Divergences transatlantiques 052

Catherine Lalonde, la Dévoration des fées, 2017, couverture

Il peut se passer toutes sortes de choses sous la table.

Selon le Petit Robert (édition numérique de 2014), se mettre les pieds sous la table signifie se laisser servir.

Pour le site ABC de la langue française, qui passe sous la table est réputé perdre sans marquer un seul point.

Chez Forum ados, on évoque plutôt les caresses buccales.

Aucun de ces sens ne paraît être d’un usage courant au Québec.

En revanche, il y est banal de dire d’une personne, voire d’une personne humaine, qu’elle est passée sous la table pour indiquer qu’elle a loupé un repas, soit parce qu’elle en a été privée, soit parce qu’elle est arrivée trop tard pour y avoir droit.

Exemple, tiré de l’excellent la Dévoration des fées de Catherine Lalonde (2017) : «Arrivent à la course, sinon mangeront froid leur noire avoine et le ragoût de chien d’été. Ou passeront en dessous de la table, c’est ça qui est ça, icitte» (p. 51).

 

Référence

Lalonde, Catherine, la Dévoration des fées, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 112, 2017, 136 p.

Pédantisme du jour

Affiche de l’exposition «Jean Echenoz. Roman, rotor, stator», Paris, 2017

On vous pose des questions comme celles-ci : «Parlons de votre passion pour la géographie. D’où vient-elle ? Y voyez-vous un rapport avec la pensée postmoderne et le primat de l’espace, avec le Spatial Turn d’Edward Soja, par exemple ?»; « Est-ce que vous n’avez jamais pensé qu’il y avait beaucoup de noms, et qu’on pouvait par exemple choisir un nouveau nom pour peupler un peu plus son œuvre ?»; «C’est ce qui fait la transfictionnalité de votre œuvre, n’est-ce pas ?» On vous cite Umberto Eco (et sa «coopération interprétative»), Werner Herzog, Charles Gounod, Édouard Pailleron, Marcel Proust, Dante, Foucault (et son «hétérotopie»), Walter Benjamin et Georg Simmel (et leurs flâneurs). On vous cause «mort de l’auteur», «intertextualité», «autoparodie».

Pourtant, vous restez poli.

Il faut être Jean Echenoz pour avoir cette bienveillance, lui qui répondait récemment aux questions de la revue numérique En attendant Nadeau, à l’occasion de l’exposition parisienne qui lui est consacrée.

Morceaux choisis : «La psychologie des personnages ne m’intéresse pas»; «l’espace offre des histoires»; «je n’ai pas très envie de parler des choses heureuses».

À lire, malgré les questions.

Les zeugmes du dimanche matin et de Catherine Lalonde

Catherine Lalonde, la Dévoration des fées, 2017, couverture

«Il cavalcade, le monstre à six têtes, entre en tornade, une harde sauvage, un fil à pattes les liant : la p’tite papoose à cru sur le mongol, le ti-cul derrière se bêchant, les grands sautant l’obstacle, virant le coin sec. Foin dans les cheveux, ronces aux mollets, grafignes et rose aux joues, crottés rare, ils sèment samares, cocottes, limaces et désordre sur leur passage» (p. 51).

«Grand-maman l’attend, et le malheur aussi» (p. 79).

Catherine Lalonde, la Dévoration des fées, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 112, 2017, 136 p.

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(Une définition du zeugme ? Par .)

Le zeugme du dimanche matin et de Beaumarchais

La Mère coupable, créée le 26 juin 1792 au Théâtre du Marais, acte IV, sc. XIII, édition de 1876

«Je vous renvoie tous vos reproches, le portrait que j’ai fait de vous, et la boucle de cheveux que je vous dérobai.»

Beaumarchais, la Mère coupable, dans Théâtre, texte établi, introduction, chronologie, bibliographie, notices, notes et choix de variantes par Jean-Pierre de Beaumarchais, Paris, Garnier, coll. «Classiques Garnier», 1980, xxxi/475 p., p. 358, acte II, sc. I. Édition originale : 1792.

 

Illustration : la Mère coupable, créée le 26 juin 1792 au Théâtre du Marais, acte IV, sc. XIII, dans Œuvres complètes de Beaumarchais, Paris, Laplace, Sanchez et Cie, 1876.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

L’oreille tendue de… Émile Zola

Émile Zola, l’Assommoir, éd. de 1969, couverture

«Il était effrayant, cet animal, à rire continuellement tout seul, comme si sa profession l’égayait. Même, quand il avait fini son sabbat et qu’il tombait sur le dos, il ronflait d’une façon extraordinaire, qui coupait la respiration à la blanchisseuse. Pendant des heures, elle tendait l’oreille, elle croyait que des enterrements défilaient chez le voisin.»

Émile Zola, l’Assommoir, chronologie et introduction par Jacques Dubois, Paris, Garnier-Flammarion, coll. «G-F», 198, 1969, 445 p., p. 338-339.