Autopromotion 038

En 2004, l’Oreille tendue cosignait avec Pierre Popovic un Dictionnaire québécois instantané.

Des prix y étaient décernés aux mots les plus populaires de l’heure :

extrême (perroquet d’or)

modèle québécois (perroquet d’argent)

défusion (perroquet de bronze)

moumoune (perroquet du meilleur retour)

• réingénierie (perroquet du meilleur espoir)

Tout à l’heure, entre 9 h et 10 h, au micro de Franco Nuovo (Dessine-moi un dimanche), à la radio de Radio-Canada, l’Oreille réfléchira aux médiatics et annoncera ses Perroquets 2012.

 

[Complément du jour]

Les Perroquets 2012 ?

extrême (perroquet d’or)

urbain (perroquet d’argent)

citoyen (perroquet de bronze)

poche (perroquet du meilleur retour)

à saveur (perroquet du meilleur espoir)

On peut (ré)entendre l’entretien ici.

 

Référence

Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.

Benoît Melançon, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, 2004, couverture

Crise linguistique de l’emploi ?

Le Devoir du 12 juillet 2012 publiait le manifeste de la Coalition large de l’association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE), «Nous sommes avenir» (p. A7).

Ce prêchi-prêcha, à plusieurs moments, fait appel à une rhétorique venue directement des années 1960-1970. Il est cependant un aspect du texte qui marque bien son appartenance au XXIe siècle : sa féminisation mécanique.

Il y a donc «les travailleurs et les travailleuses», «ceux et celles» (et «celles et ceux»), «tous et toutes» (et «toutes et tous»), «ils et elles» (mais pas «elles et ils»), et des phrases comme «Pour nous, les décisions démocratiques doivent être le fruit d’un espace de partage au sein duquel chaque femme et chaque homme est valorisé-e. Égaux et égales dans ces espaces, ils et elles peuvent, ensemble, construire le bien commun.»

L’Oreille tendue n’est pas très portée sur ce genre de jargon, mais cela ne regarde qu’elle.

En revanche, elle s’interroge quand elle lit la phrase suivante : «Cette force a animé étudiantes et étudiants, parents, grands-parents, enfants, travailleuses et chômeurs.» Il n’y a donc ni travailleurs ni chômeuses ?

Ça fait désordre.

L’heure du débat

Même l’été, les débats font rage. Mais comment être sûr d’avoir affaire à un débat ? Comment en reconnaître un ?

Il suffit de se poser trois questions.

1. Le débat — sauf s’il s’agit d’une revue — ne vient jamais seul. Du moins au Québec, il est généralement accompagné des mots de société ou d’idées. Exemples : «Pour un débat de société sur l’agriculture» (le Devoir, 1er décembre 2003, p. A2); «Des couvents en héritage. Un colloque international sur un débat de société» (Montréal, octobre 2009); «Le Canada doit s’offrir un débat d’idées» (la Presse, 13 septembre 2000); «Enfin un débat d’idées !» (le Devoir, 14 mars 2003). Votre débat est-il accompagné de l’indispensable formule magique ?

2. Le débat doit être vrai, sinon il ne saurait être. Le faux débat inquiète. Exemple : «Une saveur de faux débat» (le Devoir, 3 avril 2008, p. A6). Votre débat est-il vrai ?

3. Le débat, par la force des choses, ne saurait être consensuel. Mieux (ou pire) : le débat est souvent, et de plus en plus, polarisé. La polarisation, pourrait-on dire, est l’essence du débat et elle mène rapidement à une rupture du dialogue. Pourtant assis à la même table, les opposants dans un débat campent sur leur position. Or ils n’en ont généralement qu’une. Exemples : «C’est cela qui polarise le débat entre libéraux et conservateurs» (la Presse, 8 avril 2011); «Ce livre risque de vieillir très vite, mais en attendant, il suscite un débat, polarise les interventions dans les médias ce qui, au final, provoque un brassage d’idées fort utile» (la Presse, 10 février 2012). Votre débat est-il polarisé ?

Si, au sujet de la discussion qui vous intéresse, vous avez répondu oui à ces trois questions, vous êtes bel et bien devant un débat. Il s’agit donc, sans aucun doute possible, d’un vrai débat de société (d’idées) où les positions sont de plus en plus polarisées.

N.B. Merci à Cartésie pour polarisation.

Merci de votre constante collaboration

Ces jours derniers, les médias ont été bons pour l’Oreille tendue. Démonstration.

Rubrique ville urbaine. Le critique théâtral du Devoir qui recense une «tragédie urbaine» (7-8 juillet 2012, p. C7) se fait damer le pion par la critique gastronomique de la Presse. Elle a pris un lunch «urbain» sur terrasse «très urbaine». Était-ce en ville ? Oui : «On est en ville et on ne se le cache pas» (7 juillet, cahier Maison, p. 13). Cette chroniqueuse fait concurrence à l’animatrice de la radio de Radio-Canada qui, jeudi dernier, parlait d’«une bande-annonce énergique, presque urbaine». «Presque» ? «Urbaine» ? «Presque urbaine» ?

Rubrique extrême. Le Devoir de la fin de semaine compare la «prédiction politique» à un «sport extrême» (7-8 juillet 2012, p. B2) et la Presse raconte des «rénovations extrêmes» (7 juillet, cahier Maison, p. 6).

Rubrique à saveur. Peut-on décrire un «Plan de campagne à saveur minière» ? Le Devoir peut (7-8 juillet 2012, p. B1).

Rubrique jupon. Si le jupon d’Amir Kadir dépasse, on ne verrait que «poindre» celui du «procédé» chez Éric Plamondon. C’est la Presse qui le dit (7 juillet 2012, cahier Arts, p. 15).

Tant de médiatics, si peu de temps.

Hautes distinctions

En ces temps de fêtes du Québec et du Canada, les occasions ne manquent pas de rappeler que le Québec est une société distincte. Comment ?

«Le Québec se distingue dans l’univers de l’insolvabilité» (le Devoir, 4 juillet 2012, p. B1).

«Tourisme distinct» (le Devoir, 24-25 avril 2004, p. D4).

«Le Québécois : un mangeur distinct» (Québec science, été 2009).

«Un régime [d’assurance automobile] distinct qui doit le demeurer» (le Devoir, 14 avril 2004, p. A7).

«Le meuble québécois : un design distinct» (la Presse, 28 août 2004, Mon toit, p. 7).

Pétons-nous les bretelles. (Plastronnons.)