La clinique des phrases (a)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit les phrases suivantes :

Réalisé par Guy Beaulne, en avril 1954, ce radiothéâtre est donné en reprise dans une réalisation de Madeleine Gérôme, en décembre 1965. Son originalité tient à l’inventivité de l’argumentation et du style, à l’humour qu’on y trouve, mais plus encore à la satire qui caractérise l’écriture de ce radiothéâtre.

C’est une évidence : elles ne sont pas en santé. Comment les soigner ? Est-il possible de leur redonner vie ?

On peut d’emblée enlever un bout de phrase répétitif : «qui caractérise l’écriture de ce radiothéâtre». On sait qu’il s’agit d’un radiothéâtre; voir la première phrase. On sait qu’il s’agit de caractériser une écriture : c’est le but de la deuxième phrase.

Nous avons :

Réalisé par Guy Beaulne, en avril 1954, ce radiothéâtre est donné en reprise dans une réalisation de Madeleine Gérôme, en décembre 1965. Son originalité tient à l’inventivité de l’argumentation et du style, à l’humour qu’on y trouve, mais plus encore à la satire.

On peut faire mieux : pourquoi dire qu’on «trouve» dans ce radiothéâtre de l’«humour», alors que l’on trouve de l’«humour», de l’«inventivité» et de la «satire» ?

Coupons encore :

Réalisé par Guy Beaulne, en avril 1954, ce radiothéâtre est donné en reprise dans une réalisation de Madeleine Gérôme, en décembre 1965. Son originalité tient à l’inventivité de l’argumentation et du style, à l’humour, mais plus encore à la satire.

L’Oreille tendue aime bien la virgule, mais il y en a deux, dans la première phrase, qui ne lui paraissent pas indispensables. Ouste :

Réalisé par Guy Beaulne en avril 1954, ce radiothéâtre est donné en reprise dans une réalisation de Madeleine Gérôme en décembre 1965. Son originalité tient à l’inventivité de l’argumentation et du style, à l’humour, mais plus encore à la satire.

Vous ne vous sentez pas mieux ?

À votre service.

Éloigné tout près

Les Radios francophones publiques coproduisent l’émission les Chedid : les chiens ne font pas des chats. Comment rendre l’expression les chiens ne font pas des chats en anglais ? The apple does not fall far from the tree. En français, des animaux; en anglais, un fruit. La traduction des tournures idiomatiques est, pour l’Oreille tendue, source d’étonnement renouvelé.

Quelqu’un n’arrive pas à faire quelque chose parce qu’il n’est pas très malin. Au Québec, on dira que ça ne prend pourtant pas la tête à Papineau. Dans le monde anglo-saxon : ce que cette personne a à faire is not exactly rocket science.

Termium plus, «La banque de données terminologiques et linguistiques du gouvernement du Canada», donne c’est en forgeant qu’on devient forgeron pour practice makes perfect (merci à @jeansylvaindube).

Vous voulez faire avorter un projet ? Vous le tuez dans l’œuf. Autrement dit, you nip it in the bud.

Des heures de plaisir.

Où il y a de la gêne vaut mieux éviter le plaisir

Une catastrophe (humaine, écologique, économique, sociale) touche le Québec depuis samedi dernier : un train a déraillé en plein centre de la petite ville de Lac Mégantic et causé la mort de plusieurs dizaines de personnes.

Les médias s’arrachent les experts. L’Oreille tendue a été frappée hier par le fait que beaucoup de ces experts, à la fin de leur intervention, répondant aux remerciements de l’animateur, disaient «Ça me fait plaisir».

C’est moi qui vous remercie; Y a pas de quoi; Je vous en prie : oui. Mais pas Ça me fait plaisir.

Cinq notes pour la Fête nationale

Char allégorique, Fête de la Saint-Jean-Baptiste

I.

Lire les premières lignes d’un texte de Lise Payette dans le Devoir du 21 juin :

Nous sommes un peuple de patience et d’endurance. Nous l’avons prouvé pendant 400 ans ou presque. Nous avons été tondus si souvent que nous avions presque fini par trouver notre sort normal et nous avons pensé que c’était notre destin.

Ne pas s’y reconnaître. Arrêter de lire.

II.

Apercevoir le titre «Des Mosaïcultures grandioses avec des plantes d’ici» (le Devoir, 22-23 juin 2013, p. D6). L’ajouter à sa collection de d’ici.

III.

Chercher un cou bleu autour de soi et ne pas en trouver.

IV.

Se dire que les mots de la Saint-Jean(-Baptiste), donc de la fête nationale du Québec, dont l’Oreille tendue a parlé l’an dernier à la radio de Radio-Canada sont toujours parfaitement d’actualité, bien que le gouvernement ait changé.

V.

Retrouver une citation de circonstance.

Dictionnaire des séries 47

Les enfants s’dépêchaient d’souper
Pour voir leur père jouer à tévé
En espérant le voir compter
D’octobre aux éliminatoires
Du Holiday Inn à patinoire
J’traversais les États sans les voir
(Pierre Bertrand, «Hockey»,
chanson, dans Beau dommage, Passagers, 1978)

«La vraie saison commence», titrait RDS.ca le 26 avril 2013. Ce n’est pas très gentil pour ce qui l’a précédée. Faudrait-il parler de fausse saison pour désigner les matchs joués avant les séries éliminatoires ?

Ces séries éliminatoires ont porté, et portent encore, plusieurs noms.

Détail

Mes chers amis, parce que je joue toujours avec tant d’ardeur et que j’ai eu du troubbe à Boston, j’ai été suspendu. Je suis vraiment peiné de ne pouvoir m’aligner avec mes copains du Canadien dans les séries de détail (Maurice Richard, déclaration à la radio et à la télévision, 18 mars 1955).

Finales

Y a des finales jusqu’au mois d’mai
(Dominique Michel, «Hiver maudit : j’hais l’hiver», chanson, 1979)

Playoffs

En fin d’saison c’est l’désespoir
Pour éviter la catastrophe pis faire les playoffs
(Alain-François, «C’est pour quand la coupe Stanley ?», chanson, 2007)

L’important est de les gagner, voire de les balayer. Alors, et alors seulement, on pourra «boire de la Coupe sacrée yeah» (Annakin Slayd, «La 25ième», chanson, 2009).

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)