Fredonner sans fin

Vous vous réveillez le matin avec un petit air en tête : Joe Dassin, Renée Martel, Stockhausen. Vous ne pouvez plus vous en défaire de toute la journée. Comment appeler cela ?

Monique Giroux, de Radio-Canada, proposait, à une certaine époque, chanson poison.

Sur le modèle de music worm, une fidèle lectrice de l’Oreille tendue, @PimpetteDunoyer, utilise ver sonore. Elle dirige ses lecteurs vers une bande dessinée en ligne, sur le blogue BD de cul, qui illustre bien l’affaire.

Quel que soit le terme retenu, une chose est sûre : c’est bien peu appétissant. Ça peut même être mortel.

Coincés ensemble

À la radio de Radio-Canada, hier : «Il y a interblocage à l’intersection des rues X et Y.» Traduction libre : un véhicule a voulu passer au vert; la circulation devant lui l’en a empêché; quand le feu tourne au rouge, il est coincé dans le carrefour et il gêne le passage des autres; il bloque donc toute l’intersection, d’où interblocage.

Le Grand Dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française ne connaît pas le mot dans ce sens, mais il existe un interblocage en informatique : «Situation qui provoque un blocage complet du système et qui se produit lorsque deux programmes tentent d’avoir accès à une même ressource simultanément, ou lorsque l’un d’entre eux attend une information que seul l’autre peut lui fournir, mais est temporairement dans l’impossibilité de le faire.» Le mot a notamment pour synonymes étreinte fatale, étreinte mortelle et verrou mortel.

On le voit : au-delà de la circulation et de l’informatique, interblocage pourrait être utilisé à plusieurs autres sauces, de la discussion politique à la vie de couple.

Earl Jones et le pion

À chacun ses détestations : un des collègues de l’Oreille tendue aime rappeler que l’adjectif soi-disant ne peut caractériser qu’une personne. «La soi-disant liberté de pensée reste parfaitement illusoire», écrit Gide (selon le Petit Robert, édition numérique de 2007) ? Non, dixit ce collègue. Gide est un soi-disant écrivain ? Oui. Soi-disant, c’est quelqu’un qui dit quelque chose de lui-même. (L’Oreille est d’accord avec ce collègue. Ça lui arrive. C’est le pion en elle.)

Elle pense à cette distinction à toutes les fois qu’elle entend Radio-Canada présenter un criminel à cravate montréalais en utilisant la formule suivante : «le soi-disant conseiller financier Earl Jones».

Première interrogation : est-ce bien Earl Jones qui se disait «conseiller financier» ? Si oui, soi-disant est bienvenu. Sinon, l’Oreille préférerait prétendu.

Seconde interrogation : n’est-ce pas là une bonne façon, pour les médias, de nous faire comprendre qu’un vrai conseiller financier ne ferait pas ce qu’a fait ce soi-disant conseiller financier ? Voilà une réputation collective bien protégée par les médias.