mot qui peut être son propre antonyme ? Un contranym.

P.-S.—Certains de ces mots sont plus récents que d’autres. C’est comme ça.

Boire Le Rocket

À une époque, c’était du vin rouge.

Bouteille de vin Maurice Richard, Société des alcools du Québec

Maintenant, c’est de la bière.

Bière Rocket, Ferme brassicole des Cantons

On peut toujours boire Maurice Richard.

 

[Complément du 14 juin 2021]

Vous pouvez même choisir parmi les événements de sa carrière auprès de La Chambre. Bistro sportif.

Sa présence lors de la fermeture du Forum de Montréal le 11 mars 1996 ?

Bière La Légende (Maurice Richard

Bière La Légende (Maurice Richard

L’émeute à laquelle il a donné son nom, celle du 17 mars 1955 ?

Bière L’Émeute (Maurice Richard)

Bière L’Émeute (Maurice Richard)

Santé !

 

[Complément du 20 juillet 2024]

Si, au vin français, vous préférez un produit autrichien naturel, Alex et Maria Koppitsch ont ce qu’il vous faut : la cuvée Rocket 2019.

Bouteille de la cuvée Rocket 2019

Paris, op. 2

(suite de l’entrée d’hier)

Vendredi, le 5 avril, spectacle solo, Céline. Derniers entretiens, au Théâtre de poche Montparnasse, avec Stanislas de la Tousche. Fragment d’autoportrait à retenir : Qu’est-ce qu’un styliste ? Un «branleur de virgules».

Le lendemain, au café, lecture du premier tome de l’Histoire de la littérature récente (2016) d’Olivier Cadiot. Ceci, p. 41 de l’édition de poche de 2017, dans un passage sarcastique : «Céline, attaque-t-il avec une voix de basse, pas le marchand de chaussures, non, notre admirable styliste !»

On n’aime pas les doubles consonnes sur les trottoirs parisiens.

«Suprimé» pour «Supprimé», Paris, avril 2019

(Encore une fois, il aurait fallu écouter Martine Sonnet.)

Heureusement, il y a de la Pelforth brune au Café de la Comédie. L’Oreille va-t-elle devoir changer ses habitudes ?

Pelforth brune, Café de la Comédie, Paris, avril 2019

Si elle était au Café de la Comédie, c’était pour attendre le début du spectacle les Damnés à la Comédie-Française. (Compte rendu du spectacle à venir.)

À la table derrière elle : «Du coup, c’est, voilà.» Adaptation proposée par @machinaecrire :

«Faque» et «du coup», Nicolas Guay, Twitter, 6 avril 2019

Il y a une station de tramway Ella-Fitzgerald à Paris depuis 2012. Ce n’est que justice : «I love Paris / Why oh why / Do I love Paris ? / Because my love is near

Station de tramway Ella-Fitzgerald, Paris

À votre service.

«Beakfast» n’est pas «Breakfast», Paris, avril 2019

Georges Simenon est mort en 1989. Pour marquer ce trentième anniversaire, les bibliothèques de la Ville de Paris organisent toutes sortes d’activités. Dans le Marais, l’Oreille a ainsi pu voir une jolie petite exposition consacrée à un seul texte de Simenon. Description officielle :

Dans le roman Maigret s’amuse, publié en 1957, le commissaire et sa femme décident de prendre des vacances, tout en restant secrètement à Paris pour profiter de la ville, désertée au mois d’août. Ils se promènent dans les rues de Paris, vont au restaurant et au cinéma, s’attablent aux terrasses des cafés.

Guidée par des citations du roman de Simenon, l’exposition illustre les lieux qu’ils fréquentent de photographies d’époque et de documents divers provenant des collections de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris. Ceux-ci nous restituent l’atmosphère particulière de ce roman malicieux, où Maigret se fait piéton de Paris, suivant incognito une enquête criminelle.

Ça se visite en quinze minutes, avec plaisir.

Fin de séjour. Au revoir à vous aussi.

«Bye Benoît», affiche, Paris, avril 2019

Que lire, sans lire, pendant un vol entre Paris et Montréal ? Pourquoi pas la version audio de Madame Bovary ?

Flaubert, Madame Bovary, livre audio, Air Canada, avril 2019

On n’arrête pas le progrès.

 

Référence

Cadiot, Olivier, Histoire de la littérature récente. Tome 1, Paris, P.O.L, coll. «Folio», 6371, 2017, 146 p. Édition originale : 2016.