Vingt-troisième article d’un dictionnaire personnel de rhétorique

Denis Diderot, Jaques le fataliste et son maître, éd. de 1976, couverture

Digression

Définition

«En rhétorique, partie du discours judiciaire qui sort du sujet principal, mais avec l’intention de mieux disposer l’auditoire : il s’agit de distraire celui-ci par des informations accessoires quand la matière devient trop sèche, d’exposer des faits ou des événements tragiques dans un contexte religieux qui en atténue les effets (cf. les Oraisons funèbres de Bossuet), ou encore de renforcer la tension par une suspension du thème central au moment même d’un tournant décisif (effet de retardement).

En tant que technique narrative, la digression a été abondamment mobilisée au cours de la seconde moitié du XVIIIe s., au point de devenir l’axe même autour duquel le récit s’articule : cf. Tristram Shandy (1760) de L. Sterne, et Jacques le fataliste (1778) de Diderot» (Dictionnaire des termes littéraires, p. 143).

Exemples

«Esquisser ce personnage, ce sera peindre une certaine portion de la jeunesse actuelle. Ici la digression sera de l’histoire» (Béatrix).

«Caine avait d’ailleurs fini par ne plus s’intéresser qu’à la confection minutieuse de ce leurre, pure apparence, contenant vide et formel, efficace comme peut l’être un accessoire de théâtre, qui — digression — prodigue toujours un peu plus des particularités réelles de l’objet qu’il simule, et en restitue ainsi tous les traits bien mieux que ne le ferait au même endroit l’objet lui-même, délivré dans sa vérité molle» (le Méridien de Greenwich, p. 221).

Remarques

1. Tous les auteurs n’ont pas l’amabilité d’Honoré de Balzac, de Jean Echenoz ou de Fontenelle (Digression sur les Anciens et les Modernes, 1687). Il est le plus souvent difficile de savoir quand commence (et donc où finit) une digression.

2. La pièce «Digression» se trouve sur l’album The Very Best of de Lennie Tristano (2009).

3. De la digression, on dit fréquemment qu’elle est «longue». Voilà pourquoi nombre d’auteurs s’excusent d’y avoir recours.

4. Il peut arriver que la digression soit niée : «Ce qui a pu paraître au lecteur une digression n’en est pas une, en vérité» (le Peintre de la vie moderne).

5. On peut sans mal contester la datation (1778) de Jacques le fataliste par le Dictionnaire des termes littéraires.

 

[Complément du 11 juin 2015]

Laurence Sterne ? Tristram Shandy ? «Digressions, incontestably, are the sunshine;—they are the life, the soul of reading;—take them out of this book for instance,—you might as well take the book along with them;—one cold eternal winter would reign in every page of it; restore them to the writer;—he steps forth like a bridegroom,—bids All hail; brings in variety and forbids the appetite to fail» (éd. 1979, p. 95).

 

[Complément du 1er novembre 2016]

Qu’arrive-t-il quand une doctorante soutient sa thèse sur la digression ? Clémentine Mélois, la doctorante, et Jean-Bernard Pouy, un membre de son jury, ont joué la chose dans la livraison du 30 octobre 2016 de l’émission Des Papous dans la tête de France Culture. C’est digressif à souhait.

 

[Complément du 29 mai 2023]

Ceci, dans le plus récent roman de François Hébert, Frank va parler (2023) :

Quelqu’un me fera peut-être remarquer que je fais une digression à la manière de Laurence Sterne.
Non ?
Mais oui !

 

Références

Balzac, Honoré de, Béatrix, Saint-Cyr-sur-Loire, publie.net, coll. «Nos classiques», 2011. Édition numérique. Édition originale : 1845.

Baudelaire, Charles, le Peintre de la vie moderne, Saint-Cyr-sur-Loire, publie.net, coll. «Nos classiques», 2010. Édition numérique. Édition originale : 1869.

Echenoz, Jean, le Méridien de Greenwich. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 1979, 255 p.

Hébert, François, Frank va parler. Roman, Montréal, Leméac, 2023, 203 p.

Sterne, Laurence, The Life and Opinions of Tristram Shandy. Gentleman, Penguin Books, coll. «The Penguin English Library», 1979, 659 p. Ill. Edited by Graham Petrie with an Introduction by Christopher Ricks. Édition originale : 1759.

Van Gorp, Hendrik, Dirk Delabastita, Lieven D’hulst, Rita Ghesquiere, Rainier Grutman et Georges Legros, Dictionnaire des termes littéraires, Paris, Honoré Champion, coll. «Dictionnaires & références», 6, 2001, 533 p.

Une langue morte ?

Jean-François Cottier, Profession latiniste, 2008, couverture

Le 16 septembre, à l’émission Dessine-moi un dimanche de la radio de Radio-Canada, à laquelle l’Oreille collabore à l’occasion, on a pu entendre parler d’arguments ad populum et d’arguments ad misericordiam. Plus tôt cette année, il y avait été question de reductio ad Hitlerum et de reductio ad Prattum.

Le docteur Duguay du roman Arvida de Samuel Archibald «aimait saupoudrer du latin un peu partout dans ses phrases», par exemple felis concolor couguar (2011, p. 57). Six des chants poétiques de Toute l’œuvre incomplète de François Hébert comportent des mots dans cette langue : «C’est du latin, ici point incongru» (2010, p. 142).

