Divergences transatlantiques 073

«Crachoir en porcelaine à décor, avec un trou au centre du couvercle en forme de large entonnoir et une ouverture latérale pour le vider»

Parlons, si vous le voulez bien, crachoir.

Selon le Petit Robert (édition numérique de 2018), on le tiendrait, tenir le crachoir signifiant «parler sans arrêt». (Voir ici un exemple chez Jean-Bernard Pouy.)

Au Québec, il arrive qu’on le prenne : «Je ne me souviens d’aucun grand discours, cette journée-là, seulement la prise de parole, à tour de rôle et sans micro, de femmes suffisamment décomplexées pour prendre le crachoir» (Au Québec, c’est comme ça qu’on vit, p. 34). Dans cet exemple, il s’agit moins de parler sans arrêt que de prendre la parole.

C’est comme ça.

Illustration : «Crachoir en porcelaine à décor, avec un trou au centre du couvercle en forme de large entonnoir et une ouverture latérale pour le vider», photo déposée sur Wikimedia Commons

 

[Complément du 29 janvier 2024]

Au sens premier, le crachoir est un «Petit récipient muni d’un couvercle dans lequel on peut cracher» (le Petit Robert, édition numérique de 2018). Au Québec, le couvercle était facultatif. C’était le cas chez le grand-père paternel de l’Oreille tendue, qui en garde un souvenir peu ragoûtant : pas de couvercle. C’est aussi le cas dans cette photo probablement prise à l’Hôtel du Canada de Berthierville (merci à l’Ahuntsicoise qui l’a envoyée à l’Oreille). On notera l’avis hygiénique sans équivoque : «Cracher à terre c’est attenter à la vie d’autrui.» C’est noté.

Intérieur de l’Hôtel du Canada, Berthierville, sans date

 

[Complément du 12 juillet 2024]

Le traducteur Éric Boury, dans le Roi et l’horloger, propose «boîte crachats» (p. 112).

 

Références

Indridason, Arnaldur, le Roi et l’horloger, Paris, Métailié, coll. «Bibliothèque nordique», 2023, 315 p. Traduction d’Éric Boury. Édition originale : 2021.

Pelletier, Francine, Au Québec, c’est comme ça qu’on vit. La montée du nationalisme identitaire, Montréal, Lux éditeur, 2023, 213 p.

L’oreille tendue de… Jean-Christophe Réhel

Jean-Christophe Réhel, la Blague du siècle, 2023, couverture

«Guillaume est obnubilé par l’intérieur du frigo. Il murmure des choses incompréhensibles. Je lui tapote le dos pour essayer de le faire décrocher, mais son attention reste braquée sur le frigidaire. Il finit par se retourner vers moi :

— Je comprends pas ce qu’il me dit.

What the fuck ?

— De quoi tu parles ?

— T’entends pas ?

Je tends l’oreille vers la porte ouverte du frigidaire.

— Ben… c’est le compresseur du frigo ?

Gui désapprouve de la tête.»

Jean-Christophe Réhel, la Blague du siècle. Roman, Montréal, Del Busso éditeur, 2023, 246 p., p. 106.

Accouplements 217

Simon Brousseau, Chaque blessure est une promesse, 2023, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Thériault, William, «UFC. Charles Jourdain, gladiateur stoïque», la Presse+, 3 octobre 2023.

«Le natif de Belœil y voit une manifestation de stoïcisme, courant philosophique voulant qu’on accorde de l’importance seulement aux choses qu’on contrôle, et auquel il s’identifie fortement.»

Brousseau, Simon, Chaque blessure est une promesse, Montréal, Héliotrope, 2023, 209 p.

«Depuis quelques années, je m’intéresse aux philosophes de l’Antiquité, aux stoïciens en particulier. Une des idées-clés du stoïcisme qui m’attire est la distinction qu’on y fait entre ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous. Cette distinction mène les stoïciens à se concentrer sur les aspects de l’existence sur lesquels ils ont prise» (p. 49).

Autoportrait par personne interposée

Simon Brousseau, Chaque blessure est une promesse, 2023, couverture

«Mon père, je lui ressemble beaucoup. J’ai son impatience, son désir de garder le contrôle, le même œil de feu dans la conversation. Comme lui, je sacre de manière ostentatoire quand j’installe un plafonnier ou quand je répare un robinet. J’aime faire un spectacle de mes moindres contrariétés et je ne triomphe qu’après avoir longtemps bougonné, ce qui laisse souvent croire à Laurence que je me trouve dans une situation catastrophique alors qu’en réalité mon seul ennemi est un boulon récalcitrant.»

Simon Brousseau, Chaque blessure est une promesse, Montréal, Héliotrope, 2023, 209 p., p. 30.