Trente-septième article d’un dictionnaire personnel de rhétorique

Christian Oster, Massif central, éd. de 2019, couverture

Parenthèse

Définition

«Insertion d’un segment de sens complet, au milieu d’un autre dont il interrompt la suite, avec ou sans rapport au sujet…» (Gradus, éd. de 1980, p. 329).

Exemple

«J’avais un enterrement. Celui de Matthieu Servais, un homme qui tout comme moi avait exercé le métier d’architecte, mais jusqu’au bout, lui (j’expliquerai bientôt pourquoi j’y avais renoncé dans un espace plus propice que cette parenthèse), et qui avait été un ami cher, un compagnon éclairant, dont les réalisations avaient largement contribué à me guider dans une voie où, comme dans ma vie à d’autres égards, j’avais eu souvent à composer avec le doute» (Massif central, p. 17).

 

[Complément du 5 novembre 2022]

Chez le Yves Ravey de Taormine (2022), la parenthèse croise, sur deux pages, la prétérition :

Je ne reviendrai pas là-dessus, mais, ouvrant et refermant une parenthèse, signalerai seulement ceci : comme tout couple, nous traversons parfois des zones de turbulence, et tout cela donne à notre relation amoureuse un aspect tumultueux. Nous n’aurons donc pas, au cours de ce séjour sicilien, à discuter, ou si peu, les termes de mon désir pour Marceline, secrétaire de Luisa dans son laboratoire de directrice de recherche en bioéthique. Et je tairai, par ailleurs, cette récente aventure, parmi d’autres, nombreuses, vécue par Luisa, dont je n’ai rien à dire, sinon que j’en ai beaucoup souffert. Je noterai seulement, en aparté, que ma femme, elle, contrairement à moi, n’a jamais hésité, comme souvent, et presque systématiquement, à passer à l’acte.

[…] Bref, passons (p. 53-54).

 

Références

Dupriez, Bernard, Gradus. Les procédés littéraires (Dictionnaire), Paris, Union générale d’éditions, coll. «10/18», 1370, 1980, 541 p.

Oster, Christian, Massif central. Roman, Paris, Éditions de l’olivier, coll. «Points», 4956, 2019, 158 p. Édition originale : 2018.

Ravey, Yves, Taormine. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2022, 138 p.

L’oreille tendue de… Marielle Macé

Mireille Macé, Nos cabanes, 2019, couverture

«Il y a plus d’idées sur terre qu’on ne l’imagine; des idées à même la terre, à même les choses, à même les formes du vivant, des idées de vie à entendre, des pensées et des phrases à mêler enfin aux nôtres (et je me souviens de La Boétie tendant l’oreille aux animaux : “Si les hommes ne font trop les sourds, [les bêtes] leur crient : Vive la liberté !”).»

Marielle Macé, Nos cabanes, Lagrasse, Verdier, 2019, 121 p., p. 71.

Paris, op. 2

(suite de l’entrée d’hier)

Vendredi, le 5 avril, spectacle solo, Céline. Derniers entretiens, au Théâtre de poche Montparnasse, avec Stanislas de la Tousche. Fragment d’autoportrait à retenir : Qu’est-ce qu’un styliste ? Un «branleur de virgules».

Le lendemain, au café, lecture du premier tome de l’Histoire de la littérature récente (2016) d’Olivier Cadiot. Ceci, p. 41 de l’édition de poche de 2017, dans un passage sarcastique : «Céline, attaque-t-il avec une voix de basse, pas le marchand de chaussures, non, notre admirable styliste !»

On n’aime pas les doubles consonnes sur les trottoirs parisiens.

«Suprimé» pour «Supprimé», Paris, avril 2019

(Encore une fois, il aurait fallu écouter Martine Sonnet.)

Heureusement, il y a de la Pelforth brune au Café de la Comédie. L’Oreille va-t-elle devoir changer ses habitudes ?

Pelforth brune, Café de la Comédie, Paris, avril 2019

Si elle était au Café de la Comédie, c’était pour attendre le début du spectacle les Damnés à la Comédie-Française. (Compte rendu du spectacle à venir.)

À la table derrière elle : «Du coup, c’est, voilà.» Adaptation proposée par @machinaecrire :

«Faque» et «du coup», Nicolas Guay, Twitter, 6 avril 2019

Il y a une station de tramway Ella-Fitzgerald à Paris depuis 2012. Ce n’est que justice : «I love Paris / Why oh why / Do I love Paris ? / Because my love is near

Station de tramway Ella-Fitzgerald, Paris

À votre service.

«Beakfast» n’est pas «Breakfast», Paris, avril 2019

Georges Simenon est mort en 1989. Pour marquer ce trentième anniversaire, les bibliothèques de la Ville de Paris organisent toutes sortes d’activités. Dans le Marais, l’Oreille a ainsi pu voir une jolie petite exposition consacrée à un seul texte de Simenon. Description officielle :

Dans le roman Maigret s’amuse, publié en 1957, le commissaire et sa femme décident de prendre des vacances, tout en restant secrètement à Paris pour profiter de la ville, désertée au mois d’août. Ils se promènent dans les rues de Paris, vont au restaurant et au cinéma, s’attablent aux terrasses des cafés.

Guidée par des citations du roman de Simenon, l’exposition illustre les lieux qu’ils fréquentent de photographies d’époque et de documents divers provenant des collections de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris. Ceux-ci nous restituent l’atmosphère particulière de ce roman malicieux, où Maigret se fait piéton de Paris, suivant incognito une enquête criminelle.

Ça se visite en quinze minutes, avec plaisir.

Fin de séjour. Au revoir à vous aussi.

«Bye Benoît», affiche, Paris, avril 2019

Que lire, sans lire, pendant un vol entre Paris et Montréal ? Pourquoi pas la version audio de Madame Bovary ?

Flaubert, Madame Bovary, livre audio, Air Canada, avril 2019

On n’arrête pas le progrès.

 

Référence

Cadiot, Olivier, Histoire de la littérature récente. Tome 1, Paris, P.O.L, coll. «Folio», 6371, 2017, 146 p. Édition originale : 2016.

L’oreille tendue de… William S. Messier

William Messier, Dixie, 2013, couverture

«Il se stationne de reculons vis-à-vis de la grande porte du garage. Il coupe le moteur et s’équipe de gants de travail. Avant de bouger, il tend à nouveau l’oreille pour s’assurer que la voie est libre et sort enfin du camion en demeurant légèrement penché — une hyène dans les Cantons.»

William S. Messier, Dixie. Roman, Montréal, Marchand de feuilles, 2013, 157 p., p. 11-12.

P.-S.—L’Oreille tendue a présenté ce texte en 2014.

L’oreille tendue de… Jo Nesbø

Jo Nesbø, le Bonhomme de neige, 2008, couverture

«Sylvia courait vers le cœur de la forêt. L’obscurité gagnait.

[…]

Elle s’arrêta et tendit l’oreille. Sa respiration haletante et rauque égratignait le calme, produisait le même son que lorsqu’elle déchirait le papier destiné à emballer les casse-croûte que les filles emporteraient à l’école. Elle parvint à modérer sa respiration. Tout ce qu’elle entendait, c’était le sang qui battait dans ses oreilles, et le clapotis bas d’un ruisseau.»

Jo Nesbø, le Bonhomme de neige. Une enquête de l’inspecteur Harry Hole, Paris, Gallimard, coll. «Folio policier», 575, 2008, 583 p., p. 106. Traduction d’Alex Fouillet. Édition originale : 2007.