Nulla dies sine linea, affirme un personnage de Vie et mort d’Anne-Sophie Bonenfant de François Blais (2009, p. 237). Dans Tiroir no 24 de Michael Delisle, c’est Ave Maria gratia plena qui remonte du passé (2010, p. 21). Hope, dans Tarmac de Nicolas Dickner, souffre d’amenorrhoea mysteriosa, «une “inexplicable absence de menstruation”» (2009, p. 98). Un personnage du Ciel de Bay City de Catherine Mavrikakis hurle, «en polonais et en latin, une variante de vade retro Satanas» (2008, p. 77).

L’Oreille tendue elle-même ne dédaigne pas, à l’occasion, de montrer son intérêt pour les langues anciennes. Aux Presses de l’Université de Montréal, elle a fondé une collection appelée «Socius» et elle a publié, de Jean-François Cottier, un petit ouvrage intitulé Profession latiniste. Il lui est aussi arrivé, à Dessine-moi un dimanche, de s’emmêler les pinceaux en essayant de montrer sa connaissance de certaines phrases usuelles dans la langue de Cicéron.

Dans la langue de tous les jours, du moins au Québec, la popularité de versus ne se dément pas.

Pourquoi aborder cette question aujourd’hui ? Parce que le Devoir des 15-16 septembre faisait paraître un cahier spécial «Éducation. Écoles privées». Publicité de l’Académie Sainte-Thérèse : «L’éducation totale. Quo non ascendet» (p. G3). Publicité du Collège de Montréal : «Programme de concentration artistique artis magia» (p. G10).

Qui a dit que le latin était une langue morte ?

P.-S. — À une époque, il y avait même du latin aux murs du vestiaire des Canadiens de Montréal (c’est du hockey). Ça ne paraît plus être le cas.

 

Références

Archibald, Samuel, Arvida. Histoires, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 04, 2011, 314 p. Ill.

Blais, François, Vie d’Anne-Sophie Bonenfant. Roman, Québec, L’instant même, 2009, 241 p.

Cottier, Jean-François, Profession latiniste, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. «Profession», 2008, 66 p. Ill.

Delisle, Michael, Tiroir no 24, Montréal, Boréal, 2010, 126 p.

Dickner, Nicolas, Tarmac, Québec, Alto, 2009, 271 p. Ill.

Hébert, François, Toute l’œuvre incomplète, Montréal, l’Hexagone, coll. «Écritures», 2010, 154 p.

Mavrikakis, Catherine, le Ciel de Bay City, Montréal, Héliotrope, 2008, 291 p.

Au carré

La nomenclature de la Base de données lexicographiques panfrancophone ne connaît pas le mot, non plus que le Dictionnaire de la langue québécoise (1980) de Léandre Bergeron et son Supplément (1981) ou le Petit Robert (édition numérique de 2010).

L’Oreille tendue l’a néanmoins entendu dans la bouche de @MadameChos à l’émission la Sphère de la radio de Radio-Canada le 8 septembre. Et elle l’a lu récemment sur Twitter chez @mpoulin, @kick1972 et @EmmaG.

Ce mot ? Malaisant.

Il s’emploie pour désigner un sentiment de malaise chez celui qui parle. On peut trouver malaisant de regarder un film ou une émission de télévision, d’entendre une conversation, d’assister à un événement.

Ce sentiment de malaise est toutefois redoublé devant le mot lui-même. D’où vient-il ? De France ? Le Glossaire de l’ancien parler gâtinais répertorie le mot, en un sens différent («malaisé, difficile»), mais pas le verbe malaiser; malaisant n’en serait donc pas le participe présent. Est-il construit sur le modèle de dérangeant, dont il partage le sens («Qui dérange, provoque un malaise moral, une remise en question») ?

Un mot du malaise, donc, qui crée un malaise étymologique. Un malaise au carré.

 

[Complément du 2 janvier 2014]

Dans le cadre de la revue télévisée annuelle Bye bye (télévision de Radio-Canada, 31 décembre 2013), on a prononcé (au moins) deux fois le mot malaisant au cours des quatorze premières minutes. Mise en abyme ?

 

[Complément du 7 juin 2014]

L’Oreille tendue avait l’impression que le mot était surtout en usage au Québec. Elle vient de l’entendre dans la bouche de Jean-Marc Lalanne, critique de cinéma à l’émission radiophonique le Masque et la plume de France inter (livraison du 1er juin 2014). Elle a maintenant un petit doute.

 

[Complément du 17 juillet 2014]

Dans le plus récent numéro de la revue Québec français (2014) , Ludmila Bovet retrace le parcours historique de malaisant et réfléchit à son sens. Conclusion : «Il n’y a pas de doute, malaisant est un mot utile; plus rapide, plus expressif qu’une périphrase du genre de “qui crée un malaise” ou “qui met mal à l’aise”. D’autre part, on ne peut le suspecter d’être un anglicisme. C’est vrai qu’il ne figure pas dans les dictionnaires français, mais le verbe malaiser a bel et bien été en usage dans l’ancien français; malaisant l’a été aussi dans certaines régions de France. Ce qui est intéressant, c’est qu’il resurgit avec un sens différent de celui qu’il avait autrefois. Ce nouveau sens est tout à fait conforme à ceux du verbe : “incommoder”, “gêner”, “tourmenter”, qui découlent de malaise, un état contraire à l’aise. […] Malaisant est peut-être malsonnant. On s’y habituera ou on l’oubliera» (p. 11).

