Langue de campagne (9)

Elle parle, conjugalement, de «notre gars» (débat des chefs, 19 août) et elle revendique sa maternité : «J’en ai quatre [des enfants]. Ch’pas mal contente» (face-à-face avec François Legault, 22 août). Pauline Marois (Parti québécois) est une mère.

Il annonce que sa fille attend un enfant. Jean Charest (Parti libéral) sera grand-père.

Sentant le besoin de solliciter plus activement le vote féminin, il fait maintenant sa tournée électorale avec sa femme. François Legault (Coalition avenir Québec) est un mari. Il sait qu’il arrive aux enfants de vedger. François Legault est un père.

Ce n’est pas tout.

Tous les chefs politiques québécois disent travailler pour le bien des générations à venir, «nos enfants et nos petits-enfants». François Legault a même exigé de Pauline Marois, lors de leur face-face du 22 août, qu’elle regarde «nos petits-enfants en pleine face». (L’Oreille tendue n’ose pas imaginer ce que ferait un esprit tordu de ce «nos», bien évidemment collectif et non pas personnel.)

Stéphane Laporte, enfin, dans la Presse du 17 août, rappelle qu’il y a, surtout au Parti québécois, des belles-mères : «“Ce n’est pas parce que tu t’es séparé de ma fille que je ne suis plus ta belle-mère !” — Bernard Landry à François Legault» (p. A1).

Les élections québécoises sont une affaire de famille.

Autopromotion 038

En 2004, l’Oreille tendue cosignait avec Pierre Popovic un Dictionnaire québécois instantané.

Des prix y étaient décernés aux mots les plus populaires de l’heure :

extrême (perroquet d’or)

modèle québécois (perroquet d’argent)

défusion (perroquet de bronze)

moumoune (perroquet du meilleur retour)

• réingénierie (perroquet du meilleur espoir)

Tout à l’heure, entre 9 h et 10 h, au micro de Franco Nuovo (Dessine-moi un dimanche), à la radio de Radio-Canada, l’Oreille réfléchira aux médiatics et annoncera ses Perroquets 2012.

 

[Complément du jour]

Les Perroquets 2012 ?

extrême (perroquet d’or)

urbain (perroquet d’argent)

citoyen (perroquet de bronze)

poche (perroquet du meilleur retour)

à saveur (perroquet du meilleur espoir)

On peut (ré)entendre l’entretien ici.

 

Référence

Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.

Benoît Melançon, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, 2004, couverture

Le don d’être vu

Publicité à la télé : un barman prépare, avec ostentation, un cocktail. Commentaire du cadet de l’Oreille tendue : «Skills !»

Skills ? S’emploie pour marquer l’admiration : qui mérite cet honneur a du talent et aime le montrer (l’épate, voire le tape-à-l’œil, est son essence). Ne concerne que les activités cool : attraper une passe difficile au football peut valoir un Skills bien senti; définir un mot avec ce que l’on espère être le plus de précision possible, non.

Précisions démolinguistiques

Selon des sources filiales proches de l’Oreille tendue, on pourrait vedger dans la solitude, mais il faudrait être au moins deux pour chiller. (Attention : il serait aussi possible de vedger à plusieurs.)

Dans un cas comme dans l’autre, on glandouille — on fait le légume (vegetable, dans la langue de Julia Child), on relaxe (to chill) —, mais l’un se pratique seul, alors que l’autre, jamais.

Exercice

Quand Grand Corps Malade chante «j’ai chillé sur Sainte-Catherine» («À Montréal», 3ème temps, 2010), veut-il dire qu’il n’était pas seul ou commet-il une faute d’usage (il était seul, donc il ne pouvait pas chiller) ?

N.B. Chiller est un verbe, mais l’adjectif chill est attesté : «“Full Chill”…» (la Presse, 17 avril 2004, p. S5); «full pas chill» (le Devoir, 13 janvier 2004, p. B6). Son sens ? Bien, cool, gentil, planant : «Papa, ça dépend du contexte…» Ah ! le fossé des générations !

Bain lâ

@PimpetteDunoyer s’en plaignait sur Twitter il y a quelques jours : «Preuve que “Ben là” est une expression partagée par la majorité des Montréalais de 9-10 ans… #SupportePlus.»

Ben là ?

L’expression peut être une réponse, parfois marquée de résignation, à une demande jugée excessive, notamment parentale. Exemple :

Question (banale) : Tu ne crois pas que tu pourrais, à l’occasion, faire le ménage de ta chambre ?

Réponse (prévisible) : Ben là !

On l’entend de plus en plus souvent dans d’autres contextes, où il s’agit de marquer un désaccord de peu de conséquences.

Sa prononciation n’est pas uniforme. Si le ben a un son de baignoire (bain) et si le a final est gras (â), le rythme d’élocution peut varier, d’un allongement cher à l’adolescence (baiaiain lââââ) à une brièveté exclamative (bainlâ !).

Sur le plan de la syntaxe, on notera que ce ben là se place toujours en tête de phrase.

Une précision finale s’impose : le champ d’attraction de cette expression a largement dépassé le cercle des «Montréalais de 9-10 ans». L’Oreille tendue dispose à la maison d’un spécimen d’adolescent de 14 ans qui l’emploie fréquemment. On la trouve même chez des adultes. Michel Désautels l’a utilisée à la radio de Radio-Canada le 21 mars 2012, et on l’a entendue au micro de Joël Le Bigot sur la même chaîne (dans la bouche de Richard Garneau ?) trois jours plus tard. On a aussi pu la lire sous le clavier d’Anne-Marie Beaudoin-Bégin, sur Twitter : «ah ben là! tout ça pour une tache en forme de lapin!? gâtée pourrie, la môme!»

Ça ne vous plaît pas ? Ben là !