Réédition du jour

Élisabeth Bourguinat, Persifler au Siècle des lumières, 2016, couverture

 

En 1999, dans les pages de la revue savante Eigteenth-Century Fiction, l’Oreille tendue disait tout le bien qu’elle pensait de l’ouvrage d’Élisabeth Bourguinat le Siècle du persiflage (1998). Cet ouvrage était tiré de la thèse de doctorat de l’auteure (1995).

Extraits du compte rendu :

Le Siècle du persiflage est de ces ouvrages qui changent la façon commune de lire. Au sortir de sa lecture, l’on voit en effet le mot persiflage partout dans les œuvres du XVIIIe siècle et l’on ne peut cesser de s’interroger sur ses sens multiples !

[…]

Par son attention aux écrits mineurs comme aux grandes œuvres, par sa capacité à lier explication de texte et regard panoramique, par la nouveauté de ses hypothèses, par la précision de sa langue, par la fécondité des problèmes qu’elle soulève, par la qualité de sa documentation, par son attention à la moindre inflexion lexicale, Élisabeth Bourguinat mérite non seulement d’être lue, mais d’être contestée, interrogée, prolongée. C’est le signe d’un ouvrage stimulant et nécessaire.

Quelques mois plus tard, l’Oreille apprenait qu’Élisabeth Bourguinat avait mis fin à sa carrière universitaire (voir ici le texte d’une conférence de 2000 dans laquelle l’Oreille revient sur cet ouvrage «witty as hell»).

Bonne nouvelle au courrier d’aujourd’hui : l’ouvrage reparaît, chez Créaphis, avec une préface d’Arlette Farge.

Vous devriez le lire.

 

Références

Bourguinat, Élisabeth, «Le persiflage dans la littérature française du XVIIIe siècle (1735-1810) : modernité d’un néologisme», Paris, Université de Paris IV-Sorbonne, thèse de nouveau doctorat, 1995. Dir. : Jean Dagen

Bourguinat, Élisabeth, le Siècle du persiflage. 1734-1789, Paris, Presses universitaires de France, coll. «Perspectives littéraires», 1998, 228 p.

Bourguinat, Élisabeth, Persifler au Siècle des lumières. Histoire du mot «persiflage» 1734-1789, Garne, Créaphis, coll. «Poche», 2016, 320 p. Préface d’Arlette Farge. Édition originale : 1998.

Melançon, Benoît, compte rendu d’Élisabeth Bourguinat, le Siècle du persiflage. 1734-1789 (Paris, Presses universitaires de France, coll. «Perspectives littéraires», 1998, 228 p.), Eighteenth-Century Fiction, 11, 4, juillet 1999, p. 511-514.

Melançon, Benoît, «I’d Love to be Thrilled. The Current State of Eighteenth-Century French Studies», conférence présentée devant le Eighteenth-Century Studies Group, University of Saskatchewan, Saskatoon, 9 mars 2000. http://www.mapageweb.umontreal.ca/melancon/saskatoon2000.html

Accouplements 47

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Louis Sébastien Mercier, dans le chapitre «Cheminées» de son fabuleux Tableau de Paris (vol. 10, texte 837), écrit ce qui suit :

On place volontiers sur nos cheminées, en petits bustes de bronze ou de plâtre doré, les têtes de Voltaire et de J.-J. Rousseau; mais Jeannot et Préville [deux acteurs] ont obtenu le même honneur. La fantaisie de nos sculpteurs célébrise telle ou telle tête. Les bustes des princes trouvent moins d’acheteurs qu’autrefois; on préfère les têtes pensantes (éd. de 1994, tome II, p. 991).

Dans les années 1950, un amateur a décidé de représenter deux joueurs de hockey, le gardien de but Turk Broda des Maple Leafs de Toronto et l’ailier droit Maurice Richard des Canadiens de Montréal, sur un jeu de salière / poivrière. C’est du moins ce qu’avance un marchand sur eBay (il est vrai qu’il n’est pas tout à fait sûr de l’identité des joueurs représentés).

Salière et poivrière, années 1950 (?), représentant Turk Broda et Maurice Richard

Chaque époque — chaque société — choisit ses idoles.

 

P.-S. — Ce n’est pas la première fois que l’Oreille cite le texte de Mercier.

P.-P.-S. — Par ailleurs, elle a beaucoup travaillé sur la présence de Maurice «Rocket» Richard dans la culture matérielle québécoise et canadienne dans un livre qu’elle a publié en 2006.

 

Références

Melançon, Benoît, les Yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle, Montréal, Fides, 2006, 279 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Nouvelle édition, revue et augmentée : Montréal, Fides, 2008, 312 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Préface d’Antoine Del Busso. Traduction : The Rocket. A Cultural History of Maurice Richard, Vancouver, Toronto et Berkeley, Greystone Books, D&M Publishers Inc., 2009, 304 p. 26 illustrations en couleurs; 27 illustrations en noir et blanc. Traduction de Fred A. Reed. Préface de Roy MacGregor. Postface de Jean Béliveau. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2012, 312 p. 42 illustrations en noir et blanc. Préface de Guylaine Girard.

Mercier, Louis Sébastien, Tableau de Paris, Paris, Mercure de France, coll. «Librairie du Bicentenaire de la Révolution française», 1994, 2 vol. : 8/ccii/1908 et 2063 p. Édition établie sous la direction de Jean-Claude Bonnet. Édition originale : 1781-1788.

Les Yeux de Maurice Richard, édition de 2012, couverture

Accouplements 46

Marquis de Bièvre, Calembours et autres jeux sur les mots d’esprit, éd. 2000, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Le marquis de Bièvre connut brièvement la gloire au XVIIIe siècle pour son art du calembour. Exemple, tiré des Bièvriana éditées par Antoine de Baecque en 2000 :

Il avait fait planter six ifs dans un bosquet de son jardin, pour y faire prendre le café aux dames qui dînaient chez lui. Là, il leur disait : Mesdames, entendez-le comme vous voudrez, mais voici l’endroit décisif (des six ifs) (p. 127).

Dans la livraison du 13 mars 2016 de l’émission Des Papous dans la tête de France Culture («Les Papous fêtent la francophonie»), un roman interactif a été présenté. Extrait du chapitre rédigé par Lucas Fournier :

— Capitaine, capitaine, nous voici à l’endroit décisif.
— Décisif ? Mais qu’est-ce que vous me chantez là, Marius ? Je vois qu’un If, le nôtre, le château d’If.
— Décisif, parce que nous somme en panne d’essence, insiste Marius.

P.-S. — C’est notamment du marquis de Bièvre que s’est inspiré Patrice Leconte dans le film Ridicule (1996).

P.-P.-S. — Dominique Muller, dans le chapitre qui suit celui de Lucas Fournier, évoque Julie de Lespinasse. C’est une autre histoire.

 

Référence

Bièvre, François-Georges Maréchal, marquis de, Calembours et autres jeux sur les mots d’esprit, Paris, Payot & Rivages, 2000, 155 p. Édition établie et présentée par Antoine de Baecque.