 

[Complément du 29 décembre 2018]

Titre d’un article d’un grand quotidien belge : «“Malaisant” sacré nouveau mot de l’année par les lecteurs du “Soir”» (26 décembre 2018).

Explication de ce choix :

Pour Michel Francard, linguiste de l’UCL [Université catholique de Louvain], chroniqueur dans ces colonnes et président du jury du nouveau mot de l’année, la fortune de malaisant tient à son caractère «aisément compréhensible et facile à retenir». «En matière d’innovation lexicale, les jeunes jouent un rôle important, souligne Michel Francard. Le succès de malaisant l’illustre une nouvelle fois. De façon plus générale, je dirais que le terme a aussi l’avantage d’être bien en phase avec les temps que nous vivons, marqués par l’incertitude, la précarité, la violence. D’où le profond malaise que cela engendre dans notre société», ajoute-t-il.

Étymologie :

Il est à noter à cet égard que le terme est d’abord apparu au Québec où il s’est implanté avec la signification qu’on lui connaît désormais de ce côté de l’Atlantique. À l’époque, plusieurs linguistes s’étaient interrogés sur cet usage neuf avant de conclure notamment qu’il était lié à une économie, à une ellipse dans le jargon : il est en effet plus rapide et plus direct d’employer malaisant que de parler de situations «qui créent un malaise» ou qui «mettent mal à l’aise». «La diffusion de malaisant de ce côté de l’Atlantique est presque un retour aux sources, explique pour sa part Michel Francard. À l’origine de cet adjectif, il y a le verbe malaiser qui signifie “incommoder, gêner, tourmenter”. Il était connu dans l’ancienne langue française et il a survécu jusqu’à l’époque moderne dans certaines régions de France.»

Commentaire de Michel Francard sur Twitter :

 

[Complément du 10 septembre 2019]

Il existe une hésitation chez certains devant l’emploi du mot. La typographie en est le signe.

Guillemets : «Or, ce rappel du principe “dura lex, sed lex” était à côté de la plaque. Le projet de loi 21 ne relevait ni du droit criminel ni du droit pénal. La police n’avait rien à faire là-dedans. De la part de la ministre de la Sécurité publique, c’était “malaisant”» (le Journal de Québec, 10 septembre 2019).

Italiques : «Malaisant, comme disent les jeunes» (Miniatures indiennes, p. 12).

Malaise, encore.

 

[Complément du 10 janvier 2021]

Variation sur le même thème : «Les résultats peuvent souvent être inquiétants et très divertissants et/ou mal à l’aisant et/ou complètement dangereux et/ou simplement stupides» (J’ai bu, p. 162).

 

[Complément du 29 août 2022]

Puisqu’il y a malaisant, il doit y avoir malaisance. Exemple tiré de la Presse+ du jour : «“Le mème “Dark Brandon” est mort d’un cas de malaisance extrême” (Le magazine Rolling Stone).»

 

Références

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise précédé de la Charte de la langue québécoise. Supplément 1981, Montréal, VLB éditeur, 1981, 168 p.

Bovet, Ludmila, «“Malaisant” : intrus ou revenant ?», Québec français, 172, 2014, p. 10-11. https://id.erudit.org/iderudit/71999ac

Hébert, François, Miniatures indiennes. Roman, Montréal, Leméac, 2019, 174 p.

Québec Redneck Bluegrass Project, J’ai bu, Spectacles Bonzaï et Québec Redneck Bluegrass Project, 2020, 239 p. Ill. Avec un cédérom audio.

Histoire de la littérature québécoise contemporaine 101

[Que les amateurs de statistiques le notent. Cette entrée est la millième du blogue.]

 

«[Samuel Archibald] aurait brandi
une scie mécanique de marque Mikita au-dessus de sa tête»
(Jean-Philippe Martel,
blogue Littéraires après tout, 12 février 2012).

«Ce n’est pas une raison pour hurler à un
“nouveau mouvement littéraire québécois” […]»
(Pierre Lefebvre, Liberté, avril 2012).

«Après une longue lutte, elle note sur le babillard :
“Benoît, emprunter chainsaw”»
(Danielle Phaneuf, la Folle de Warshaw. Roman, 2004).

 

Pendant de nombreuses années, l’Oreille tendue a enseigné l’histoire de la littérature à l’université, des Grecs à aujourd’hui, en une trentaine d’heures. Il lui arrivait de parler d’écoles, de mouvements ou de périodes littéraires, encore que ce ne fût pas sa tasse de thé pédagogique.

Réfléchissant à des textes de la littérature québécoise récente, elle propose néanmoins aujourd’hui d’en regrouper les auteurs sous l’étiquette École de la tchén’ssâ.

(Qu’est-ce qu’une tchén’ssâ ? Qui n’est pas de souche ne sait peut-être pas qu’il s’agit du mot anglais [chainsaw] désignant la tronçonneuse, mais acclimaté en français du Québec.)

Cette école est composée de jeunes écrivains contemporains caractérisés par une présence forte de la forêt, la représentation de la masculinité, le refus de l’idéalisation et une langue marquée par l’oralité.

