Dehors !

Michael Connelly, The Scarecrow, 2009, couverture

En français, les façons de parler de congédiement (au Québec) ou de licenciement (outre-Atlantique) ne manquent pas.

On peut mettre quelqu’un à pied ou à la porte, le virer, le renvoyer, le remercier (parfois de ses services), le jeter dans la prochaine charrette de congédiements, s’en séparer, se priver de lui et de ses services, supprimer son poste (et lui avec). Les employeurs peuvent rationaliser, restructurer, sous-traiter, délocaliser ou couper dans le gras. Au Québec, on entendra aussi donner son 4 % à quelqu’un. (Cette allusion à une prime de séparation peut même être employée en contexte amoureux : Céline a donné son 4 % à René.)

L’anglais n’est pas moins riche. Uniquement dans un récent roman de Michael Connelly, on trouve Reduction in Force (RIF), involuntary separation, downsized, pink-slipped, involuntary reduction in force.

Partout, l’euphémisme délicat règne.

 

[Complément du 14 décembre 2021]

Dans la Presse+ du jour : libérer.

«Libérer» des employés, la Presse+, 14 décembre 2021

 

[Complément du 16 janvier 2024]

Dans la Presse+ du jour : «rajuster l’effectif»; «rajustement de [sa] structure de coûts».

 

Référence

Connelly, Michael, The Scarecrow, New York , Little, Brown and Company, 2009. Édition numérique.

Divergences transatlantiques 011

Sundae

Question existentielle : où poser la cerise ? Là : sur la gâteau. Ici : sur le sundae.

Exemples : «Bruyants, ils buvaient comme des trous et, cerise sur le gâteau : ils avaient applaudi au moment où l’avion s’était posé dans la grande ville», écrit Éric Boury, traduisant Arnaldur Indridason (p. 89-90); «Le design, c’est la cerise sur le sundae», sous-titre la Presse en 2006.

Tous les (dé)goûts alimentaires sont dans la nature.

 

[Complément du 21 février 2016]

D’où ce titre de presse, du 19 février 2016, dans le Journal de Montréal, sous la signature de Michel Girard :

Michel Girard, «La CSeries sur le sundae». le Journal de Montréal, 19 février 2016

 

[Complément du 26 février 2016]

Rebelote.

 

[Complément du 10 juin 2016]

Dans le même ordre d’idées, ceci, dans Fatigues (2014), de Pierre Peuchmaurd : «La cerise sur la charrue, le gâteau avant les bœufs !» (p. 154)

 

Références

Indridason, Arnaldur, Hypothermie, Paris, Métailié, coll. «Bibliothèque nordique», 2010, 294 p. Traduction d’Éric Boury. Édition originale : 2007.

Pierre Peuchmaurd, Fatigues. Aphorismes complets, Montréal, L’Oie de Cravan, 2014, 221 p. Avec quatre dessins de Jean Terrossian.

 

La Presse+ (Montréal), 30 avril 2015

 

Citation podologique du jour

Georges Simenon, la Maison du canal, éd. de 1976, couverture

 

«Edmée y allait parfois, à pas mous de convalescente» (la Maison du canal, p. 129).

 

[Complément du 25 septembre 2021]

Cela ne se pratique pas que chez les convalescentes : «Non loin du 43 bis, ils aperçurent Serre qui marchait le long du trottoir à grands pas un peu mous. Comme certains gros, il tenait les jambes écartées» (Maigret et la Grande Perche, p. 82).

 

[Complément du 18 août 2022]

Cela ne se pratique pas que chez Simenon : «Billy Joe semblait d’heureuse humeur, marchant à pas mous et balourds» (la Bête creuse, p. 544).

 

Référence

Bernard, Christophe, la Bête creuse. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 14, 2017, 716 p.

Simenon, Georges, la Maison du canal, Paris, Presses Pocket, coll. «Presses Pocket», 1335, 1976, 188 p., p. 129. Édition originale : 1932.

Simenon, Georges, Maigret et la Grande Perche, Paris, Presses Pocket, coll. «Presses Pocket», 795, 1972, 190 p. Édition originale : 1951.

Du polar et de l’exotisme

Nadine Monfils, les Fantômes de Mont-Tremblant, 2010, couverture

«Une enquête du commissaire Léon, le flic qui tricote», les Fantômes de Mont-Tremblant, polar de Nadine Monfils : du nouveau dans la catégorie «Ma cabane au Canada».

