L’autre jour, l’Oreille tendue a discuté avec le journaliste Thomas Laberge, du Groupe Capitales Médias, de la langue politique au Québec. C’est ici.
Accouplements 179
(Accouplements : une rubrique où l’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)
Des «influenceurs» québécois perturbent un vol d’avion, au grand dam du premier ministre du Canada : «Quand une gang de sans-dessein décide de partir comme des ostrogoths en vacances, c’est extrêmement frustrant» (conférence de presse du 5 janvier).
En novembre 1764, Diderot découvre qu’il a été censuré par son propre libraire, Le Breton. Le 12, il lui écrit ceci :
À votre ruine et à celle de vos associés qu’on plaindra, se joindra, mais pour vous seul, une infamie dont vous ne vous laverez jamais. Vous serez traîné dans la boue avec votre livre, et l’on vous citera dans l’avenir comme un homme capable d’une infidélité et d’une hardiesse auxquelles on n’en trouvera point à comparer. C’est alors que vous jugerez sainement de vos terreurs paniques et des lâches conseils des barbares Ostrogoths et des stupides Vandales qui vous ont secondé dans le ravage que vous avez fait. Pour moi, quoi qu’il en arrive, je serai à couvert. On n’ignorera pas qu’il n’a été en mon pouvoir ni de pressentir, ni d’empêcher le mal, quand je l’aurais soupçonné. On n’ignorera pas que j’ai menacé, crié, réclamé (Correspondance, p. 487).
Justin Trudeau n’aurait-il pas dû préférer «vandales» à «sans-dessein» ? Le débat est ouvert.
[Complément du jour]
Hergé, lui, savait, dès Coke en stock (p. 49). (Merci à @revi_redac.)
Références
Diderot, Denis, Œuvres. Tome V. Correspondance, Paris, Robert Laffont, coll. «Bouquins», 1997, xxi/1468 p. Édition établie par Laurent Versini.
Hergé, Coke en stock, Tournai, Casterman, coll. «Les aventures de Tintin», 19, 1967, 61 p. Édition originale : 1958.
Autopromotion 613
L’Oreille tendue a une bouche. Elle a tendance à l’ouvrir. Conséquences ?
Depuis septembre, dans des publications écrites, elle a parlé…
…des mots de 2021 (dans le Journal de Montréal / de Québec),
…des termes disparus du sport (dans la Presse+),
…de la permanence de la forme épistolaire (dans la Presse+),
…de l’avenir du français (dans les Diplômés),
…de Voltaire (pour TVA nouvelles),
…du mot en w- (dans The Globe and Mail).
C’est bien assez.
Autopromotion 611
Vers 15 h 40, l’Oreille tendue sera au microphone de Karyne Lefebvre, à l’émission le 15-18 de la radio de Radio-Canada, pour parler de la métaphore de l’heure en matière de lutte québécoise contre la covid : la guerre.
Il sera probablement question de ceci.
[Complément du jour]
On peut (ré)entendre l’entretien là.
Quelques lectures :
Baillargeon, Stéphane, «En “guerre” contre la COVID ?», le Devoir, 18 juillet 2020.
Boutet, Josiane, «“Halte au feu.” Ordonner», dans le Pouvoir des mots. Nouvelle édition, Paris, La Dispute, 2016, 256 p., p. 177-185.
Pommier, Frédéric, «La militarite», dans Paroles, paroles. Formules de nos politiques, Paris, Seuil et France inter, 2012, 202 p., p. 132-136.
Tardif, Dominic, «Faut-il parler autrement du cancer ?», le Devoir, 27 octobre 2018.
Faire marche arrière
Prenons une situation imaginaire. Vous faites partie d’un gouvernement appelé à gérer une pandémie. Vous présentez une série de mesures. Vous êtes obligé de changer d’avis. Comment désigner cela ?
En français de référence, on pourra dire que vous avez été forcé de rétropédaler.
Au Québec, il existe une autre possibilité : marcher sur la peinture. Exemple tiré de la Presse+ du 19 décembre 2021 : «On pourrait même dire [que François Legault] a maîtrisé l’art de marcher sur la peinture avec élégance. […] Cette semaine, voyant la dégradation de la situation sanitaire et la montée fulgurante du variant Omicron, M. Legault a été obligé de faire marche arrière.»
Pourquoi marcher sur la peinture ? Parce qu’on s’est peinturé dans le coin, bien sûr. Un ancien premier ministre du Canada ne s’en cachait nullement : «Quand on s’est peinturé dans le coin, on peut toujours marcher sur la peinture, disait Jean Chrétien» (le Devoir, 8-9 mai 2004, p. B3). Bref, il n’y a plus de choix : il faut revenir sur ses pas, au risque de se salir.
[Complément du 10 mars 2022]
«S’auto-peinturer dans le coin» (vu sur Twitter) paraît pléonastique.