Bonsoir, elle est partie !

Terrain de baseball

Au baseball, quand un frappeur envoie la balle à l’extérieur du terrain, mais à l’intérieur des lignes, cela s’appelle frapper un (coup de) circuit. On peut aussi dire que ce frappeur l’a sortie du stade, encore que le mot stade puisse avoir deux sens ici : la balle ainsi frappée sort des limites du terrain, certes, mais pas nécessairement de l’édifice qui abrite ce terrain. Passons.

L’expression la sortir du stade a (récemment ?) quitté les losanges pour passer dans la langue courante.

Dans la Presse+ du jour, on peut ainsi lire ceci : «Au baseball, disait Yogi Berra, ce n’est pas fini tant que ce n’est pas fini. C’est vrai. Stephen Bronfman a encore une chance de la sortir du stade. Il est capable. Il en a les moyens. Encore faut-il qu’il se présente au bâton de nouveau.» Dans ce cas, on ne s’attend pas à ce que Stephen Bronfman frappe bel et bien un circuit dans un uniforme de joueur, mais on laisse entendre qu’il peut réussir avec panache — qu’il la sorte du stade — le projet qu’il a entrepris de ramener une équipe de baseball professionnel à Montréal.

À la radio de Radio-Canada, à l’émission La soirée est encore jeune, on entend souvent l’expression dans la bouche de Jean-Sébastien Girard, généralement pour applaudir aux chroniques d’Olivier Niquet. Or Girard — attention : euphémisme massif devant — n’a jamais fait preuve d’une solide culture sportive. En utilisant l’expression, il montre qu’elle est devenue commune et il contribue à sa diffusion. Les amateurs de balle lui en sauront gré.

P.-S.—Oui, le titre de ce billet est une allusion à l’œuvre de Rodger Brulotte.

P.-P.-S.—Oui, on peut frapper un coup de circuit au champ gauche.

Les «mots en»

Depuis quelques semaines, il est beaucoup question, au Québec, du mot en n-. Cette forme d’euphémisation commence à fleurir dans d’autres domaines.

Le mot en a- : austérité (le Devoir, 14-15 novembre 2020, p. B5).

Le mot en s-: systémique, comme dans racisme systémique (le Devoir, 12 novembre 2020, p. A3).

Le mot en t- : torchon (le Québec maintenant, 98,5, 16 novembre 2020).

Le mot en t- : tramway (le Soleil, 10 novembre 2020).

À suivre. Tendons l’oreille.

 

[Complément du 28 novembre 2020]

Le mot en c- : curling («Estaben et son papa», épisode 131, 26 novembre 2020)

 

[Complément du 29 janvier 2021]

Le mot en s- : sauvageLes mots tabous, encore», la Presse+, 29 janvier 2021).

 

[Complément du 2 avril 2021]

Le mot en f- : frog (selon Jagmeet Singh, le chef du parti du Nouveau Parti démocratique du Canada, à l’émission de télévision Tout le monde en parle le 28 mars 2021).

 

[Complément du 17 avril 2021]

Le mot en b- : Bitche, ce village français dont Facebook n’aime pas le nom.

 

[Complément du 3 mai 2021]

Le nom en m- : Mozart (la Presse+, 3 mai 2021).

Le mot en o- (en anglais) : objective (The Conversation, 18 avril 2021).

 

[Complément du 11 mai 2021]

Le mot en c- : crise (le Devoir, 11 mai 2021).

 

[Complément du 14 mai 2021]

Le mot en m- : mongol (Twitter, 14 mai 2021)

 

[Complément du 17 mai 2021]

Le mot en i- : Indien (la Presse+, 15 mai 2021)

 

[Complément du 27 mai 2021]

Le mot en a- : AstraZeneca (Twitter, 27 mai 2021)

 

[Complément du 28 mai 2021]

Le mot en a- : apartheid (Twitter, 27 mai 2021)

 

[Complément du 31 mai 2021]

Le mot en r- : respect (Avenues.ca, 28 mai 2021)

Le mot en K- : knife (le Devoir, 29-30 mai 2021)

 

[Complément du 9 juin 2021]

Le mot en t- : terrorisme (la Presse+, 9 juin 2021)

Le mot en i- : islamophobie (la Presse+, 9 juin 2021)

 

[Complément du 16 septembre 2021]

Le mot en H- : Hachey (Twitter, 14 septembre 2021)

Le mot en i- : inflation (la Presse+, 16 septembre 2021)