Le cadre. Un peu Montmartre et Montréal, mais surtout Mont-Tremblant (46o 12’ 25” Nord, 74o 35’ 40” Ouest). Plus exotiquement : le «pays du sirop d’érable» (p. 18 et p. 40), là où l’on mange des «crêpes au sirop d’érable» (p. 47) et des «pâtisseries à base de sirop d’érable» (p. 57-58), voire «ces grands espaces enneigés où le cœur des hommes est si chaud qu’il brise la glace» (p. 229).

L’intrigue. Meurtres (deux) dans la neige, évidemment ouatée. Deux policiers parisiens, l’un né en Belgique, l’autre au Québec, enquêtent à titre officieux. Les indices se promènent avec des pancartes sur lesquelles on a inscrit «Attention : indices !».

Le suspense. Bien réussi à la fin, notamment grâce à l’alternance de chapitres consacrés à des personnages différents.

L’accent québécois. Quand il n’est pas «savoureux» (p. 46), il est «à couper au couteau» (p. 77).

Langue. Un mélange d’argot parigot, de belgicismes (l’auteure est belge) et de québécismes, supposés ou réels. Des choses bien vues : les jurons, des tournures interrogatives (p. 109), l’utilisation de «méchants» (p. 115), la féminisation de «job» (p. 206). D’autres, moins.

Il y a des notes pour les pauvres lecteurs québécois qui n’auraient pas de dictionnaire; ainsi, ils n’auront pas besoin de se demander ce que sont les santiags (p. 21) et les rades (p. 24). Quelques expressions ne paraissent pas particulièrement courantes : «fourrer le chien» (p. 48) — là où on aurait attendu fucker le chien —, «cracher l’cash» (p. 68) — pour flôber l’cash —, avoir l’air d’avoir «mangé de l’ours» (p. 70 et p. 95) — avoir l’air de ne pas se sentir dans son assiette —, «renifler» un suspect (p. 80), passer dans une vie «comme un pet sur une tringle à rideau» (p. 140). L’Oreille tendue n’est pas sûre que la paix des ménages soit assurée quand un mari appelle sa femme «ma picouille» (p. 229). Il y a même des maximes du cru : «Va conter ça à un Chinois, il va te donner un lunch !» (p. 95).

Pour Nadine Monfils et ses personnages, «le langage coloré des Québécois était un délice» (p. 25). Cela ne suffit pas toujours.

 

Référence

Monfils, Nadine, les Fantômes de Mont-Tremblant, Montréal, Québec Amérique, coll. «QA compact», 2010, 229 p.

Le temps qui passe

John Burdett, The Godfather of Kathmandu, 2010, couverture

Dans un livre pétillant d’abord paru en 1991, Daniel S. Milo s’est intéressé aux découpages du temps — ère, siècle, génération, indiction, etc. — et à leur histoire. On ne saurait trop recommander la lecture de Trahir le temps.

John Burdett, lui, vient de faire paraître le quatrième volume de la série des aventures de Sonchai Jitpleecheep, ce policier thaïlandais fort (trop ?) porté sur le bouddhisme. En mission à Katmandou, Sonchai connaît bibliquement la belle Tara. Comment mesure-t-il le temps passé avec elle ? «A full condom later, we were lying in each other’s arms» (p. 173).

Du préservatif (plein) comme montre : Milo n’avait pas prévu cela. On ne saurait le lui reprocher.

 

[Complément du 14 janvier 2013]

Autre unité de mesure : «de lourdes limousines Ambassador, de puissantes cylindrées Hindustani déchargeaient d’heure en heure les membres à jeun du Club avant de les rempocher ivres morts un litre ou deux plus tard» (les Grandes Blondes, p. 132).

 

Références

Burdett, John, The Godfather of Kathmandu. A Novel, New York, Alfred A. Knopf, 2010, 295 p.

Echenoz, Jean, les Grandes Blondes. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 1995, 250 p.

Milo, Daniel S., Trahir le temps (histoire), Paris, Les Belles Lettres, coll. «Histoire», 1991, 270 p. Réédition : Paris, Hachette, coll. «Pluriel», 8819, 1997, 270 p.