L’Oreille tendue surplombe une station de métro de la fenêtre du bureau où elle écrit ceci et elle possède une tchén’ssâ, mais il reste que cet outil est surtout utile hors de la ville, en forêt. La tchén’ssâ est d’un maniement relativement aisé — encore que l’ajustement de sa chaîne demande du doigté —, elle est bruyante et salissante, et elle peut être dangereuse. Parmi les membres de l’école dont il est question, il y a ceux pour lesquels la tchén’ssâ sert essentiellement à abattre et à débiter des arbres; d’autres sont plutôt inspirés par le film The Texas Chainsaw Massacre (1974). Certains critiques préfèrent parler de néoruralité, de posterroir ou de néoterroir pour désigner ces écrivains de la région ou du bois.

Il n’est pas nécessaire d’être un homme pour faire partie de l’École de la tchén’ssâ, mais plusieurs personnages que représentent ses membres sont des hommes, saisis dans un décor non urbain, souvent un fusil à la main. Parfois, ils se contentent d’une canne à pêche.

L’écriture réaliste des auteurs tchén’ssâ ne recule devant aucune matière. Le sang coule dans leurs textes au moins autant que l’huile à moteur. (École du pickup serait un synonyme tout à fait acceptable d’École de la tchén’ssâ.) Ce réalisme n’est évidemment pas incompatible avec la création de mythologies personnelles ou avec des passages proches de la littérature fantastique.

Les écrivains de l’École de la tchén’ssâ, enfin, aiment faire entendre la langue populaire québécoise. Pour eux, une tchén’ssâ s’appelle une tchén’ssâ, pas une tronçonneuse ou une scie mécanique, et il ne leur viendrait pas à l’idée de mettre ce mot en italique dans leurs textes.

Quels sont les membres de l’École de la tchén’ssâ ? Parmi ses figures emblématiques, on compte Samuel Archibald, Raymond Bock et William M. Messier, mais on pourrait aussi leur associer Daniel Grenier, voire Madame Chose.

Sur le plan biographique, on notera — sans en faire une règle absolue — que ces auteurs sont nés à la fin années 1970 ou durant les années 1980, qu’ils ont commencé à publier durant la deuxième décennie du XXIe siècle et qu’ils ont été associés, ou le sont encore, au Département d’études littéraires de l’Université du Québec à Montréal. Ils sont souvent publiés, à Montréal, par Le Quartanier.

De qui s’inspirent-ils ? Sans qu’on puisse toujours parler d’une filiation directe, il est possible de rapporter leur travail littéraire, du côté du roman, à celui de Louis Hamelin, d’André Major ou de Victor-Lévy Beaulieu, parfois de Réjean Ducharme. Pour la poésie, il faudrait plutôt penser à Patrice Desbiens.

Les membres de l’École de la tchén’ssâ sont d’abord prosateurs, mais on compte aussi des poètes parmi eux (Alexandre Dostie de Duo Camaro, Marjolaine Beauchamp, Érika Soucy). Ils pratiquent volontiers la nouvelle (Grenier), parfois appelée histoire (Archibald, Bock). Le numérique n’a pas de secret pour eux : on les lit dans la blogosphère (Grenier) ou dans la twittosphère (Madame Chose). Ils ont leur exégète, Mathieu Arsenault, le fondateur de l’Académie de la vie littéraire au tournant du 21e siècle et l’auteur d’un texte éclairant sur la «ruralité trash» (Liberté, 295, avril 2012).

On peut posséder une tchén’ssâ, sans pour autant être de cette école. C’est le cas d’un poète apprécié de l’Oreille tendue, François Hébert.

On peut décrire des lieux non montréalais, sans non plus en être. Le Rivière-du-Loup de Nicolas Dickner ou le Shawinigan de François Blais ne nécessite pas qu’on y coupe du bois.

L’Oreille tendue a bien cherché une façon de rattacher Éric Plamondon à l’École de la tchén’ssâ — à cause de ses allusions à la pêche à la ligne et au tir à l’arc (sur écureuil) —, mais sans être elle-même parfaitement convaincue.

Mélanie Vincelette écrit sur le Nord (Polynie, Paris, Robert Laffont, 2011), mais on ne lui confierait pas une tchén’ssâ; ce pourrait être risqué. En revanche, Catherine Mavrikakis ferait de beaux ravages avec un outil comme celui-là : qu’on se souvienne de ce qu’un de ses personnages est capable de faire avec une pelle au début de Ça va aller. Roman (Montréal, Leméac, 2002).

Nicolas Langelier, l’auteur du roman Réussir son hypermodernité et sauver le reste de sa vie en 25 étapes faciles (Montréal, Boréal, 2010), se situe aux antipodes des auteurs rassemblés ici, même si son personnage se réfugie dans l’ex-chalet familial.

Les textes de l’École de la tchén’ssâ sont encore peu nombreux, et beaucoup de leurs auteurs en sont encore au début de leur carrière. L’historien de la littérature suivra leur évolution avec attention et bienveillance.

Exercices

1. Répartissez les tenants de l’École de la tchén’ssâ en deux catégories : auteurs possédant une tchén’ssâ; auteurs ne possédant pas de tchén’ssâ.

2. Démontrez pourquoi Gabriel Anctil (Sur la 132, Montréal, Héliotrope, 2012), Jean-François Caron (Rose Brouillard, le film, Chicoutimi, La Peuplade, 2012) ou Ariane Gélinas (les Villages assoupis, Montréal, Marchand de feuilles, 2012) se rattachent, ou ne se rattachent pas, à l’École de la tchén’ssâ.

