Accouplements 209

Jean-François Nadeau, Bourgault, 2007, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

«Ce qui vient au monde pour ne rien troubler
ne mérite ni égards ni patience.»
René Char

L’Oreille tendue ne s’en cache pas : elle n’aime pas les biographies. Par obligation professionnelle, elle en lit — sur la littérature, sur le sport, sur le numérique, sur la musique, sur le cinéma —, mais ce n’est pas du tout sa tasse de thé. C’est comme ça.

Cela étant, elle est sortie ravie de la biographie de Pierre Bourgault qu’a publiée Jean-François Nadeau en 2007. Pourquoi ? Entre autres raisons, parce que Nadeau ne fait preuve d’aucune complaisance envers son sujet. Bourgault était un «homme d’exception» (p. 533), certes, mais il ne manquait pas de défauts. Il s’agissait de le dire, en évitant tant le portrait à charge que le panégyrique. Mission accomplie.

Pourquoi vous raconter cela aujourd’hui ?

En épigraphe au dix-huitième chapitre, Nadeau met deux vers de René Char : «La lucidité est la blessure / la plus rapprochée du soleil» (p. 491).

Or, tout juste après la lecture de Bourgault, l’Oreille s’est mise à celle de l’abécédaire mémoriel Où de vivants piliers, de Régis Debray. Extrait ? «D’où vient qu’une citation de Char en épigraphe d’un ouvrage, en guise d’exorcisme, tire toujours vers le haut.»

 

Références

Debray, Régis, Où de vivants piliers, Paris, Gallimard, coll. «La part des autres», 2023, 192 p. Édition numérique.

Nadeau, Jean-François, Bourgault, Montréal, Lux éditeur, coll. «Histoire politique», 2007, 606 p. Ill.

Chapleau classique

Serge Chapleau, caricature de Bernard Drainville, inspirée par Jacques-Louis David, la Presse+, 23 avril 2023

Serge Chapleau est caricaturiste au quotidien montréalais la Presse depuis 1996, après avoir travaillé pour plusieurs autres publications. La plupart de ses caricatures sont des dessins, mais, depuis quelques années, il s’inspire à l’occasion de la peinture.

Il s’en explique dans son ouvrage Chapleau. Depuis mes débuts (2020).

Je me suis donc servi de cette quincaillerie-là [l’ordinateur, le logiciel Photoshop] pour faire des photomontages, mais aussi pour retravailler mes dessins en repositionnant ou en ajoutant des éléments.
Mais le plus beau, c’est que ça m’a permis de réunir deux passions : la caricature, bien sûr, et la peinture classique, héritage de mon passage à l’École des beaux-arts.
Je me suis donc fait un malin plaisir à insérer nos politiciens dans des tableaux de grands maîtres comme Hyacinthe Rigaud, Jacques-Louis David, Philippe de Champaigne, Jean-Auguste-Dominique Ingres (p. 198).

Parmi ces «grands maîtres», Chapleau se sert à l’occasion de peintres d’une période chère au cœur de l’Oreille tendue, le XVIIIe siècle.

En 2017, Michaëlle Jean, alors secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie, apparaît dans un décor emprunté à François Boucher (Chapleau 2017, p. 114). Goya est mis à contribution pour une réunion du Parti québécois (Depuis mes débuts, p. 205) et pour la relation entre Donald Trump et Steve Bannon (Depuis mes débuts, p. 207).

Le peintre des Lumières vers lequel Chapleau se tourne le plus volontiers dans la Presse est Jacques-Louis David. Il s’en inspire pour le couronnement de Pauline Marois (Depuis mes débuts, p. 204) et pour les interventions du président de l’Assemblée nationale du Québec de Jacques Chagnon (Chapleau 2018, p. 19).

Dans l’œuvre de David, Chapleau a un faible pour le tableau «La mort de Marat» (1793). Il a remplacé la tête du révolutionnaire français par celles de l’ancien premier ministre canadien Paul Martin («Je n’ai rien à voir avec le scandale des commandites», Depuis mes débuts, p. 202), de Luc Ferrandez («Fuck you / Nous autres !», la Presse+, 16 mai 2019) et, hier, de Bernard Drainville («Je m’excuse / Je m’excuse / Je m’excuse / Je m’excuse / Je m’excuse / Je m’excuse / Je m’excuse / », la Presse+, 23 avril 2023).

