Accouplements 126

Julia Deck, Viviane Élisabeth Fauville, 2014, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Ce tweet, d’hier :

Cette citation de Julia Deck, déjà évoquée en 2015 :

«L’entreprise Biron gagne beaucoup d’argent, elle occupe un immeuble de huit étages rue de Ponthieu, à deux pas des Champs-Élysées. Dans le hall, des hôtesses d’accueil souples et collantes comme les lanières en plastique des anciens rideaux de cuisine font patienter les visiteurs avec des trivialités équivoques» (p. 16-17).

 

Référence

Deck, Julia, Viviane Élisabeth Fauville, Paris, Éditions de Minuit, coll. «Double», 99, 2014, 166 p. Édition originale : 2012.

Humeur du moment ?

Philippe Girard, la Grande Noirceur, 2014, p. 61

Le Petit Robert (édition numérique de 2014) connaît le sens «régional (Canada)» de marabout : «De mauvaise humeur, désagréable. => boudeur, bougon, irritable.»

Les exemples ne manquent pas, qui confirment la définition du Robert.

Chez Bernard Arcand : «Les faits donnent incontestablement raison aux marabouts et à tous ceux qui se lamentent» (p. 21).

Chez Éric Dupont : «Ce dernier, un homme autrement assez doux, ne frappait pas par conviction, mais parce que sa femme l’avait, par ses hurlements, tiré d’un sommeil profond dont il était sorti marabout, impatient et irrité» (p. 151-152).

Chez David Goudreault : «Reynald était marabout. La journée allait être longue» (p. 112).

Chez Érika Soucy : «Ah, y va pas pire… Hier, y’était un peu marabout là, mais…» (p. 130).

 

Illustration tirée de la Grande Noirceur, de Philippe Girard (p. 61).

 

Références

Arcand, Bernard, Abolissons l’hiver ! Livre (très) pratique, Montréal, Boréal, 1999, 112 p.

Dupont, Éric, la Fiancée américaine. Roman, Montréal, Marchand de feuilles, 2015, 877 p. Édition originale : 2012.

Girard, Philippe, la Grande Noirceur, Mécanique générale, 2014, 87 p.

Goudreault, David, la Bête à sa mère, Montréal, Stanké, 2015, 231 p.

Soucy, Erika, les Murailles, Montréal, VLB éditeur, 2016, 150 p.

Bien peu

«Pas tant», la Presse+, 22 novembre 2018

Entendu un soir à la maison, dans la bouche d’une vingtenaire : «Mathieu Bock-Côté, je l’aime pas tant.»

Lu l’autre jour, chez Mahigan Lepage : «Je n’aime pas tant l’app Photos d’iOS, mais elle a au moins l’avantage de donner un aperçu visuel des photos.»

Découvert chez Christine Beaulieu dans J’aime Hydro :

«Aussi, je me disais : le dossier de l’électricité ? Oui, je me sentais concernée par ça, j’ai une facture, ça me préoccupait… Mais est-ce que ça me mobilisait tant que ça ?

Pas tant» (p. 37).

Bref, la formule euphémisante pas tant n’est pas rare dans le Québec contemporain.

Synonymes : guère, (bien) peu, (vraiment) pas.

Antonyme : correct.

Historique : la réduction de pas tant que ça à pas tant n’est pas récente, le Petit Robert (édition numérique de 2014) en donnant une occurrence chez les Goncourt («Je te croyais bête, Pluvinel, mais pas tant, vrai !»).

 

[Complément du 17 juin 2019]

Dans les exemples ci-dessus, pas tant est utilisé seul ou modifie un verbe. Cette expression adverbiale peut aussi modifier un adjectif : «La pièce trahit l’existence d’une famille pas tant portée sur le ménage […]» (Fanny Britt, les Retranchées, p. 43).

 

Références

Beaulieu, Christine, J’aime Hydro, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 13, 2017, 253 p. Illustrations de Mathilde Corbeil.

Britt, Fanny, les Retranchées. Échecs et ravissement de la famille, en milieu de course, Montréal, Atelier 10, coll. «Documents», 15, 2019, 97 p.

Dur dur

René Bolduc, Sincèrement vôtre, 2018, couvertureCeci, chez René Bolduc, en 2018 : «Pas comme l’un de vos caniches serviles, non, mais comme un chien errant, sans laisse, qui en arrache un peu, mais qui est libre» (Sincèrement vôtre, p. 38).

Et chez Nicolas Dickner, en 2009 : «Une conversation butinante, sans but précis : il y a longtemps qu’on t’avait vu, le bar est tranquille, moyenne chaleur, non ?, paraît que les agriculteurs en arrachent» (Tarmac, p. 237).

En arracher, au Québec : avoir du mal.

 

Références

Bolduc, René, Sincèrement vôtre. Petite introduction épistolaire aux philosophes, Montréal, Poètes de brousse, coll. «Essai libre», 2018, 232 p. Préface de Normand Baillargeon.

Dickner, Nicolas, Tarmac, Québec, Alto, 2009, 271 p. Ill.