Autopromotion 211

Virtuoso, Atelier du 4 décembre 2015, affiche

Ce vendredi, le 4 décembre, l’Oreille tendue sera présente à l’atelier ci-dessous. Il s’agit d’une activité publique.

Comment penser le document aujourd’hui ?
Centre Virtuoso sur les usages, cultures et documents numériques
Université de Montréal

Dans notre monde contemporain, il nous arrive souvent de nous plaindre de l’inflation documentaire, et même sur notre écran c’est encore dans un fichier d’ensemble intitulé «documents» que nous rangeons nos multiples investigations. Encore faudrait-il savoir ce que c’est exactement qu’un document.

Maurizio Ferraris lui a donné une extension ontologique remarquable en examinant comment les existences sociales apparaissent à la surface des documents qu’elles sédimentent. Mais dans la pratique des historiens, des documentalistes, des bibliothécaires, des spécialistes du documentaire, des théoriciens de la culture numérique, comment apparaissent les documents eux-mêmes et quels usages en sont faits ?

Cet atelier de réflexion vise à réunir des chercheurs de ces différentes disciplines pour creuser en commun cette question.

9 h 30-11 h
Président de séance : Benoît Melançon (Université de Montréal, Littératures de langue française)

Pascal Bastien (Université du Québec à Montréal, Histoire)
Lyne Da Sylva (Université de Montréal, Sciences de l’information)
Marion Froger (Université de Montréal, Cinéma)

11 h 30-13 h
Président de séance : Michaël E. Sinatra (Université de Montréal, Littératures et langues du monde)

Anne Klein (Université Laval, Archivistique)
Christian Nadeau (Université de Montréal, Philosophie)
Rémy Besson (Université de Montréal, CRIalt)

14 h-16 h
Président de séance : Philippe Despoix (Université de Montréal, Littératures et langues du monde)

Laurent Turcot (Université du Québec à Trois-Rivières, Histoire)
Thierry Bardini (Université de Montréal, Communication)
Marcello Vitali-Rosati (Université de Montréal, Littératures de langue française)
Éric Méchoulan (Université de Montréal, Littératures de langue française)

Vraiment ?

À chacun sa vanité : l’Oreille tendue aime se vanter de ne jamais avoir utilisé de binettes (de smileys) en plus de vingt-cinq ans de courriel. Elle n’a pas non plus l’intention de se mettre à l’emoji, même si l’Oxford Dictionary vient d’en faire son «mot de l’année 2015».

Dans le quotidien le Devoir, le journaliste Fabien Deglise abordait la question hier. Dans «Rester sans mot», il manifestait son inquiétude :

À l’image de l’arbre qui tombe sans faire de bruit lorsque personne n’est présent pour l’entendre tomber, le mot meurt inéluctablement lorsqu’il arrête d’être quotidiennement utilisé. Une menace, à titre d’exemple, pour le vocabulaire exprimant la passion, l’amour ou cette chaleur intérieure qui consume au regard de l’autre et que l’avenir se prépare à résumer avec l’emoji symbolisant un cœur. Même chose pour la colère, l’indignation, la critique, la révolte, l’exaspération et ses nombreuses variantes qui, dans l’univers des emojis, tiennent en deux ou trois symboles. La raillerie, le rire, l’émerveillement aussi. Bref, cette communication par l’image, en exposant avec arrogance son efficacité, trace sans doute les contours d’un vaste cimetière vers lequel un nombre vertigineux de mots pourrait accélérer leur voyage final (p. B3).

On peut ne pas être d’accord avec cette affirmation.