3. Traduisez le passage suivant en français hexagonal : «Big Lé allait assez souvent aux États avec moi pour savoir que la frontière entre le Canada et les States était une passoire. Il a dit à Luis qu’il pourrait la passer, América, et la lui domper à San Francisco s’il y mettait le prix. Ils s’en sont parlé pas mal le temps que Big Lé était là-bas. C’est resté de même pis Lé est rentré au Québec» (Arvida, p. 84).

4. Complétez la citation suivante : «Tu peux pas comprendre si tu viens de __________» (Arvida Crew).

Citations choisies

Daniel Grenier : «Et quand elle veut se rendre d’ici au comptoir de la cuisine, pour aller chercher le Windex, parce qu’en gossant sur sa plaie encore molle, elle a fait gicler le pus dans le miroir de la salle de bain, quand elle veut se rendre d’ici à là-bas, elle s’aligne un peu à gauche, histoire de ne pas dériver, dériver, dériver» (Malgré tout on rit à Saint-Henri, p. 73).

Raymond Bock : «[…] Jason s’est soudain précipité pour aller chercher une pinte d’huile à moteur dans le coffre et est revenu détacher ce qui restait de Turbide, qui s’est écrasé au sol, des aiguilles de pin collées dans sa face tuméfiée. Jason a arraché les pantalons à plis beiges du vieux et lui a abondamment aspergé le derrière avec l’huile. J’ai cru qu’il voulait l’immoler. J’allais lui dire d’au moins l’éloigner de l’arbre, mais Jason bougeait plus, les shorts baissés à mi-cuisse, bandé comme un démon» (Atavismes, p. 21-22).

Conseils du jour de Madame Chose : «La jeune femme moderne devrait savoir faire du caramel et graisser un moteur» (Twitter, 16 mai 2012); «La jeune femme moderne devrait savoir partir une génératrice en battant des cils» (Twitter, 11 mai 2012); «La jeune femme moderne devrait savoir creuser une rigole et appliquer ses fards avec les doigts» (Twitter, 9 mai 2012); «La jeune femme moderne devrait savoir faire un bas de pantalon et chasser l’outarde» (Twitter, 8 mai 2012); «La jeune femme moderne devrait savoir déveiner un cerf et poser des rouleaux chauffants» (Twitter, 2 mai 2012).

Lectures recommandées

Archibald, Samuel, Arvida. Histoires, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 04, 2011, 314 p. Ill.

Bock, Raymond, Atavismes. Histoires, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 03, 2011, 230 p.

Grenier, Daniel, Malgré tout on rit à Saint-Henri. Nouvelles, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 07, 2012, 253 p.

Liberté, 295 (53, 3), avril 2012, p. 5-47 : dossier «Les régions à nos portes». Textes de Pierre Lefebvre, Raymond Bock, Samuel Archibald, William S. Messier et Mathieu Arsenault.

Messier, William S., Townships. Récits d’origine, Montréal, Marchands de feuilles, 2009, 111 p.

 

[Complément du 28 janvier 2013]

Pour en savoir plus sur l’imprévisible fortune de l’expression «École de la tchén’ssâ», on va ici.

L’École de la tchén’ssâ

Du tintinologue

Hergé au Québec, 1965, affiche

 

[Lecteur, si Tintin t’ennuie, passe ton chemin.]

«J’ai lu Coke en stock
Au motel Jenny Rock»
Lucien Francoeur

L’année dernière, l’Oreille tendue a recueilli quelques-uns de ses textes sur la lettre, dont un «Tintin (non-)épistolier», sous le titre Écrire au pape et au Père Noël. Cabinet de curiosités épistolaires (Del Busso éditeur). Rendant compte du livre, Christian Vandendorpe dit de l’Oreille qu’elle est un «tintinologue averti». C’est lui faire trop d’honneur.

Cela l’a néanmoins entraînée à se poser la question suivante : qui, parmi les auteurs qu’elle connaît, classerait-elle dans la catégorie des «tintinologues» ? Voici quelques noms, par ordre alphabétique de prénom, Tintin oblige. (Tristan Demers étant dans une classe à part, il est exclu de l’énumération ci-dessous.)

Bertrand Laverdure : «Ce n’est pas très long avant que je n’entende une longue plainte grinçante qui me fige sur place. Une espèce de son de yéti comme dans Tintin au Tibet, une onomatopée interminable» (Bureau universel des copyrights. Roman, Chicoutimi, La peuplade, 2011, 142 p., p. 114).

Didier Daeninckx : «Une jeune femme promenait son chien, une sorte de Milou manucuré dont le collier tintinnabulait avec le même son agaçant qu’une clochette d’épicier» (À louer sans commission, édition numérique, Saint-Cyr-sur-Loire, publie.net, coll. «Mauvais genres», 2011 [1991], ch. 4).

Douglas Coupland : «E-mail from Abe : Im re-reading all my old TinTin books, and I’m noticing that there are all of these things absent in the Boy Detective’s life…religion, parents, politics, relationship, communion with nature, class, love, death, birth…it’s a long list. And I find that while I still love TinTin, I’m getting currious about all of its invisible content» (Microserfs, Toronto, HarperPerennial, 1996 [1995], 371 p., p. 191).

Éric Chevillard : «Fuyons, mon vieux Milou !» (Oreille rouge, Paris, Éditions de Minuit, coll. «Double», 44, 2007 [2005], 158 p., p. 97).

Éric Plamondon : «Tintin et Milou» («34. Symboles», dans Hongrie-Hollywood Express. Roman. 1984 — Volume I, Montréal, Le Quartanier, série «QR», 44, 2011, 164 p., p. 69).

