Autopromotion 042

Wikipédia, logo, 9 juin 2021

L’Oreille tendue ne s’intéresse pas qu’à la langue. La preuve ?

Dans le cadre des Belles soirées de l’Université de Montréal, elle prononcera bientôt une conférence, le 20 septembre (à Longueuil), puis de nouveau le 29 octobre (à Laval), intitulée «Diderot : de l’Encyclopédie à Wikipédia».

Renseignements ici.

Langue de campagne (11)

Où la politique se fait-elle ?

Jean Charest (Parti libéral du Québec) est formel : ce n’est pas dans la rue.

D’autres se méfient des officines : des créatures de l’ombre y prendraient des décisions sans consulter qui que ce soit.

Tous ne s’entendent pas sur la place des médias dits «sociaux» dans la présente campagne électorale québécoise. Est-elle, ou bien pas, «2.0» ? Internet est-il le nouveau lieu du politique ?

En revanche, les assemblées de cuisine ont toujours la cote. Aller voir des gens chez eux, serrer des mains, répondre directement aux questions, embrasser (et pas seulement des bébés) : ça continue, comme dans le bon vieux temps.

Langue de campagne (10)

Du passé, on ne peut jamais faire complètement table rase. La campagne électorale qui se déroule actuellement au Québec le rappelle à tous les jours.

Nous vivons à l’ère du numérique ? On reproche pourtant aux politiciens de toujours répéter les mêmes discours, de laisser tourner la cassette, alors que la cassette n’a plus technologiquement cours. Ex. : «Sur le terrain, les gens de toutes tendances font le même constat : assez de la langue de bois, de la cassette et des promesses qui ne se réaliseront pas. Le moindre vox pop s’en fait l’écho» (le Devoir, 21 août 2012, p. A6).

Le Parti québécois, et notamment sa chef Pauline Marois, se complique inutilement la vie en se contredisant, ou en se faisant contredire, sur les référendums, la citoyenneté, les souverainistes conservateurs (cette liste n’est qu’indicative) ? C’est que le PQ est historiquement hanté par l’autopeluredebananisation. Patrick Lagacé le rappelle ici.

Vous n’êtes pas porté sur la faune nordique ? Peu importe : grâce au chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, il est de nouveau question sur toutes les tribunes des caribous, ces indépendantistes réputés purs et durs. Sur Twitter, Tristan Malavoy a d’ailleurs proposé de rebaptiser la CAQ : Caribou Attend le Québec.

Parodie de Tintin (Caribous !)Source : @lemotzuste

Qu’avait promis le Parti libéral de Jean Charest lors de son élection de 2003 ? La réingénierie de l’État. On croyait le mot disparu, explulsé des programmes, mais il revient périodiquement sous la plume des journalistes (le Devoir, 18-19 août 2012, p. B3; la Presse, 23 août 2012, p. A12).

Nous vivons entourés des mots du passé.

Autopromotion 040

La 4e Journée québécoise des dictionnaires se tiendra le 4 octobre 2012, à Montréal, sur le thème «Du papier au numérique : la mutation des dictionnaires».

L’Oreille tendue fait partie du Comité scientifique et organisateur, et elle vous invite à participer à cette journée.

On apprend tout ici.

Au «citoyen», citoyens !

(Hier, au micro de Franco Nuovo, l’Oreille tendue décernait ses Perroquets 2012. Parmi eux, en troisième place, citoyen.)

La manie n’est pas nouvelle.

Dès le 22 novembre 2005, Antoine Robitaille s’interrogeait sur l’utilisation de citoyen comme adjectif. Il publiait alors un article intitulé «“Citoyen” à toutes les sauces. Le terme est devenu un adjectif très “tendance”» (le Devoir, p. A1) dans lequel il notait que les péquistes (les membres du Parti québécois), à l’Assemblée nationale du Québec, étaient «les plus friands de l’adjectif», même s’il arrivait au premier ministre Jean Charest de l’utiliser. Citoyen est en effet fortement marqué à gauche (si tant est que le PQ soit un parti de gauche). Six ans plus tard, sur son blogue, Maux et mots de la politique, Robitaille reviendra sur le «délire citoyen».