Plein de mots qui ne sont pas «quotidiennement utilisés» ne sont pas morts («inéluctablement») pour autant; ils sont là quand nous en avons besoin; les dictionnaires en sont pleins. L’emoji, par définition, est une image : en quoi menacerait-il la langue orale, si tant est qu’il menace la langue écrite ? Où est-elle, cette «arrogance» supposée ? Une dernière chose : cette déperdition se fera «sans doute», écrit Fabien Deglise; on aimerait savoir sur quoi ce jugement est fondé. Depuis l’apparition des binettes, y a-t-il eu affaiblissement du vocabulaire, a-t-on perdu un «nombre vertigineux» de mots ? Si oui, où cela a-t-il été démontré ? Sinon, pourquoi craindre l’emoji ?

Accouplements 37

Plusieurs générations de disquettes

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux textes d’horizons éloignés.)

Sur son blogue, l’excellent @machinaecrire, informaticien de son état, a une série de textes rassemblés sous le titre «Passé simple». Le plus récent est «Le monde perdu». Il se termine ainsi :

Les montres numériques affichaient l’heure à l’aide de diodes électroluminescentes rouges. Je sauvegardais mes premiers programmes sur des cassettes quatre pistes. Je les écrivais en BASIC sur un ordinateur branché à une télé. J’ai connu de mon vivant plusieurs révolutions technologiques.

Comment, lisant cela, ne pas penser à l’Autobiographie des objets (2012) de l’ami François Bon ?

J’ai vu la fin de ce monde (p. 219).

L’année dernière, l’Oreille tendue publiait un article dans la revue Études françaises. On lui a demandé une note biobibliographique. On y lit ceci :

Dix-huitiémiste de formation, il travaille actuellement surtout sur les questions de langue au Québec et sur les rapports entre culture et sport. Son intérêt pour le numérique est ancien : il a utilisé au moins quatre formats de disquettes.

Nos objets, même disparus, nous définissent.

 

Références

Bon, François, Autobiographie des objets, Paris, Seuil, coll. «Fiction & Cie», 2012, 244 p.

Melançon, Benoît, «Éditer des revues savantes. Le point de vue des presses universitaires», Études françaises, 50, 3, 2014, p. 105-111. https://doi.org/10.7202/1027192ar

Décorons avec Ella

Meuble audio Ella Fitzgerald

C’était en 2013 : l’Oreille tendue consacrait une série de dix textes à Ella Fitzgerald, «Tombeau d’Ella». Depuis, elle se dit qu’elle devrait y revenir.

À défaut de le faire, elle pourrait revoir sa décoration intérieure. C’est le site Tom’s Style qui le lui fait penser : «“Ella” est le premier-né du mobilier Søbel créé par Digizik. Entre tradition et modernité, il s’agit d’un meuble audio vintage et connecté qui se veut un clin d’œil à la célèbre chanteuse Ella Fitzgerald.»

«Entre tradition et modernité» ? Un meuble «qui se veut» ? Ella ? L’Oreille n’en demandait pas tant.

 

[Complément du 8 octobre 2017]

Peut-on y brancher les écouteurs Ella ?

Écouteurs Ella, de chez Blue

Citation (assez) (bassement) intéressée du lundi matin

Nouveau projet, 08, automne-hiver 2015, couverture

«Dans un essai paru il y a quelques mois [Information Doesn’t Want to Be Free, 2014], le Torontois Cory Doctorow, auteur de science-fiction et militant notoire du domaine des nouvelles technologies, propose une lecture préoccupée mais non alarmiste des bouleversements actuels de l’industrie du divertissement et de leur impact sur les notions de droits d’auteur et de rémunération des créateurs. La position d’un libre penseur, clairvoyante pour les uns, suicidaire pour les autres, qui a le mérite de prendre les problèmes depuis leur base et de ne pas se cantonner dans les idées reçues. Information Doesn’t Want to Be Free, toujours pas traduit en français et dont le titre, si c’était le cas, serait L’information ne veut pas être gratuite, refuse le catastrophisme et se présente d’abord comme pédagogique

Tristan Malavoy, «Les mammifères et les pissenlits», Nouveau projet, 08, automne-hiver 2015, p. 135-139, p. 135-136. (Les caractères gras sont de l’Oreille tendue.)