Du texto et de ses effets linguistiques, bis

Le texto annonce-t-il la mort de la maîtrise de l’orthographe ? Pas en anglais, si l’on en croit une équipe de chercheurs du Canada.

Written communication in instant messaging, text messaging, chat, and other forms of electronic communication appears to have generated a «new language» of abbreviations, acronyms, word combinations, and punctuation. In this naturalistic study, adolescents collected their instant messaging conversations for a 1-week period and then completed a spelling test delivered over instant messaging. We used the conversations to develop a taxonomy of new language use in instant messaging. Short-cuts, including abbreviations, acronyms, and unique spellings were most prevalent in the instant message conversation, followed by pragmatic signals, such use of emoticons, emotion words, and punctuation, and typographical and spelling errors were relatively uncommon. With rare exceptions, notably true spelling errors, spelling ability was not related to use of new language in instant messaging. The taxonomy provides an important tool for investigating new language use and the results provide partial evidence that new language does not have a harmful effect on conventional written language.

La conclusion est claire : «spelling ability was not related to use of new language in instant messaging» (la compétence en épellation n’était pas liée à l’utilisation d’un nouveau langage dans la communication instantanée).

Il n’y a pas de raison de penser que la situation serait différente en français.

 

Référence

Varnhagen, Connie K., G. Peggy McFall, Nicole Pugh, Lisa Routledge, Heather Sumida-MacDonald et Trudy E. Kwong, «lol: new language and spelling in instant messaging», Reading and Writing, mai 2009.

Rebondir

Expression prisée en rhétorique universitaire : Je vais rebondir sur ce que mon collègue vient de dire. Signe supposé d’une pensée cabriolante. A l’avantage de dispenser d’une argumentation logique.

 

[Complément du 22 avril 2015]

Il y un équivalent dans la langue de Shakespeare : to riff off. Le mot viendrait du vocabulaire du jazz.

 

[Complément du 4 mai 2015]

On peut y aller avec tout son corps : on rebondit soi-même.

On peut être plus économe de ses mouvements et se contenter de prendre la balle au bond.

 

[Complément du 28 mai 2015]

On dirait bien que rechercheisidirore.fr a trouvé le bouton parfait pour l’Oreille tendue.

Le bouton Rebondir du site rechercheisidore.fr

 

[Complément du 31 janvier 2018]

Le 16 mars 2011, Jean Echenoz présentait l’œuvre de Raymond Roussel au public de la Bibliothèque nationale de France. Vers la 31e minute de la captation vidéo de son intervention, il déclare «J’aime pas le verbe rebondir.» Merci.

 

[Complément du 11 novembre 2020]

Ne dites plus : «Synthèse des thèmes de la journée.» Dites plutôt : «Rebonds sur les thèmes de la journée.»

«Rebonds» dans un programme de colloque, 2020

Avancez en arrière

Mêlez Facebook et une bonne dose de nostalgie, et vous vous retrouvez avec une nouvelle catégorie socialo-affective : le rétrosexuel. Définition de Slate.fr : «Le Boston Phoenix a […] inventé un terme pour ces personnes qui renouent avec leurs premiers amours [grâce à Facebook] : les “rétrosexuels”.»

Sous la plume de Claire Suddath, le magazine Time, dont s’inspire l’article de Slate.fr, parle de «recycled love». C’est un peu plus brutal.

Barack Obama est noir

Barack Obama, Dreams from my Father, 1995, couverture

Forte lecture que celle du premier livre de Barack Obama, Dreams from my Father. A Story of Race and Inheritance — pour l’écriture, pour le parcours, pour la conviction, pour l’absence d’artifice (Barack Obama n’est pas Bill Clinton).

Pour la langue aussi. Elle est un des thèmes du livre : ce que les mots permettent de faire, ce qu’ils interdisent, soit parce qu’ils manquent, soit parce qu’ils blessent. Elle est aussi un révélateur.

Comment Barack Obama se définit-il ? Comme Noir : «I was trying to raise myself to be a black man in America […]» (p. 76). Sauf erreur, il n’a recours qu’une seule fois à l’expression devenue courante aux États-Unis de «African-American» (p. 134), alors que l’étiquette aurait si bien pu lui convenir, lui fils d’un père africain et d’une mère américaine.

Voilà quelqu’un qui appelle les choses par leur nom.

 

Référence

Obama, Barack, Dreams from my Father. A Story of Race and Inheritance, New York, Three Rivers Press, 2004, 457 p. Édition originale : 1995.

Du texto et de ses effets linguistiques

Dans un coin, le linguiste David Crystal, l’auteur de Txtng : The Gr8 Db8 (2008), qui ne croit pas que la pratique massive du texto aura des effets négatifs sur l’évolution de la langue. En un mot : «Why all the Fuss ?» (titre du chapitre 8). Il s’en explique dans une vidéo ici.

Dans l’autre, Louis Menand, qui, rendant compte du livre dans les pages du New Yorker le 20 octobre 2008, se montre sceptique : «It is good to know that the estimated three billion human beings who own cell phones, and who use them to send more than a trillion text messages every year, are having no effect on anything that we should care about. A trillion text messages, Crystal says, “appear as no more than a few ripples on the surface of the sea of language.” […] Still, despite what they say, size matters. A trillion of anything has to make some change in cultural weather patterns.» Menand déplore, par exemple, «the Englishing of world languages» : «texting has probably done some damage to the planet’s cultural ecology, to lingo-diversity».

Débat.

 

Références

Crystal, David, Txtng : The Gr8 Db8, Oxford, Oxford University Press, 2008, 256 p. Ill.

Menand, Louis, «Books. Thumbspeak. Is Texting Here to Stay ?», The New Yorker, vol. LXXXIV, no 33, 20 octobre 2008, p. 86-87.