François Hébert : «Elle ramassa le cartable du petit et alla le ranger dans sa chambre. Quel désordre ici. Au mur, décollée à l’un des angles, la photo d’un gardien de but, s’élançant devant un ballon qui n’arrivait pas. Une chaussette sur un Tintin, tiens, c’est On a marché sur la lune» (le Rendez-vous. Roman, Montréal, Quinze, coll. «Prose entière», 1980, 234 p., p. 218); «tu as bu tous les livres / Mallarmé Malcolm Lowry ô Tryphon Tournesol» («Mai 68», dans comment serrer la main de ce mort-là, Montréal, l’Hexagone, coll. «L’appel des mots», 2007, 92 p., p. 45); «Jaime lit les bédés, il a connu Tintin, Babar, / Superman, Spiderman. Les bandits de Cinar, j’ignore» («Chant vingt-septième», dans Toute l’œuvre incomplète, Montréal, l’Hexagone, coll. «Écritures», 2010, 154 p., p. 45-46, p. 45).

Gilles Marcotte : «Mais il y eut, bloquant la sortie, ce personnage un peu bizarre, très correct, exagérément correct, comme déguisé, vêtu d’un complet noir comme il convenait, mais que sa moustache faisait ressembler, au choix, à Adolf Hitler, au philosophe Heidegger ou à l’un des frères Dupont» (le Manuscrit Phaneuf. Roman, Montréal, Boréal, 2005, 216 p., p. 46).

Hugo Roy : «Le jeune reporter représentait pour moi l’accès à des mondes mystérieux, remplis de guet-apens, de complots, de brownings et de passages secrets, des mondes d’où l’on ne pouvait espérer sortir sans la vivacité du fidèle ami de Tchang. J’enviais cette qualité à Tintin, l’insolence de Robin des Bois, la ténacité d’Edmond Dantès et la perspicace assurance d’Arsène Lupin» (l’Envie, Montréal, Boréal, 2000, 204 p., p. 55).

Julien Blanc-Gras : «Mais je ne suis pas vraiment à l’aise avec l’idée de faire porter mon barda par des femmes et des enfants. Tintin au Congo, pas terrible» (Touriste, Vauvert, Au diable vauvert, 2011, 259 p., p. 219).

Laurent-Michel Vacher : «Universaux : terme emprunté à la scolastique médiévale et désignant les concepts généraux — correspondant non pas à un individu (Milou), mais à des classes, des genres ou des espèces (chien, animal)» (Découvrons la philosophie avec François Hertel, Montréal, Liber, 1995, 194 p., p. 78 n.).

Marc Robitaille : «Il n’y avait rien à faire alors j’ai relu Tintin au Tibet» (Des histoires d’hiver, avec des rues, des écoles et du hockey. Récit, Montréal, VLB éditeur, 1987, 142, p. 140; voir aussi p. 136-137).

Michel Lefebvre : «Quand je me demande pourquoi j’aime tant lire, […] je me souviens avoir reçu en prime un porte-clés Tintin et Milou à l’achat du tout premier numéro de l’hebdomadaire Tintin distribué régulièrement au Québec; je me souviens que c’était aux environs de Pâques» (Je suis né en 53… Je me souviens, Montréal, Hurtubise HMH, coll. «amÉrica», 2005, 132 p., p. 127).

Michel Michaud : «Et puis la seule image que je connaissais de ce ruminant à tête de chameau [le lama], c’était son côté cracheur d’eau à la barbe du capitaine Haddock dans Tintin et le Temple du Soleil» (Coyote, Montréal, VLB éditeur, 1988, 288 p., p. 267).

Michel Tremblay : «Aujourd’hui, cet album me ferait frémir, mais le petit garçon qui lit les aventures de Tintin et de Milou, le chien parlant, sur le balcon de l’appartement de la rue Fabre ne connaît ni la Belgique ni le Congo belge, il n’a encore aucune notion du colonialisme, même s’il en est une victime culturelle depuis sa naissance en tant que Québécois, et il dévore sa première bande dessinée sans arrière-pensée, tout heureux de découvrir que Tintin n’est pas si plate que ça, en fin de compte» («Tintin au Congo», dans Un ange cornu avec des ailes de tôle. Récits, Montréal et Arles, Leméac et Actes Sud, 1994, 245 p., p. 48-64, p. 61).

Nicholson Baker : «The pictures were very important to the story, because Hergé was such a good drawer, especially of mountains and people climbing mountains wearing backpacks» («39. Reading Tintin to Her Babies», dans The Everlasting Story of Nory. A Novel, New York, Random House, 1998, 226 p., p. 155-158, p. 156); «“Guano” was one of my favorite words back then—I’d learned it from Tintin» (The Anthologist. A Novel, New York, Simon & Schuster, 2009, 243 p., p. 75).

Nicolas Ancion : «Voilà. Tout était compris dans ces trois mots. Fabriqué en Chine. Et Tom avait décidé de retrouver sa vraie mère, sa maman de Chine. Une gentille Chinoise avec des yeux bridés et des souliers minuscules, comme dans Le lotus bleu, qui serrerait Tom dans ses bras avec autant d’amour qu’au jour où elle l’avait cousu. Et le seul moyen de la retrouver, sa mère, c’était de remonter la filière» (Les ours n’ont pas de problème de parking, édition numérique, Saint-Cyr-sur-Loire, publie.net, coll. «Fiction 17», 2011 [2001], ch. «Le chien brun et la fleur jaune de Chine»).

