Coincés ensemble

À la radio de Radio-Canada, hier : «Il y a interblocage à l’intersection des rues X et Y.» Traduction libre : un véhicule a voulu passer au vert; la circulation devant lui l’en a empêché; quand le feu tourne au rouge, il est coincé dans le carrefour et il gêne le passage des autres; il bloque donc toute l’intersection, d’où interblocage.

Le Grand Dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française ne connaît pas le mot dans ce sens, mais il existe un interblocage en informatique : «Situation qui provoque un blocage complet du système et qui se produit lorsque deux programmes tentent d’avoir accès à une même ressource simultanément, ou lorsque l’un d’entre eux attend une information que seul l’autre peut lui fournir, mais est temporairement dans l’impossibilité de le faire.» Le mot a notamment pour synonymes étreinte fatale, étreinte mortelle et verrou mortel.

On le voit : au-delà de la circulation et de l’informatique, interblocage pourrait être utilisé à plusieurs autres sauces, de la discussion politique à la vie de couple.

Banalisation bienvenue

Peu importe l’étiquette : livre électronique, liseuse, livrel, tablette, livre numérique, livre bibliothèque, livre rechargeable, livre-ordinateur, bouquiniel, etc. On porte désormais sur soi un objet pour lire numériquement.

Preuve publicitaire.

Publicité Tilley, la Presse, 20 février 2010, p. A8

Tilley pense à tout, objet ancien comme nouveau.

Avancez en arrière

«Deux hommes penchés sur un vélo sur une route de Pontoise», photographie attribuée à Delizy, 1897

Sur Twitter, @mkh531 décrit le mot pbook comme un rétronyme.

Pbook ? Rétronyme ? De la même façon qu’on a inventé la guitare acoustique quand est apparue la guitare électrique, on en serait aujourd’hui, à cause de l’apparition du livre numérique, à inventer un nouveau mot pour désigner le livre papier (paper book, donc pbook).

On n’arrête pas le progrès.

 

[Complément du 2 avril 2021]

L’apparition de la signature électronique a mené, en anglais, à l’invention de «wet-signed» (signé à l’encre, cette chose humide, mouillée, liquide). C’est encore Twitter qui le dit.

 

[Complément du 10 avril 2023]

Il y eut le vélo. Puis il y eut le vélo électrique. Il y a dorénavant le vélo musculaire.

Ponctuation (payante)

Il y eut l’interrobang, le deflation point, le facetio, le delta-sarc et le snark. Voici le SarcMark, un signe de ponctuation disponible ici au prix de 1,99 $ US. (La vidéo publicitaire mérite le détour. Façon de parler.)

Son utilité ? Vous assurer que votre lecteur percevra bien que ce que vous venez d’écrire dans votre courriel ou votre texto est sarcastique.

Erin McKean, de Wordnik, dans sa chronique du 7 février du Boston Globe, évoque ces formes d’«alternative ponctuation». Elle en profite pour montrer pourquoi nous ne devrions pas en avoir besoin.

Fil de presse 003

Logo, Charles Malo Melançon, mars 2021

L’être humain rêve. Il lui arrive même de faire des rêves linguistiques, d’où la dreamlinguistics. Celle-ci n’est pas réservée aux seul linguistes.

L’être humain fait confiance aux dictionnaires. Leurs auteurs souhaitent le servir le mieux possible. Pour cela, quoi de mieux qu’un dictionnaire qui contiendrait tous les mots du monde ? C’est le projet de Wordnik.

L’être humain fait des fautes de langue. Les Sumériens auraient été les premiers.

L’être humain vieillit. (Cela aurait commencé avant les Sumériens.) Mais savait-il que sa vie professionnelle est à la merci d’un curseur ? C’est Xavier Darcos, le ministre du Travail de la France, qui le dit : «Il “faudra sans aucun doute toucher au curseur” de l’âge légal de la retraite», aurait-il déclaré selon l’Agence France-Presse. Il va plus loin : «le niveau d’emploi des salariés de plus de 50 ans en France est “bien moins bon que les pays comparables” du fait que les gens commencent à partir en retraite “quand approche le curseur des 60 ans”».

L’être humain tire parfois plaisir, voire profit, du malheur des autres. La mise en vente avortée des lettres de Jacques Mesrine rappelle qu’il existe un commerce des murderabilia, ces souvenirs de meurtriers.

L’être humain est bien peu de chose.