Autopromotion 278

Cahiers Voltaire, 15, 2016, couverture

Depuis plusieurs années, l’Oreille tendue collabore aux Cahiers Voltaire, la revue annuelle de la Société Voltaire. Le numéro 15 a paru à l’automne 2016 (ISSN : 1637-4096; ISBN : 978-2-84559-125-7). Ci-dessous, sa table des matières.

Duranton, Henri, «Voltaire 1711-1722 ou les tribulations d’un jeune poète pressé», p. 7-33.

Jacob, François et Justine Mangeant, «Zaïre, actes II (fin) et III : un manuscrit oublié. Présentation, établissement du texte et notes», p. 35-64.

Speranskaya, Natalia, «Les armoiries de Voltaire : marque de noblesse ?», p. 65-82.

Géhanne Gavoty, Stéphanie et Ulla Kölving, «Les lettres de Voltaire à Damilaville : état des lieux», p. 83-119.

Sager, Alain, «Voltaire et l’abbé de Tilladet : la vérité au miroir d’un pseudonyme», p. 121-136.

Lesage, Vincent, «Entre art et religion : l’imagination chez Voltaire, de l’Encyclopédie aux Questions sur l’Encyclopédie», p. 137-151.

Goldzink, Jean, «L’Histoire de Jenni : quel bilan ?», p. 154-158.

Sager, Alain, «L’Histoire de Jenni : un conte pré-kantien, stimulant et réussi», p. 159-165.

Morel, Nicolas, «Œdipe de Voltaire, après Voltaire : Flaubert à l’œuvre», p. 166-204.

«Voltaire face à sa propre mort (III). Coordonné par Marc Hersant», p. 207-239 : Julien Métais, «Voltaire et la pensée de la mort»; Dominique Triaire, «Voltaire est mort le 9 janvier 1754»; Jean Goldzink, «Mourir pour rire : Voltaire devant sa mort au tome dernier de la correspondance»; Alain Sandrier, «Voltaire mangé des vers»; Stéphanie Géhanne Gavoty, «Vivant jusqu’à la mort».

«Sur la réception de Candide (XIV). Coordonnée par Stéphanie Géhanne Gavoty», p. 243-263. Contributions de Stéphanie Géhanne Gavoty, Benoît Melançon, Abderhaman Messaoudi et Alain Sager.

Pascal, Jean-Noël, «Relectures. Apprendre la rhétorique et la poétique avec Voltaire : de Gaillard à Johanneau (1745-1828)», p. 267-274.

Candaux, Jean-Daniel, Ulla Kölving et Andrew Brown, «Manuscrits en vente en 2015», p. 275-286.

Kölving, Ulla, «Bibliographie voltairienne 2015», p. 287-300.

«Thèses», p. 301-307. Section coordonnée par Stéphanie Géhanne Gavoty. Contributions d’Aurore Chéry, Justine Mangeant, Nicolas Morel et Marie-Liesse Pierre-Dulau.

 

[Complément du 18 janvier 2025]

La contribution de l’Oreille tendue, en PDF, se trouve ici.

Faire entendre des voix

Laurent Binet, la Septième Fonction du langage, 2016, couverture

«Épistémè, mon cul.»

Dire de la Septième Fonction du langage, le roman de Laurent Binet (2015), qu’il est irrévérencieux relève de la litote. Peu des personnalités françaises des années 1970-1980 y survivent (littéralement et dans tous les sens). François Mitterrand, Michel Foucault, Roland Barthes, Jacques Derrida, Louis Althusser, Philippe Sollers (aïe !), Julia Kristeva (ouille !) : tout le monde en prend pour son grade. Et il n’y a pas qu’eux.