Nicolas Dickner : «Dès le premier regard, par exemple, on tombe sur trois guides de voyage raisonnablement récents (Indonésie, Islande, Hawaï), un exemplaire à peine égratigné d’un album de Tintin (Coke en stock), le Ashley Book of Knots (en bon état mais sans couverture) et une édition spéciale de la Vie mode d’emploi (finement reliée)» (Nikolski, Québec, Alto, 2006, 325 p., p. 318-319; voir aussi p. 266).

Yves Pagès : «Au loin, la carcasse d’un zinc échoué dans la neige. Milou y déniche un poulet congelé de longue date. Tintin, lui, déchiffre le nom de son petit protégé gravé sur la paroi d’une grotte. Aujourd’hui, le Yéti est au chômage technique» («Figuration libre», dans Petites natures mortes au travail. Récits, Paris, Verticales et Seuil, 2000, 122 p., p. 37-44, p. 43).

La compagnie n’est pas trop mauvaise.

Cela étant, je serais Tintin, je m’inquiéterais. Sur 21 citations, six portent sur Milou, une sur les Dupont, une sur le professeur Tournesol, une sur Tchang, une sur le capitaine Haddock. Ce n’est pas un peu beaucoup pour les seconds couteaux ?

P.-S. — L’Oreille doit bien le confesser : il y a un peu de tintinologue en elle. Surtout si on ajoute ceci et cela à ce qui précède.

 

[Complément du 7 avril 2013]

Préparant du matériel pour ses Curiosités voltairiennes, l’Oreille tombe sur un texte de Michel David paru dans le Devoir du 28 septembre 2007, «Comme disait Voltaire». Il y est question de la résidence somptueuse de Pauline Marois, qui n’était pas encore première ministre du Québec. Comment David appelle-t-il ce «château» ? «Moulinsart-en-l’Île-Bizard» (p. A10).

 

[Complément du 14 avril 2013]

Du nouveau sur cette résidence : «“La Closerie”, domaine inspiré du Château de Moulinsart des aventures de Tintin, est située à l’Île-Bizard» (la Presse, 13 avril 2013, p. A8). «Inspiré» : vraiment ?

 

[Complément du 26 août 2013]

Le premier mot du sous-titre de Téléthons de la Grande Surface (inventaire catégorique), le livre que publiait Marc-Antoine K. Phaneuf en 2008 (Montréal, Le Quartanier, 188 p.), indique clairement sa nature formelle : Listes, poésie, name-dropping. L’ouvrage est en effet constitué uniquement de listes, regroupées en huit sections : «Listes de gens», «Listes alimentaires», «Listes d’objets», «Listes géographiques», «Listes scientifiques», «Listes sportives», «Listes culturelles», «Listes musicales». Elles sont faites de mots tirés de la vie courante, de la musique, du cinéma, du sport, de la télévision, de la chanson, de la culture populaire et de la culture savante. Et de la bande dessinée.

La série Astérix n’est nommée qu’une fois, pour les Douze Travaux d’Astérix (p. 127). Les Tintin, en revanche, sont très souvent cités. Parfois, il est question de personnages : Tintin et Milou (p. 16), les Dupont/d (p. 22), Rackham le Rouge (p. 37), le capitaine Haddock (p. 90), le professeur Tournesol (p. 135). Parfois, d’albums : l’Oreille cassée (p. 46), le Crabe aux pinces d’or (p. 91), l’Affaire Tournesol (p. 119), Vol 714 pour Sidney (p. 126). Moulinsart est là (p. 101), comme «des mèches dans le toupet Tintin» (p. 179).

Une fois cette liste dressée, un esprit chagrin pourrait déplorer l’absence de Milou dans «Au pet shop» (p. 88-89) et celle de Tintin au Tibet dans «Le péril jaune» (p. 104-105). Ne soyons pas des esprits chagrins.

 

[Complément du 27 janvier 2014]

Nicholson Baker précise sa lecture de Tintin dans «Thorin Son of Thráin» (1996) :

Two Tintin books — The Secret of the Unicorn and Red Rackham’s Treasure — were the first things I truly liked reading by myself. Golden Books was the publisher of a few Tintin titles then, and they had Americanized the text slightly : Haddock’s ancestral home was called Hudson Manor rather than the Marlinspike Hall of other Tintins that we ordered later on from England like jars of marmalade. I loved the shark-shaped one-man submarine, and Tintin’s shameless habit of talking to himself in his diving helmet while he was being stalked by the real shark, and the scene in which Thomson and Thompson, tired out, forget to keep cranking the air pump that leads below (éd. de 2013, p. 44).

 

Référence

Baker, Nicholson, «Thorin Son of Thráin», dans Michael Dorris et Emilie Buchwald (édit.), The Most Wonderful Books : Writers on Discovering the Pleasures of Reading, Minneapolis, Milkweed Editions, 1997; repris dans Nicholson Baker, The Way the World Works. Essays, New York, Simon & Schuster, 2013, p. 43-45.

 

[Complément du 1er août 2016]

Lisant ceci chez San-Antonio dans Salut mon pope ! : «Elle nous emporte dans sa cabine comme une vieille pie emporte des boucles d’oreilles dans son nid» (éd. de 1974, p. 239), comment ne pas penser aux Bijoux de la Castafiore ?