Le Siècle des lumières est bien vivant.

P.-S.—En effet : ce n’est pas la première fois qu’il est question ici d’un caricaturiste de la Presse. En 2018, il s’agissait de Jean-Pierre Girerd.

 

[Complément du 14 mai 2023]

Autre recours à Goya, en 2009, au sujet du Bye bye, spectacle télévisuel annuel (l’Année Chapleau 2009, p. 29).

 

Références

Chapleau, Serge, l’Année Chapleau 2009, Montréal, Boréal, 2009, 118 p.

Chapleau, Serge, Chapleau 2017, Montréal, Éditions La Presse, 2017, 127 p.

Chapleau, Serge, Chapleau 2018, Montréal, Éditions La Presse, 2018, 109 p.

Chapleau, Serge, Chapleau. Depuis mes débuts, Montréal, Éditions La Presse, 2020, 303 p. Textes d’Yves Boisvert, Jean-René Dufort, Lucien Bouchard, Guy A. Lepage, Pauline Marois, Jean Chrétien, Justin Trudeau, Jean Charest, François Cardinal, François Legault et Gilles Duceppe.

Les anglicismes, ça se remplace

Capsule sur les anglicismes dans le domaine de la gestion

Monique Cormier et Noëlle Guilloton ont conçu une formation numérique gratuite intitulée «Les indésirables : anglicismes du domaine de la gestion». Ça se découvre ici.

P.-S.—Si vous suivez la formation, il n’est pas impossible que vous entendiez la voix de l’Oreille tendue. C’est, en effet, un cas de transparence totale.

P.-P.-S.—Bel exemple de sexisme journalistique ordinaire hier : «Deux femmes ont décidé de prendre à bras-le-corps le problème de la dégradation du français au Québec, en élaborant une formation sur les anglicismes du domaine de la gestion.» Deux femmes ? Une linguiste et une terminologue, plutôt. Personne n’aurait écrit «Deux hommes ont décidé […]».

 

[Complément du 28 avril 2023]

Pour entendre, à la radio, Monique Cormier et Noëlle Guilloton expliquer leur projet, on tend l’oreille de ce côté.

Libérons les données !

Moulinette à légumes, 2008

En mai 1992, l’Oreille tendue publiait la première livraison de sa bibliographie numérique, XVIIIe siècle : bibliographie. Elle comporte maintenant 550 livraisons, pour un total de 64 408 titres. Sauf rarissimes exceptions, les textes relevés ont paru depuis 1991.

L’ensemble des livraisons se trouve, en format HTML, à https://benoitmelancon.quebec/xviii/biblio.tdm.html.

Elle rend aujourd’hui disponibles l’ensemble des données de la bibliographie sous trois formats : valeurs séparées par des tabulations (.tsv); valeurs séparées par des virgules (.csv); classeur Excel (.xlsx). Ces fichiers sont téléchargeables à https://doi.org/10.5683/SP3/PYYEEH.

Ces données diffèrent légèrement de celles en format HTML : l’Oreille a profité de l’occasion du dépôt pour normaliser un certain nombre de choses et pour corriger quelques coquilles et erreurs. (Il en reste.)

Quiconque souhaite s’approprier ces données peut le faire, sous deux conditions.

1. L’attribution de la collecte des données doit toujours être rappelée, par exemple sous la forme «Données colligées par Benoît Melançon».

2 Aucune exploitation commerciale de ces données n’est tolérée. Elles ne peuvent pas être vendues sous quelque forme que ce soit.

Autrement dit, chez Creative Commons : Attribution-NonCommercial 4.0 International (CC BY-NC 4.0) — https://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/.

L’Oreille est évidemment curieuse de savoir quelle utilisation on fera des données; n’hésitez pas à lui écrire à ce sujet. De même, elle répondra, dans la mesure du possible, aux demandes qui lui seraient adressées quant à la mise en forme des données.

Cette mise en ligne des données ne signifie ni la fin de la publication de la bibliographie ni la fin de sa mise en ligne sous format HTML.

Il n’est pas impossible que d’autres jeux de données soient rendus disponibles au cours des prochaines années.

Merci à l’avance de bien vouloir respecter les consignes ci-dessus et bonne exploitation des données.