La popularité de l’adjectif ne s’est en effet pas démentie. On parle de «mobilisation citoyenne», de «réponse citoyenne», de «démarche de réflexion citoyenne», de «participation citoyenne», d’«actions citoyennes», de «boycott citoyen», de «télé citoyenne», de «combat citoyen», d’«implication citoyenne», de «groupe citoyen» (le Devoir, 27 mars 2012, p. 1), de «débat citoyen» (le Devoir, 28-29 avril 2012, p. G5) et de «responsabilité citoyenne» (le Devoir, 17-18 mars 2012, p. B6). Un parti politique vient d’être reconnu, l’Union citoyenne du Québec; on ne sait s’il se réunira dans des «cafés citoyens». Avant lui, il y eut l’Option citoyenne, l’ancêtre de Québec solidaire. Selon Normand Baillargeon, il existerait des «mathématiques citoyennes» (Liliane est au lycée, Paris, Flammarion, 2011); c’est normal, puisque «L’école doit être citoyenne» (le Devoir, 28-29 avril 2012, p. G6). On pourrait d’ailleurs y aller en «voiture citoyenne» (le Devoir, 8 juin 2005, p. D2).

Comment expliquer que citoyen soit si présent dans la vie publique au Québec, qu’il ait éclipsé populaire ou civique ? Les grèves étudiantes du printemps et la campagne électorale à venir ne sont sûrement pas étrangères à ce succès : la fibre citoyenne vibre fort ces jours-ci.

Le phénomène n’est pas que québécois. En France, il est question d’«érudition citoyenne», de «foot citoyen», d’«hackerspaces citoyens», de «marche citoyenne» (Agence France-Presse, le Devoir, 19 mars 2012, p. A1). En 2010, Jean-Luc Mélenchon publiait Qu’ils s’en aillent tous ! Vite, la révolution citoyenne (Paris, J’ai lu). L’année précédente, Jean-Loup Chiflet classait citoyen parmi ses 99 mots et expressions à foutre à la poubelle (Paris, Seuil, coll. «Points. Le goût des mots», Hors série, inédit, P 2268, 122 p., p. 40).

Citoyen seul (avec le nom qu’il caractérise) est devenu banal. En combinaison, c’est mieux : «Comment la musique urbaine engagée contribue-t-elle à la participation citoyenne ?» s’interroge @slym0mac.

Pour terminer, l’Oreille tendue a un petit regret : quelqu’un a eu l’idée d’un «blogue citoyen» avant elle. Elle ne pourra donc pas pratiquer avec toute la visibilité souhaitée le «journalisme citoyen». Cela l’attriste.

P.-S. — Il y aurait aussi fort à faire sur le substantif citoyen, féminisé ou pas. Ce sera pour un autre jour.

 

[Complément du 14 mars 2013]

La bedaine citoyenne

Même le ventre (féminin) peut l’être. (Merci à @PimpetteDunoyer.)

 

[Complément du 6 février 2015]

Des passants du métro de Montréal ne portent pas secours à un blessé. «Apathie citoyenne», tranche le coroner chargé d’enquêter sur cette affaire, Jacques Ramsay (la Presse+, 6 février 2015, section Actualités, écran 4).

 

[Complément du 9 juin 2015]

Faisant le ménage dans de vieux dossiers, l’Oreille tombe sur ceci : «Un nouveau théorème est en train de se mettre en place : moins le mot contient de sens vérifiable, plus grande est sa faveur; par exemple, l’adjectif “citoyen”, ou “citoyenne”.» C’est tiré d’un article de Bertrand Poirot-Delpech, «Erreur décisionnelle», paru dans le quotidien le Monde du 4 mai… 1994 (p. 2).