San-Antonio, Salut, mon pope ! Roman spécial-police, Paris, Fleuve noir, coll. «S.A.», 25, 1974, 254 p. Édition originale : 1966.

 

[Complément du 3 mars 2017]

Collecte du jour.

Hervé Bouchard : «Je possède de ça des images de moi dans un autobus, dans un avion, dans un campeur monté sur un F-150 de mil neuf sans que ça paraisse, où je suis couché comme Tintin dans sa fusée, pendant que le véhicule fait l’ascension circulaire de la montagne Baker» (Numéro six. Passages du numéro six dans le hockey mineur, dans les catégories atome, moustique, pee-wee, bantam et midget; avec aussi quelques petites aventures s’y rattachant, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 80, 2014, 170 p., p. 148).

Simon Brousseau : «Tu as huit ans, c’est le soir de Noël, et tu repères tout de suite, sous le beau sapin que tu as décoré la veille avec tes grands-parents, le cadeau qu’ils vont t’offrir et dont la forme laisse deviner l’album de Tintin que tu désires et qui manque à ta collection, Le Lotus bleu, avec sa rutilante couverture où un dragon tracé à l’encre de chine zigzague et semble sur le point de jaillir hors du livre, et lorsqu’à minuit tu peux enfin déballer ce cadeau, tu le fais avec un tel empressement que tu t’arraches l’ongle de l’index gauche, et même si tout le monde se rue sur toi, tu ne résistes pas à la tentation de tourner les premières pages» (Synapses. Fictions, Montréal, Le Cheval d’août, 2016, 107 p., p. 82-83).

Michael Delisle : «Il était beau comme Tintin : pâle, lèvres roses, yeux bleus, un peu blond» (le Feu de mon père. Récit, Montréal, Boréal, 2014, 121 p., p. 24).

Jonathan Franzen : «The most widely loved (and profitable) faces in the modern world tend to be exceptionally basic and abstract cartoons : Mickey Mouse, the Simpsons, Tintin, and — simplest of all, barely more than a circle, two dots, and a horizontal line — Charlie Brown» (The Discomfort Zone. A Personal History, New York, Picador, Farrar, Straus and Giroux, 2006, 195 p., p. 40).

Nicolas Guay : «Les aventures de Tintin et Ubu — l’oneille cassée» (l’Insoutenable Gravité de l’être (ou ne pas être), 2015 [deuxième édition], 100 p., p. 57. Édition numérique.).

François Hébert : «Dans le programme, on nous annonce que le professeur François-Xavier Nève de Mévergnies, de Liège, va nous parler de Tintin au Tibet. / Ce doit être un yéti, ce prof, avec un nom pareil» (De Mumbai à Madurai. L’énigme de l’arrivée et de l’après-midi. Récit, Montréal, XYZ éditeur, coll. «Romanichels», 2013, 127 p., p. 40); «Ne tournerais-tu pas en rond comme un Dupont d’Au pays de l’or noir ?» (p. 97); «Et voici le capitaine Haddock qui caracole sur une vache sacrée et enragée dans la communication de Swati Dasgupta : L’image de l’Inde dans la bande dessinée francophone : de Tintin à India Dreams» (p. 108).

Normand Lalonde : «Ce n’est tout de même pas ma faute si Les bijoux de la Castafiore sont un des sommets de l’art du vingtième siècle» (Autoportrait aux yeux crevés. Petites méchancetés et autres gentillesses, Montréal, L’Oie de Cravan, 2016, 60 p., p. 28); «Si je n’étais Tintin, je voudrais être Diogène» (p. 30).

Jean-Pierre Minaudier : «Ke mahal onerdecos s’ch proporos rabarokh !» est la traduction, en arumbaya, d’une célèbre phrase du capitaine Haddock : «Moules à gaufres ! Marchand de tapis !» (Poésie du gérondif. Vagabondages linguistiques d’un passionné de peuples et de mots, Le Rayol Canadel, Le Tripode, 2014, 157 p., p. 17 et p. 137)

Patrick Nicol : «Il y a quarante ans, quand son oncle lui parlait de Chypre — Marc le revoit, tel qu’il l’a vu alors, marchant entre les lignes ennemies, opposant la solidité de son casque bleu au cône mou des Turcs et à la calotte à pompons des Grecs (souvenir erroné de Tintin) —, les Russes n’avaient même pas le droit d’épargner» (Vox populi. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 98, 2016, 89 p., p. 35); «Le mot “aventure” lui fait penser également à Tintin, qui a beaucoup voyagé comme les souliers de la chanson (Marc s’amuse de la vivacité de son esprit)» (p. 62).

Patrick Roy : «Elle vivait seule avec deux chats qui aboutissaient toujours devant sa porte-fenêtre à lui, deux bâtards, un roux et un crème, Tintin et Milou, fallait-il être assez stupide» (L’homme qui a vu l’ours. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 09, 2015, 459 p., p. 56); «L’un d’eux, Maverick, préposé au terrain dans un stade de rugby, ressemblait au capitaine Haddock avec des cheveux roux et il était tout aussi gueulard» (p. 285); «Fitzpatrick avait l’impression de traverser le désert depuis des heures tant sa gorge était sèche. Il était pris dans un remake du Crabe aux pinces d’or. Il se retint de s’éponger le front» (p. 396).

 

Écrire au pape et au Père Noël, 2011, couverture