Cela peut en être un

Réjean Ducharme, Gros mots, 1999, couverture

Selon le Petit Robert (édition numérique de 2018), aria, pour «Embarras, ennui, souci, tracas», serait vieux. Le dictionnaire numérique Usito le dit familier : «Situation ou chose embêtante, compliquée.» Quoi qu’il en soit, le mot est fréquent au Québec.

Dans la presse : «Bref, j’haïs ça, le masque. C’est un aria» (la Presse+, 29 mars 2022).

Dans le roman : «Je sais l’aria que ce sera […]» (Gros mots, p. 135); «Aucun problème à faire demi-tour avec le pick-up, sauf qu’avec ma chaloupe pleine de matériel, ça a été tout un aria» (Cercles de feu, p. 118).

À votre service.

P.-S.—Quand l’Acadien Jean Babineau écrit harias (Gîte, p. 35), il s’appuie sur l’étymologie : «de l’ancien français harier “harceler, tourmenter”» (Usito).

 

Références

Babineau, Jean, Gîte, Moncton, Perce-Neige, coll. «Prose», 1998, 124 p.

Dimanche, Thierry, Cercles de feu. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 138, 2019, 438 p.

Ducharme, Réjean, Gros mots. Roman, Paris, Gallimard, 1999, 310 p.

Travaillons à notre lexique pandémique

«Gargaricube», «gargarisme par auto prélèvement», gouvernement du Québec, 2022

En 2020, l’Oreille tendue a essayé de rassembler quelques néologismes sous le titre «Bref lexique de confinement». Elle a vite été ensevelie sous l’avalanche de mots nouveaux. Elle a quand même continué à prendre des notes. En voici dix.

Un athlète non vacciné ? Novax Djocovid (Patti Basler).

Un non-vacciné qui se tâte ? Un vaccinorécalcitrant (Patrick Lagacé).

Une ponction fiscale, à défaut d’être chirurgicale ? Un vaccimpôt (Daniel Paillé).

Les défenseurs du couvre-feu et autres mesures de restriction de mouvements ? Les enfermistes (Emmanuel Macron).

Ceux qui ne craignent pas le pire covidien ? Les rassuristes (Mario Girard).

Ceux qui tiennent à vous dire à l’avance ce que s’apprêtent à vous dire les responsables sanitaires ? Les COVIDivulgâcheurs (@AscenseurRC).

Vous prenez votre retraite, évidemment bien méritée, mais loin de votre milieu de travail ? Bonne téléretraite (R. Massicotte) !

Avec quoi faire un autoprévèlement ? Un gargaricube (Justine Mercier).

Vous affirmez souffrir de mascné (masque + acné) ? Guy Bertrand n’est pas d’accord avec la façon de construire ce mot.

Vous devez suivre des conférences hybrides (physique et numérique) ? Plaignez-vous du phymérique (CÉRIUM).

Ce sera tout pour aujourd’hui.

Portez-vous bien (dit-on).

Accouplements 180

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Comment faire pour s’y retrouver dans les mesures sanitaires en temps de pandémie ? Plusieurs réponses ont été offertes récemment à cette question. En voici trois, deux pour le Québec, l’autre pour la France.

Celle de @garneaus :

 

Celle du caricaturiste André-Philippe Côté :

Caricature d’André-Philippe Côté, la Presse+, 6 décembre 2022

 

Celle de @neguentropique :

 

À votre service.

Oui, il y a un problème

«C’est quoi le problème ?»
(4 juillet 2012)

Les exemples ne manquent pas : les Québécois préfèrent les problématiques aux problèmes (voir ici).

À une époque, une informatrice avisée de l’Oreille tendue, appelons-la encore l’Acéricultrice, se demandait si inconvénient n’allait pas aussi supplanter problème, désagrément, perturbation, dérangement : «Nous rénovons pour mieux vous servir. Désolé des inconvénients.»

Pas plus tard que le 23 décembre, un autre de ses informateurs, pas moins avisé, l’Oreille québecquoise, écrivait ceci à l’Oreille :

Il me semble que, par les temps qui courent, on entend souvent enjeu là où on attendrait problème ou difficulté. Des exemples ? François Legault hier soir : «Il n’y a pas d’enjeu de ce côté-là.» Notre entrepreneur dans les dernières semaines : «Il y a, ici, un enjeu d’espace.» On dit aussi parfois enjeux de société pour parler de réalités qui, il me semble, devraient plutôt être considérées comme des problèmes, voire des irritants (!).

Puis arrive la veille du Premier de l’an. Une alerte numérique fait planter plusieurs commandes d’un fournisseur de services télévisuels. De quoi s’agit-il ? «À la suite de l’alerte en lien avec le couvre-feu instauré par le gouvernement du Québec, certains de nos clients pourraient vivre un enjeu avec leur service de télévision» (tweet effacé depuis).

Si l’on se fie aux réactions des clients de ce fournisseur de services, il y avait, ce soir-là, un vrai problème, pas seulement un enjeu.

Le 1er janvier 2013, l’Acéricultrice écrivait ceci sur Twitter : «Ça veut dire quoi, “développer un enjeu” ? #PerplexitéDuNouvelAn.»

Pile-poil neuf ans plus tard, qu’écrit @machinaecrire, autre informateur de première ligne ? «Cette année, je vous souhaite de ne connaître ni enjeux, ni problématiques.»

Les informateurs de l’Oreille tendue ont un don de prescience.

P.-S.—Ce n’était pas mieux en anglais : les enjeux y sont des issues.

Tweet de Vidéotron, 31 décembre 2021

 

[Complément du 17 janvier 2022]

Distinguons : s’il faut en croire certain acteur gouvernemental québécois en matière de lutte contre la pandémie, il y a enjeu et enjeu nommé.

Exemple : «Ce n’était pas un enjeu nommé. […] C’est le 11 mars qu’on peut considérer […] qu’on parlait d’un enjeu exprimé par quelqu’un en autorité ou par un répondant de la santé publique» (Martin Simard).

C’est noté.

 

[Complément du 18 janvier 2022]

Il y a quelques années, nous avions vu que le souci peut être un problème.

Autopromotion 613

«Parlez ici devant l’hygiaphone»

L’Oreille tendue a une bouche. Elle a tendance à l’ouvrir. Conséquences ?

Depuis septembre, dans des publications écrites, elle a parlé…

…des mots de 2021 (dans le Journal de Montréal / de Québec),

…des termes disparus du sport (dans la Presse+),

…de la permanence de la forme épistolaire (dans la Presse+),

…de l’avenir du français (dans les Diplômés),

…de Voltaire (pour TVA nouvelles),

…du mot en w- (dans The Globe and Mail).

C’est bien assez.