Le plaisir télévisuel de la bagarre

Hier, tant à la radio de Radio-Canada que dans le Devoir, on célébrait le soixantième anniversaire de la première diffusion d’un match de hockey à la télévision canadienne.

Il faudra un jour penser à célébrer l’anniversaire de la première bagarre entre joueurs à être décrite par René Lecavalier. L’Oreille tendue ne sait pas exactement à quel moment cela a eu lieu, mais elle a déjà entendu le début de cette description, inouïe jusque-là : «C’est la première fois, incidemment, que nos appareils de télévision ont le plaisir de vous présenter une bagarre.»

On peut retrouver cette déclaration édifiante, et à la langue un brin étrange («nos appareils […] ont le plaisir»), dans la deuxième émission de Maurice Richard. Histoire d’un Canadien / The Maurice Rocket Richard Story, le docudrame signé par Jean-Claude Lord et Pauline Payette en 1999.

C’était le bon vieux temps.

Ville, as-tu du cœur ?

L’Oreille tendue ne cesse de remplir sa besace à urbanités.

Puisqu’elle habite en ville, en l’occurrence Montréal, elle peut, grâce à Tagada, «Faire son marché urbain».

Elle peut aussi y assister au festival Juste pour rire. Vidéotron y commandite «Les grands spectacles urbains» (la Presse, 18 juillet 2012, cahier Arts, p. 3, publicité). Enfin ! De l’urbain en ville !

Si elle préfère des divertissements moins populaires, un Salon urbain branché la comblera peut-être. Il n’est pas impossible qu’elle puisse y entendre de la «musique urbaine engagée».

Mais où est précisément l’urbain ? De deux choses l’une.

Il est parfois tout proche : l’aventure peut être au bout de la rue. Ce n’est pas «l’aventurier urbain» qui contredira l’Oreille (le Devoir, 10 septembre 2012, p. B5).

Il peut aussi être un peu plus éloigné, car la ville est dorénavant partout : «Gaspésie. Diversité, urbanité et chanson franco au Festival Musique du bout du monde» (le Devoir, 8 août 2012); «Québec, ville urbaine…» (publicité radio).

Peu importe, en fait, à condition que le corps, lui, soit urbain.

Rue Saint-Denis, à Montréal, on peut soigner son «Urban Body». Dans la Vieille Capitale, on choisira plutôt «Cardio urbain».

La ville est ce monde qui contient tous les mondes.

La fôret (sic) urbaine

Les mots pour dire qu’on le dit

Dans les médias, à une époque encore récente, il fallait, avant de parler, dire Écoutez. L’autre devait prêter l’oreille. Il y avait apparence de dialogue.

Les temps changent.

On commence maintenant avec Je vous dirais que, on insiste avec Ce que je suis en train de vous dire et on s’assure de ne rien laisser au hasard avec Vous comprendrez que / Il faut comprendre que / Vous devez comprendre que.

Il importe moins de dire quelque chose que de dire que l’on est en train de dire quelque chose, et que ce quelque chose devrait se passer d’interprétation. De la «communication» comme monologue.

P.-S. — Dire se retrouve donc dans une situation semblable à celle de parler.

(Merci à @smartineau40 et à @Hortensia68 d’avoir prêté leur oreille à l’Oreille.)

La mort de la conversation
La mort de la conversation, Montréal, octobre 2012

Autopromotion 045

L’Oreille tendue a beaucoup écrit sur la récente campagne électorale québécoise (c’est ici).

Elle en avait aussi parlé à la radio québécoise.

Cette semaine, c’est au micro de Jonathan Weiss, dans le cadre de l’émission Europe Amériques, sur Radio Cultures Dijon, qu’on peut l’entendre (et pendant plus de 27 minutes), toujours sur le même sujet.

Langue de lock-out

La Ligue nationale de hockey a mis ses joueurs en lock-out. Comment dire les conséquences de cela ?

Il y a le registre biblique : «Avec le lock-out vient l’exode» (Métro, 17 septembre 2012, p. 1).

Un partisan, interrogé dans un vox-pop, préférait la culture grecque : «Tragique. Ouin. Tragique » (merci à @OursAvecNous).

En matière littéraire, on peut faire appel à George Orwell : «Le lock-out de Big Brother

L’Oreille tendue ne sait pas si René Homier-Roy est fin psychologue, mais, le 17 septembre, à son émission radiophonique, C’est bien meilleur le matin, l’animateur disait du lock-out qu’il était un «psychodrame».

Il était prévisible qu’apparaissent de mauvais jeux de mots propres au sport concerné. La Presse : «La saison sur la glace» (17 septembre 2012, cahier Sports, p. 1).

Le lock-out pourrait pourtant avoir du bon : «Sans lock-out, le renvoi de Louis Leblanc à Hamilton aurait été la source d’une guerre civile autour du Centre Bell et dans les tribunes téléphoniques» (la Presse, 18 septembre 2012, cahier Sports, p. 3). Heureusement, on aura évité cette «guerre civile».

On pourrait donc «Survivre au lock-out de la LNH» (la Presse, 19 septembre, cahier Arts, p. 1).

Le lock-out a six jours. La saison ne devait commencer qu’au début octobre. Ça sera long longtemps.

P.-S. — Une chose est sûre : comme le faisait remarquer @PimpetteDunoyer sur Twitter, si le conflit dure quelques jours, ce sera une «saga».