 

[Complément du 17 septembre 2021]

Le mot en w- : woke (la Presse+, 17 septembre 2021)

 

[Complément du 19 octobre 2021]

Le mot en a- : aliens (Twitter, 12 octobre 2021)

Le mot en r- : racisme (Twitter, 10 octobre 2021)

 

[Complément du 23 novembre 2021]

Le mot en f- : fuck (le Devoir, le D magazine, 16-17 octobre 2021, p. 3)

Le mot en f- : fif (le Devoir, le D magazine, 16-17 octobre 2021, p. 18)

Le mot en t- : tapette (le Devoir, le D magazine, 16-17 octobre 2021, p. 18)

Le mot en w- : woke (Twitter, 5 novembre 2021)

Le mot en n- : naïveté (Twitter, 22 novembre 2021)

Le mot en d- : décroissance (le Journal de Montréal, 23 novembre 2021)

 

[Complément du 30 novembre 2021]

Le mot en p- : pénurie (la Presse+, 26 novembre 2021 et 30 novembre 2021)

 

[Complément du 5 avril 2022]

Le mot en g- : génocide (la Presse+, 5 avril 2022)

Le mot en n- : nucléaire (la Presse+, 28 février 2022)

Le mot en p- : Palestine (la Presse+, 28 janvier 2022)

Le mot en f- : fucking (RDS, 15 décembre 2021)

Le mot en r- : reconstruction / rééquipement (retool) / réinitialisation (la Presse+, 20 janvier 2022)

Le mot en t- : tablette (la Presse+, 17 février 2022)

Le mot en p- : poutine (Twitter, 12 mars 2022)

 

[Complément du 21 juin 2022]

Le mot en f- : fuck (la Presse+, 9 juin 2002)

Le mot en s- : souverainiste (le Devoir, 11 juin 2022)

Le mot en d- : dynastie (la Presse+, 12 juin 2022)

Le mot en g- : génocide (la Presse+, 27 mai 2022)

Le mot en r- : racisme (le Devoir, 3 mai 2022)

Le mot en s- : séparatisme (le Devoir, 16-17 avril 2022)

Le mot en c- : cage à poule (Radio-Canada, 20 avril 2022)

 

[Complément du 4 septembre 2022]

Le mot en n- : nuance (la Presse+, 5 juillet 2022)

Le mot en r- : récession (la Presse+, 14 juillet 2022)

Le mot en d- : dopage (le Devoir, 16-17 juillet 2022, p. A10)

Le mot en p- : privé (le Devoir, 13 août 2022, p. B9)

Le mot en C- : Canadiens de Montréal (la Presse+, 13 août 2022)

Le mot en r- : retraite (la Presse+, 19 août 2022)

 

[Complément du 5 septembre 2022]

Proposition pleine de bons sens de @machinaecrire sur Twitter.

Proposition de moratoire sur l’expression «mot en», Nicolas Guay, Twitter, 4 septembre 2022

 

[Complément du 13 décembre 2022]

Ni Nicolas Guay ni l’Oreille tendue n’ont été entendu(e)s.

Le mot en s- : systémique (Twitter, 16 septembre 2022)

Le mot en f- : farfelu (Tourniquet, 18 septembre 2022)

Le mot en f- : fédéraliste (le Devoir, 30 septembre 2002, p. A7)

Le mot en r- : retraite (la Presse+, 18 novembre 2022)

Le mot en f- : fuck (Twitter, 26 novembre 2022)

Le mot en r- : récession (la Presse+, 9 décembre 2022)

 

[Complément du 16 janvier 2024]

Ça ne cesse pas de continuer.

Le mot en r- : retraite (la Presse+, 11 janvier 2024)

Le mot en p- : plagiarism (The New Yorker, 5 janvier 2024)

Le mot en r- : récession (la Presse +, 3 janvier 2024)

Le mot en w- : windows (Mastodon, 2 janvier 2024)

Le mot en c- : capitalisme (le Devoir, 18 décembre 2023, p. B6)

Le mot en f : fuck (Twitter, 6 décembre 2023)

Le mot en t- : tourtière (Twitter, 3 décembre)

Le mot en d- : démission (le Devoir, 11 novembre 2023)

Le mot en s- : sous-estimé (la Presse+, 10 novembre 2023)

Le mot en a- : austérité (le Devoir, 7 novembre 2023)

Le mot en f- : fusion (la Presse+, 24 octobre 2023)

