Les zeugmes du dimanche matin et de David Turgeon

David Turgeon, le Continent de plastique, éd. de 2017, couverture

«Odette alla chercher une bouteille de rosé dont un commis-associé nous avait assuré plus tôt ce jour-là qu’elle accompagnerait finement les soirées chaudes et les viandes rouges grillées» (p. 79).

«J’avais une ampoule à la main et beaucoup de kilométrage en vue» (p. 130-131).

«Je ne voyais plus Paul, qui avait abandonné d’un coup toute vie sociale (y compris, un temps, sa maîtresse, dont il faudra bien que je dise quelques mots en temps et lieu) pour s’occuper d’elle [Stéfanie]» (p. 247).

David Turgeon, le Continent de plastique. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Écho», 16, 2017, 298 p. Édition originale : 2016.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Accouplements 104

Deux couvertures du Quartanier, 2017

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Clermont, Stéfanie, «Toutes celles que j’ai connues et aimées», dans le Jeu de la musique. Nouvelles, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 15, 2017, 340 p., p. 278-318.

«Quand la tension montait, on discutait pendant des heures, et ça n’aidait pas vraiment. L’un de nous mettait All I Really Want to Do de Bob Dylan, pour se rappeler : “I ain’t looking to compete with you, beat or cheat or mistreat you”.
Je ne veux pas te faire compétition, te battre ou te maltraiter. Je ne veux pas te simplifier, t’étiqueter. Je ne te demande pas de voir comme moi, d’être comme moi.
“All I really want to do is, baby, be friends with you.” Je veux seulement qu’on soit amis» (p. 291).

Plamondon, Éric, «Lendemain de pêche», dans Donnacona. Nouvelles, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 116, 2017, 118 p., p. 47-68.

«I ain’t lookin’ to compete with you
Beat or cheat or mistreat you
Simplify you, classify you
Deny, defy or crucify you
All I really want to do
Is, baby, be friends with you
Bob Dylan» (p. 49, épigraphe).

P.-S.—L’Oreille tendue a présenté le Jeu de la musique le 27 décembre 2017.

Noms d’oiseaux

Stéfanie Clermont, le Jeu de la musique, 2017, couverture

Elles ont des patronymes d’oiseaux : Sabrina Cormoran, Céline Milan, Julie Grive. Elles ont été adolescentes ensemble à Ottawa. Leurs chemins se sont séparés, puis ils se recroisent. Elles ont des amis (Vincent, qui se suicide, Kat, Tahar, Estella, Jess) et des amants, dont l’identité sexuelle n’est pas toujours arrêtée («Tu disparais sous le poids de ton amour pour quelqu’un qui n’a plus de sexe […]», p. 299). Elles sont nourries de culture populaire (chanson, cinéma, télé, Internet). Seules ou ensemble, elles apparaissent dans la plupart des nouvelles du recueil le Jeu de la musique de Stéfanie Clermont (2017), souvent dans des moments de crise.

Comme presque tous les autres personnages — à l’exception de quelques enfants, et des parents de Céline, Vivianne et Pierre —, elles sont dans un entre-deux, jamais tout à fait ici ni parfaitement là : «Elle guette les occasions de commencer à vivre “vraiment”, qui ne viennent pas» (p. 83); «Tu attends que quelqu’un vienne te chercher» (p. 101); «Mon seul souvenir du temps, c’est : j’aurais pu» (p. 262). Leur monde est plein de souffrances et de violences : verbale, physique, sexuelle, sociale, raciale, politique.

Qu’elles soient brèves (la parfaite «L’enfant» [p. 96] fait cinq lignes) ou longues, les nouvelles de Stéfanie Clermont sont dures, à l’avenant.

 

Référence

Clermont, Stéfanie, le Jeu de la musique. Nouvelles, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 15, 2017, 340 p.

Le siège de l’excitation

François Blais, Vie d’Anne-Sophie Bonenfant, 2009, couverture

Soit la phrase suivante, tirée de la Presse+ du jour : «Le 9-0 ne m’excite pas le poil des jambes.» L’homme de hockey qui s’exprime ainsi affirme que la victoire écrasante de son équipe ne le pousse pas à plastronner. Il ne se laissera pas emporter par elle, il ne va pas s’énerver pour si peu.

Exemple romanesque, chez le François Blais de Vie d’Anne-Sophie Bonenfant (2009) : «Et George Sand, qu’avait-elle à s’exciter tant que ça le poil des jambes ?» (p. 178)

Si tant est que l’excitation y réside, les jambes et leurs poils seraient à considérer avec détachement, voire avec méfiance.

P.-S.—À défaut de se l’exciter, on pourrait se l’énerver, dixit le Trésor des expressions populaires de Pierre DesRuisseaux (éd. de 2015, p. 254).

P.-P.-S.—D’autres poils ? Ici.

 

Références

Blais, François, Vie d’Anne-Sophie Bonenfant. Roman, Québec, L’instant même, 2009, 241 p.

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015, 380 p. Nouvelle édition revue et augmentée.

Accouplements 103

Eckhart Tolle, The Power of Now, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Promis juré : jusqu’à hier soir, l’Oreille tendue ne connaissait pas le nom d’Eckhart Tolle.

Hier soir, donc, elle lisait la nouvelle «Emploi-Québec» de Stéfanie Clermont (2017). Elle y trouve les phrases suivantes : «Dan était allé s’asseoir à l’autre bout de la pièce et avait sorti son livre, dont j’ai reconnu la couverture. C’était The Power of Now d’Eckhart Tolle. Pauvre Dan» (p. 136).

Ce matin, recevant ses Notules hebdomadaires, elle tombe sur ceci : «Épinal – Châtel-Nomexy (et retour). Eckhart Tolle, Le Pouvoir du moment présent : Guide d’éveil spirituel, J’ai lu, 2010.» (Les Notules ? Initiation par ici.)

L’Oreille vient d’apprendre quelque chose (après tout le monde, manifestement). Elle ne croit pas qu’elle lira pour autant cet auteur.

P.-S.—L’Oreille tendue a présenté le Jeu de la musique le 27 décembre 2017.

 

Référence

Clermont, Stéphanie, le Jeu de la musique. Nouvelles, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 15, 2017, 340 p.