Dire de la Septième Fonction du langage qu’il s’agit d’un roman policier sans rebondissements relèverait de la plus mauvaise foi. Prenons ce résumé partiel (il reste alors 150 pages à lire) :

À Bologne, [Simon Herzog] couche avec Bianca dans un amphithéâtre du XVIIe et il échappe à un attentat à la bombe. Ici [à Ithaca, New York], il manque de se faire poignarder dans une bibliothèque de nuit par un philosophe du langage [John Searle] et il assiste à une scène de levrette plus ou moins mythologique sur une photocopieuse. Il a rencontré Giscard à l’Élysée, a croisé Foucault dans un sauna gay, a participé à une poursuite en voiture à l’issue de laquelle il a été victime d’une tentative d’assassinat, a vu un homme en tuer un autre avec un parapluie empoisonné, a découvert une société secrète [le Logos Club] où l’on coupe les doigts des perdants, a traversé l’Atlantique pour récupérer un mystérieux document. Il a vécu en quelques mois plus d’événements extraordinaires qu’il n’aurait pensé en vivre durant toute son existence. Simon sait reconnaître du romanesque quand il en rencontre. Il repense aux surnuméraires d’Umberto Eco. Il tire sur le joint (éd. de 2016, p. 329).

Dire de la Septième Fonction du langage qu’il est insensible à la diversité linguistique serait mentir. Voilà un roman où l’on parle bien sûr français, mais aussi russe, italien et anglais. Surtout, le romancier ne cesse de tendre l’oreille aux accents et à la prononciation des uns et des autres («D’où vient cet accent ?», p. 16).

On reconnaît les Bulgares — surtout les Bulgares — à leur façon de rouler les r, mais c’est aussi vrai des Russes; bref, attention aux slaves (p. 16-17, p. 56). Jean-Edern Hallier a «l’accent typique des aristocrates ou des grands bourgeois qui confine au défaut de prononciation» (p. 58). Aux Bains Diderot (p. 56-65), Simon Herzog a beaucoup de mal à retrouver un des amants de Michel Foucault, dont il ne connaît que l’accent, mais il va y arriver, quand il entendra : «Tu es gentil, Michel, et tu as uneu belleu queue, con !» (p. 64) Roland Barthes a une «voix de basse», à la Philippe Noiret (p. 68, p. 99). Valéry Giscard d’Estaing est l’homme «au parler chuintant» (p. 81), mais «Personne n’a, à ma connaissance, relevé que le fameux chuintement de Giscard s’accentuait dans les situations de gêne ou de plaisir» (p. 144-145). (Précision, plus loin : «chuintement de hobereau de province», p. 439-440.) Foucault a une voix «nasillarde comme les voix de l’ancien temps» (p. 92). Il suffit de prêter l’oreille pour savoir qu’un tel est de New York (p. 156), tel autre des Pouilles (p. 229), une dernière du Midwest (p. 352). À un moment, on «croit distinguer un accent anglais» (p. 176). Umberto Eco a un accent italien quand il parle anglais (p. 251).

Inversement, bien sûr, certain personnage «intervient, en français, sans accent» (p. 218). Ou encore : Simon «ne détecte aucun accent» (p. 345).

Tout cela, ce sont des signes.

Dans ce roman sur la sémiologie — «La sémiologie est un truc étrange» (p. 14) —, l’attention aux sons et le souci de les interpréter sont omniprésents. Ce n’est pas la seule raison pourquoi il faut le lire.

P.-S. — La «septième fonction du langage» ? L’arme rhétorique par excellence.

 

Référence

Binet, Laurent, la Septième Fonction du langage. Roman, Paris, Librairie générale française, coll. «Le Livre de poche», 34256, 2016, 477 p. Édition originale : 2015.

Accouplements 79

Georges Dufaux et Jacques Godbout, Pour quelques arpents de neige…, film, 1962

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Ce tweet, au hasard :

Au début des années 1960, les choses étaient bien différentes. À la quinzième minute de leur «reportage» intitulé Pour quelques arpents de neige… (Office national du film, 1962), Georges Dufaux et Jacques Godbout interrogent un père et sa fille qui ont quitté Alep pour s’établir au Canada. Leur optimisme contraste douloureusement avec la situation actuelle. (On peut voir le film ici.)

P.-S. — Outre son titre, emprunté au début du vingt-troisième chapitre de Candide, le film ne fait qu’une allusion à ce conte de Voltaire : d’Halifax, l’immigrant «prendra le train pour traverser les quelques arpents de neige de son nouveau pays».

 

[Complément du 25 janvier 2023]