Les zeugmes du dimanche matin et de Jo Nesbø

Jo Nesbø, le Bonhomme de neige, 2008, couverture

«Harry s’installa au volant, dans le garage de l’Institut d’anatomie. Ferma la portière et les yeux, et essaya de penser de façon claire» (p. 530).

«Harry raccrocha et donna un tour de clé de contact tout en appelant Magnus Skarre de l’autre main. Skarre et le moteur répondirent presque simultanément» (p. 532).

Jo Nesbø, le Bonhomme de neige. Une enquête de l’inspecteur Harry Hole, Paris, Gallimard, coll. «Folio policier», 575, 2008, 583 p. Traduction d’Alex Fouillet. Édition originale : 2007.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Citation «sportive» du jour

Jo Nesbø, le Bonhomme de neige, 2008, couverture

«Il aimait bien le curling. L’aspect méditatif que procure la vision de la course lente de la pierre qui se meut dans un univers en apparence privé de frictions, comme l’un des vaisseaux spatiaux de l’Odyssée de Kubrick, accompagnée non pas de Johann Strauss, mais du grondement doux de la pierre et du grincement frénétique des balais.»

Jo Nesbø, le Bonhomme de neige. Une enquête de l’inspecteur Harry Hole, Paris, Gallimard, coll. «Folio policier», 575, 2008, 583 p., p. 216. Traduction d’Alex Fouillet. Édition originale : 2007.

Rien de tel qu’un livreur fiable

Camion de déménagment d’IKEA

Vous faites ce qui est attendu de vous ? Vous tenez parole ? Vous ne vous défilez pas ? Alors, vous livrez la marchandise.

«Christine St-Pierre estime avoir “livré la marchandise”» (la Presse, 19 juin 2009, cahier Arts et spectacles, p. 7).

«Le Rocker Dany Kane avait touché le gros lot avec la SQ mais s’est suicidé avant de livrer la marchandise» (le Devoir, 15 mai 2002).

Les politiques québécois, par exemple François Legault, raffolent de l’expression. Cet «emprunt phraséologique» à l’anglais (to deliver the goods) plaisait aussi, en 1997, aux journalistes du Devoir, note Marie-Éva de Villers dans le Vif Désir de durer (p. 284 et p. 286), eux qui le préféraient très largement à tenir ses promesses, tenir parole et tenir ses engagements.

Au Québec, l’expression ne s’emploie qu’au singulier. Le traducteur en français de l’auteur de romans policiers Jo Nesbø est moins catégorique : «Il avait “livré les marchandises”, comme ils disaient» (p. 36).

 

Références

Nesbø, Jo, le Sauveur. Une enquête de l’inspecteur Harry Hole, Paris, Gallimard, coll. «Folio policier», 552, 2012, 669 p. Traduction d’Alex Fouillet. Édition originale : 2005.

Villers, Marie-Éva de, le Vif Désir de durer. Illustration de la norme réelle du français québécois, Montréal, Québec Amérique, 2005, 347 p. Ill.

Marie-Éva de Villers, le Vif Désir de durer, 2005, couverture

Un centenaire inutile

Patricia Pitcher, Artistes, artisans et technocrates dans nos organisations, 1994, couverture

Soit les deux phrases suivantes.

«Jamais, pas même dans cent ans» (Artistes, artisans et technocrates dans nos organisations).

«Jamais dans cent ans !» (Sauvetage en forêt, p. 23)

Dans cent ans ? Au Québec, la durée de l’impossibilité.

 

[Complément du 1er décembre 2021]

«Cent ans» a au moins 68 ans :

— Alors, vous avez dû en voir des choses depuis ce temps ? Dans un endroit comme celui-là, vous ne devez pas vous ennuyer.
— Jamais dans cent ans. On a des bons «shows» des fois (Meurtre au Forum, 1953, p. 23).

 

Références

MacGregor, Roy, Sauvetage en forêt, Montréal, Boréal, coll. «Carcajous», 16, 2012, 164 p. Traduction de Marie-Josée Brière. Édition originale : 2003.

Pitcher, Patricia, Artistes, artisans et technocrates dans nos organisations. Rêves, réalités et illusions du leadership, Montréal, Québec/Amérique, coll. «Presses HEC», 1994, 261 p. Ill. Traduction de Jean-Pierre Fournier. Préface de Henry Mintzberg.

Verchères, Paul [pseudonyme d’Alexandre Huot ?], Meurtre au hockey, Montréal, Éditions Police journal, coll. «Les exploits policiers du Domino Noir», 300, [1953], 32 p.

Le sens de l’histoire ?

Soit une banderole et des pancartes.

L’une était visible à Toronto le 23 novembre dernier pendant le match de championnat du football universitaire canadien entre les Marauders de l’Université McMaster et le Rouge et Or de l’Université Laval.

Le français à la coupe Vanier

Les autres étaient évoquées par André Belleau, en 1981, dans «Parle(r)(z) de la France» : «Il ne faut pas oublier qu’il existe au Canada un courant de haine envers nous (il y a plusieurs courants au Canada) qui se nourrit de la conviction que nous avons quelque chose de français. Lors de la guérilla linguistique à Saint-Léonard [en 1969], un groupe d’anglophones marcha sur Ottawa. Ils furent reçus par le ministre Gérard Pelletier. Une photo en page trois de la Presse le montrait souriant, détendu, devant des porteurs de pancartes dont l’une, au tout premier plan, disait : “NO FLOWERY FRENCH, ENGLISH THE LANGUAGE OF MEN !” Le français, notre langue, une langue de tapette…» (éd. de 1986, p. 35-36).

Qui a dit qu’on n’arrêtait pas le progrès ?

 

Référence

Belleau, André, «Parle (r)(z) la France», Liberté, 138 (23, 6), novembre-décembre 1981, p. 29-34; repris, sous le titre «Parle(r)(z) la France», dans Y a-t-il un intellectuel dans la salle ? Essais, Montréal, Primeur, coll. «L’échiquier», 1984, p. 45-47; repris, sous le titre «Parle(r)(z) de la France», dans Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1986, p. 33-38; repris, sous le titre «Parle(r)(z) de la France», dans Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 286, 2016, p. 33-38. https://id.erudit.org/iderudit/60322ac