Le mot en c- : caca (Twitter, 18 octobre 2023)

Le mot en s- : séries (éliminatoires) (la Presse+, 13 septembre 2023 et 15 avril 2023)

Le mot en p- : playoffs (la Presse+, 11 septembre 2023)

Le mot en r- : reconstruction (la Presse+, 15 août 2023)

Le mot en m- : mère-porteuse (le Devoir, 2 juin 2023)

D’où le mot en p- : poncif (Mastodon, 2 juin 2023)

Le mot en w- : woke (le Devoir, 10 mai 2023)

Le mot en h- : hit (le Devoir, 12 avril 2023)

Le mot en r- : rectum (Twitter, 31 mars 2023)

Le mot en s- : smicard (Twitter, 22 mars 2023)

La clinique des phrases (kkk)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Prenons, au hasard, le compte Twitter d’un grand diffuseur radiophonique national. Retenons dix tweets.

Pourrez-vous repérer ce qui cloche dans chacun d’entre eux ? (Réponse demain dans les commentaires.)

«L’association négaWatt travaille a élaboré un scénario de transition énergétique pour la France.»

«Femme de tête et de cœur, le public n’a jamais cessé de l’aimer.»

«Chefs militaires, hommes d’État, mais aussi écrivains, ces deux grandes figures du XXe siècle ont laissé derrière elles des mémoires de guerre éclairantes.»

«La question est posée mais même si digitalisation pousse vers les nouveaux moyens de paiement […].»

«La jeune norvégienne a complètement transformé sa pratique, autrefois mondaine et en jupe longue, pour en faire une véritable discipline artistique !»

«Il a mis sur les rails la bande-dessinée française.»

«Le 1er février, l’Abbé Pierre lance un appel vibrant sur les ondes de Radio-Luxembourg […].»

«Édouard Philippe, couteau Suisse de la Macronie ?»

«Dans “Bouvelards de la mort”, le dialogue y est étiré jusqu’à ce que la brutalité et l’incongruité d’une action puisse soudain exploser à la face du spectateur.»

«Longtemps relégué au second plan, voire même diabolisé, il faudra attendre 2017 pour qu’un manuel scolaire propose un schéma scientifiquement exact du clitoris.»

Autopromotion 530

Benoît Melançon, «Faire son travail», la Presse+, 21 octobre 2020, illustration

Une chargée de cours de l’Université d’Ottawa, Verushka Lieutenant-Duval, est suspendue par son administration à cause d’un mot qu’elle a utilisé en classe. Elle est ensuite réintégrée, en quelque sorte, dans ses fonctions. L’affaire occupe beaucoup de monde au Canada ces jours-ci.

L’Oreille tendue aussi. Ça se lit ici, dans la Presse+ du jour.

 

[Complément du 22 octobre 2020]

Isabelle Maréchal, de la station de radio montréalaise 98,5, avait des questions sur ce texte. L’Oreille lui a répondu. C’est , à compter de la 33e minute.

Accouplements 158

Louise Dupré, Théo à jamais, 2020, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Dupré, Louise, Théo à jamais. Roman, Montréal, Héliotrope, 2020, 233 p.

«Quelques mois plus tôt, j’avais refusé de participer à une émission sur les adolescents, je ne me voyais pas parler d’Elsa et de Théo à la radio. La recherchiste avait semblé étonnée, tout le monde rêvait d’avoir quinze minutes de gloire, qu’est-ce qui n’allait pas chez moi ?» (p. 134)

Melançon, Benoît, «Un intellectuel heureux ?», dans Pour Jacques. Du beau, du bon, Dubois, Bruxelles, Labor, coll. «Espace Nord», 1998, p. 169-174. https://doi.org/1866/32050

«Il faut savoir apprécier la beauté de la chose : un professeur d’université deviserait à la télévision avec un imitateur tenant le rôle d’un comédien, lui-même jouant le rôle d’un dramaturge imaginé pour une pièce de théâtre de Sacha Guitry adaptée par Jean-Claude Brisville et filmée par Molinaro. (Le pauvre Beaumarchais aurait été absolument oublié dans cette galère.) Devant le refus du professeur de se prêter à cette mascarade, surprise — et panique : l’émission est le lendemain — de la recherchiste, qui semblait ne pas comprendre que l’on n’accepte pas d’emblée son invitation et que l’on se prive de l’occasion d’aller causer à la télé» (p. 170-171).