Parlons manger

L’Oreille tendue ne veut pas faire la fine bouche, mais elle a du mal à s’extasier sur le contenu d’une assiette et, surtout, à partager cette extase urbi et orbi. Ce n’est donc pas une cuisinomane : «Personne qui se passionne pour la nourriture et l’art culinaire», selon le terme que l’Office québécois de la langue française préfère à foodie.

Cela étant, il lui arrive de s’intéresser à la langue culinaire, notamment pour déplorer l’obsession de l’épicurisme (le mot) ou les cocasseries de la langue de margarine.

En outre, elle s’intéresse aux néologismes de cette langue.

Récemment, elle a ainsi croisé l’orthorexie, cette «fixation sur l’ingestion d’une nourriture saine», dixit Wikipédia. On peut supposer que ce genre de pratique est particulièrement compatible avec la consommation de mocktails, ou «cocktails sans alcool» (mock comme dans simili, faux).

Reste une question : cela relève-t-il de la culture bistronomique ? On peut en douter.

Décorons avec Ella

Meuble audio Ella Fitzgerald

C’était en 2013 : l’Oreille tendue consacrait une série de dix textes à Ella Fitzgerald, «Tombeau d’Ella». Depuis, elle se dit qu’elle devrait y revenir.

À défaut de le faire, elle pourrait revoir sa décoration intérieure. C’est le site Tom’s Style qui le lui fait penser : «“Ella” est le premier-né du mobilier Søbel créé par Digizik. Entre tradition et modernité, il s’agit d’un meuble audio vintage et connecté qui se veut un clin d’œil à la célèbre chanteuse Ella Fitzgerald.»

«Entre tradition et modernité» ? Un meuble «qui se veut» ? Ella ? L’Oreille n’en demandait pas tant.

 

[Complément du 8 octobre 2017]

Peut-on y brancher les écouteurs Ella ?

Écouteurs Ella, de chez Blue

Fil de presse 019

Logo, Charles Malo Melançon, mars 2021

Ouvrages récents sur la langue…

…sous forme d’interrogation…

Demoule, Jean-Paul, Mais où sont passés les Indo-Européens ? Le mythe d’origine de l’Occident, Paris, Seuil, 2015, 752 p.

…sous forme d’exclamation…

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

…sous forme neutre…

Argod-Dutard, Françoise (édit.), le Français en chantant. Septièmes rencontres de Liré, 2014, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. «Interférences», 2015, 390 p. Préface de Jean Pruvost.

Table des matières

Boquel, Anne et Étienne Kern, les Plus Jolies Fautes de français de nos grands écrivains, Paris, Payot, 2015, 166 p.

Debov, Valéry, Glossaire du verlan dans le rap français, Paris, L’Harmattan, 2015, 450 p. Préface de Christophe Rubin.

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015, 380 p. Nouvelle édition revue et augmentée.

Furetière, Antoine, Dictionnaire universel, Genève, Slatkine reprints, 2015, 3 vol., 2177 p. Réimpression de l’édition de La Haye-Rotterdam, 1690.

Hongre, Bruno et Jacques Pignault, Dictionnaire du français classique littéraire de Corneille à Chateaubriand, Paris, Honoré Champion, coll. «Champion classiques – Références et dictionnaires», 10, 2015, 776 p. Préface de Jean Pruvost.

Pruvost, Jean et Benoît Meyer, la Bière «Mets de roi… à la mousse immaculée», Paris, Honoré Champion, coll. «Champion les mots», 2015, 144 p.

Rastier, François, Saussure au futur, Encre marine, coll. «À présent», 2015, 272 p.

Tiphagne, Frédéric, Le thé qui «désenivre… et fortifie la raison…», Paris, Honoré Champion, coll. «Champion les mots», 2015, 144 p. Préface de Thierry Clément.

Benoît Melançon, Le niveau baisse !, 2015, couverture

Parlons broue

Étienne Blanchard, 2000 mots bilingues par l’image, 1920, p. 41

Au Québec, la bière est (aussi) de la broue.

On peut la boire, se l’envoyer «en arrière du gorgoton», voire la caler.

Le client qui achète «huit grosses par jour» («Nous, les perdants», p. 51) ne pratique pas le commerce des personnes bien en chair; il préfère simplement les grands formats aux petits.

Une bière sans mousse est dite flatte :

Il se lève et finit la grosse bière
flatte sur sa table de travail
(Poèmes anglais, p. 170).

Servie sans avoir été réfrigérée, elle est tablette : «Une semaine entière de pêche avec deux vieux amis, à s’empiffrer de poisson et de bière “tablette”, avait laissé des traces qu’un œil exercé pouvait aisément discerner» (Coups de feu au Forum, p. 163).

Il y a les bières locales et les importées : qui prend «une belge à la fois» (Rosemont de profil, p. 23) n’a pas besoin d’être en compagnie de Belges.

Le buveur de bière(s) court plusieurs risques, dont ceux de l’ivresse et de la bedaine de bière. On ne confondra celle-ci ni avec le six-pack ni avec la bedaine citoyenne.

 

Illustration : «Ouvretout. Opener. A) ouvreboîte : can opener. B) débouchoir (pour bouchons métalliques) : bottle opener. C) Tirebouchon : corkscrew», Étienne Blanchard, 2000 mots bilingues par l’image, Montréal, L’Imprimerie des marchands limitée, 1920, 112 p., p. 40-41.

 

Références

Blanchard, abbé Étienne, 2000 mots bilingues par l’image, Montréal, L’Imprimerie des marchands limitée, 1920, 112 p. Ill.

Brisebois, Robert W., Coups de feu au Forum, Montréal, Hurtubise, 2015, 244 p.

Desbiens, Patrice, Poèmes anglais suivi de la Pays de personne suivi de la Fissure de la fiction, Sudbury, Prise de parole, coll. «Bibliothèque canadienne-française», 2010, 223 p. Préface de Jean Marc Larivière. Éditions originales : 1988, 1995, 1997.

Bock, Raymond, Rosemont de profil, Montréal, Le Quartanier, coll. «Nova», 2, 2013, 54 p.

Parent, Marie, «Nous, les perdants», Liberté, 305, automne 2014, p. 51.