Merci aussi à Glenn H. Roe, à Marcello Vitali-Rosati, à Marie-Hélène Vézina et à Ève Paquette-Bigras pour leurs conseils techniques.

 

[Complément du 22 mai 2023]

Christof Schöch a entendu la demande de l’Oreille tendue (merci !). Il vient de livrer quelques fruits de sa recherche : https://github.com/christofs/bibliographie18. D’autres viendront.

 

Illustration : «Moulinette Moulin Légume», 2008, photo déposée sur Wikimedia Commons

Fil de presse 042

Charles Malo Melançon, logo, mars 2021

La langue ? Des publications !

Alsadhan, Mohammad, Paroles syriennes en exil, Montpellier, Presses universitaires de la Méditerranée, coll. «Sciences du langage», 2022, 176 p.

Blumczynski, Piotr et Steven Wilson (édit.), The Languages of COVID-19. Translational and Multilingual Perspectives on Global Healthcare, Routledge, 2022, 264 p. Ill.

Brunet, Sylvie, les Mots aux origines étonnantes, Paris, First éditions, coll. «Petit livre de langues», 2023, 160 p.

Cahiers de lexicologie, 121, 2022, 290 p. Dossier «Synonymie verbale et constructions verbales concurrentes».

Cahiers internationaux de sociolinguistique, 21, 2022, 147 p. Ill. Dossier «Les chroniques de langage dans la francophonie».

Avec un texte de l’Oreille tendue.

Les Cahiers Linguatek, 6, 11-12, 2022, 168 p. Dossier «La faute».

Circula. Revue d’idéologies linguistiques, 15, 2022. Dossier «Regards linguistiques sur les mots polémiques», sous la direction de Geneviève Bernard Barbeau et Nadine Vincent.

Coulombe, Claude et Patrick Drouin (édit.), les 101 mots de l’intelligence artificielle : petit guide du vocabulaire essentiel de la science des données et de l’intelligence artificielle, DataFranca, 2022, 96 p.

Del Fiol, Maxime (édit.), Francophonie, plurilinguisme et production littéraire transnationale en français depuis le Moyen Âge, ADIREL, coll. «Travaux de littérature», XXXV, 2023, 442 p.

Guillaume, Gustave, Temps et verbe. Théorie des aspects, des modes et du temps. Suivi de L’architectonique du temps dans les langues classiques, Paris, Honoré Champion, coll. «Linguistique. Hors collection», 14, 2021, 230 p. Préface d’Olivier Soutet. Avant-propos de Roche Valin. Réimpression en version brochée de l’édition de 1993.

Jouenne, Delphine, Un bien grand mot. Les mots de l’année revus et corrigés, Éditions Enderby, 2022.

Langage & société, 117, 2022, 162 p. Dossier «Penser la race dans les approches sociales du langage», sous la direction de Marie-Anne Paveau et Suzie Telep.

Langages, 228, 2022. Dossier «La notion d’expressivité», sous la direction d’Éric Bordas.

Langue française, 216, décembre 2022, 128 p. Dossier «Descriptions du français parlé. Hommage à Claire Blanche-Benveniste».

Launey, Michel, la République et les langues, Paris, Raisons d’agir éditions, cours «Cours et travaux», 2023, 912 p.

Le Monde diplomatique. Manière de voir, 186, décembre 2022-janvier 2023. Dossier «Identités, domination, résistance : le pouvoir des langues».

Montagne, Véronique (édit.), Stratégies de la définition, Paris, Classiques Garnier, coll. «Rencontres», 558, série «Rhétorique, stylistique, sémiotique», 10, 2022, 375 p.

Pruvost, Jean, 100 mots à connaître (d’urgence) pour rehausser un discours (ou une conversation), Paris, Le Figaro littéraire, 2023.

Puig-Moreno, Gentil, Géopolitique des langues romanes et autres, Fouesnant, Yoran Embanner, 2022, 288 p. Ill.

Reflexos, 6, 2023. Dossier «Variation linguistique dans des territoires de langue portugaise et de langues romanes».

Thélème. Revista Complutense de Estudios Franceses, 37, 2, juillet-décembre 2022. Dossier «Autour des constructions formulaires : approches diachronique, didactique et sémantique», sous la direction de Sonia Gómez-Jordana.