Le jack, en ses deux espèces

Hector Berthelot, les Mystères de Montréal, éd. de 2013, couverture

Le jack québécois connaît principalement deux incarnations.

La première est liée à la taille : «Ce grand Jack de Cléophas est dans les secrets du monsieur qui est mort à Ste. Thérèse» (les Mystères de Montréal, p. 200).

La seconde, à la bonté, à la gentillesse : «Quand tu vois son apparence, quand tu l’entends parler, puis quand tu vois les sujets qu’il aborde, tout s’aligne avec l’image d’un bon jack québécois» (la Presse+, 9 septembre 2024).

L’une n’empêche pas l’autre.

 

Référence

Berthelot, Hector, les Mystères de Montréal par M. Ladébauche. Roman de mœurs, Québec, Nota bene, coll. «Poche», 34, 2013, 292 p. Ill. Texte établi et annoté par Micheline Cambron. Préface de Gilles Marcotte.

Ne pas visualiser svp, bis

François Blais, Vie d’Anne-Sophie Bonenfant, 2009, couverture

Un chroniqueur politique québécois au style bigarré écrivait cette semaine cette phrase :

Moi, je crois à ça, et ça me semble tellement plus durable que l’entreprise étrangère subventionnée qui nous fait souvent dans les mains en se maudissant des impacts pour notre monde.

Faire dans les mains, donc. Nous avons croisé cette expression il y a plusieurs lustres; voir ici.

François Blais n’a pas de ces délicatesses, qui écrit, dans Vie d’Anne-Sophie Bonenfant, «chier dans les mains» (p. 229).

Voilà qui est plus clair.

P.-S.—Pourquoi «Ne pas visualiser svp, bis» ? Parce que.

 

Référence

Blais, François, Vie d’Anne-Sophie Bonenfant. Roman, Québec, L’instant même, 2009, 241 p.

Le zeugme du dimanche matin et d’Horace Brown

Whispering City, éd. de 2023, couverture

«As he stood outside Michel Lacoste’s apartment, listening, the thought seemed to him thin and insubstantial. His breathing was even more rapid than he remembered it from those horrible moments a score of years ago, when his friend’s face had turned to him in surprised and pleading terror and then when the roar of the [Montmorency] Falls had blotted out all reason and the falling scream had seemed natural, part of the wild landscape and of the ordered scheme of things. His pulse raced beyond normal.»

Whispering City. A Study in Suspense, Montréal, Véhicule Press, A Ricochet Book, 2023, 161 p., p. 73. Adapted by Horace Brown from the Quebec Productions’ Film based on an original story by George Zuckerman and Michael Lennox. Introduction de Brian Busby. Édition originale : 1947.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

L’oreille tendue de… Henning Mankell

Henning Mankell, Meurtriers sans visage, éd. de 2003, couverture

«Il tend l’oreille dans le noir et soudain il est parfaitement conscient.

Il y a quelque chose qui a changé. Quelque chose n’est plus comme d’habitude.

Il étend prudemment la main jusqu’à toucher le visage de sa femme. Du bout des doigts, il sent la chaleur de son corps. Ce n’est donc pas elle qui est morte. Aucun des deux n’a encore laissé l’autre seul.

Il tend l’oreille dans le noir.»

Henning Mankell, Meurtriers sans visage. Roman, Paris, Christian Bourgois éditeur, coll. «Points», P1122, 2003, 385 p., p. 12. Édition originale : 1991. Traduction de Philippe Bouquet.

L’art de bien commencer

Marcello Vitali-Rosati, Éloge du bug, 2024, couverture

À une époque pas trop lointaine, Marcello Vitali-Rosati et l’Oreille tendue étaient collègues. Ils sont néanmoins restés amis.

Le premier vient de faire paraître le livre Éloge du bug. Être libre à l’époque du numérique; la seconde le lit avec avidité et bonheur.

L’ex-jeune collègue de l’Oreille est doué pour les entrées en matière. Deux exemples :

«Un matin au réveil, attrapant machinalement son iPhone posé sur la table de chevet, Gregor Samsa constata que son téléphone s’était métamorphosé en un infâme appareil plein de bugs» (chapitre «Il faut que ça marche»).

«Un soir de l’année 416 avant J.-C., Socrate se met sur son trente-et-un pour se rendre à une fête. Lui qui, habituellement, va toujours nu-pieds et n’est jamais soucieux de son apparence, est propre, bien habillé et chausse même des sandales» (chapitre «Le monde des bugs»).

Joli !

P.-S.—Vous avez bonne mémoire : l’Oreille a déjà rêvé de donner un cours sur l’art de l’incipit.

 

Référence

Vitali-Rosati, Marcello, Éloge du bug. Être libre à l’époque du numérique, Paris, Éditions Zones, 2024, 208 p. PapierHTMLPDF