Parlons sport en famille

Quand il ne se fracture pas quelque chose — en l’occurrence, la plaque de croissance (si si) —, l’aîné de l’Oreille tendue joue au football (le nord-américain).

Lui et elle parlent donc fréquemment sport.

Première constatation. Depuis qu’elle est petite, l’Oreille sait qu’il existe un vocabulaire français du football, mais l’usage de celui-ci paraît en voie de disparition, y compris dans les collèges francophones où on pratique ce sport. Son aîné est demi défensif, mais il se définit lui-même comme dibi (defensive back). Ses coéquipiers sont o line (joueurs de ligne offensive) ou di line (joueurs de ligne défensive), et le reste est à l’avenant.

Deuxième constatation. On a souvent dit que le vocabulaire militaire imprègne celui du football. Les joueurs défensifs mènent des blitz, devant des attaques aériennes qui n’hésitent pas à pratiquer la bombe, mais chacun sait que les matches se gagnent dans les tranchées, là où l’on souhaite créer des brèches, voire des ouvertures béantes. Cette ressemblance est réelle mais limitée.

Troisième constatation. Il semble y avoir peu d’expressions propres au football en français, outre le lexique descriptif (équipement, rôle des joueurs, phases du jeu, etc.). Les porteurs de ballon essaient de tourner le coin; s’ils y parviennent, le terrain s’ouvre, libre, devant eux. Les receveurs de passe ont intérêt à créer de la séparation; cela les éloigne de ceux qui les poursuivent, pleins de mauvaises intentions. Les uns et les autres ont intérêt à avoir de bonnes mains; ainsi, ils n’échapperont pas le ballon. (Souvenez-nous, dans l’adaptation cinématographique du Monde selon Garp de John Irving, de Roberta Muldoon, ce joueur de football ayant changé de sexe : «I had a great pair of hands», disait-elle de lui-même.) Pour gagner, il faut éviter de laisser trop de points sur le terrain et frapper dès que l’on se trouve dans la zone payante.

Bref, le football ne paraît pas avoir, du moins en français, la même inventivité lexicale que le hockey ou le baseball. Serait-ce parce qu’il est devenu populaire auprès des francophones plus tardivement que les deux autres sports ?

Il faudra que l’Oreille organise, à la manière d’un caucus, un solide échange père-fils là-dessus.

«Plaque de croissance» en réhabilitation

«Se vouloir», encore

L’Oreille tendue a des relations difficultueuses avec le verbe réfléchi se vouloir. Elle en parlait déjà, il y a jadis naguère, ici.

Quand elle lit, dans le Devoir des 22-23 septembre, en titre, page C7, «Le Sporting KC se voudra une difficile commande pour l’Impact», elle se dit que ces relations ne vont pas s’améliorer.

De Stockholm à Montréal

L’Oreille le disait hier : la fin de semaine dernière, la Ligue nationale de hockey a mis ses joueurs en lock-out.

Certains ont déjà accusé les uns (les propriétaires) ou les autres (les joueurs), voire les deux, de «prendre en otage» les partisans.

Cela pose un problème.

Habituellement, quand on les prend, les otages ne sont pas sympathiques à ceux qui les prennent. S’il leur arrive de le devenir, on parle du syndrome de Stockholm. Celui-ci, selon Wikipédia, «désigne la propension des otages partageant longtemps la vie de leurs geôliers à développer une empathie, voire une sympathie, ou une contagion émotionnelle avec ces derniers».

Au hockey, la situation est bien différente : en temps normal, les otages (les partisans) partagent, en quelque sorte, «la vie de leurs geôliers» (joueurs et propriétaires) et, souvent, sympathisent avec eux. Ils ne les privent de leur empathie et de leur émotion qu’au moment des conflits de travail.

Pour résumer : d’une part, des personnes qui ne sont pas sympathiques à leurs kidnappeurs, mais qui, une fois enlevées, le deviennent et le restent; de l’autre, des personnes sympathiques à leurs ravisseurs, qui s’en éloignent pendant la «prise d’otage», pour s’en rapprocher une fois le conflit terminé (si le passé est garant de l’avenir).

Comment appeler cette étrange attitude ? Le syndrome de l’aréna ? Le syndrome de Montréal ?

Langue de lock-out

La Ligue nationale de hockey a mis ses joueurs en lock-out. Comment dire les conséquences de cela ?

Il y a le registre biblique : «Avec le lock-out vient l’exode» (Métro, 17 septembre 2012, p. 1).

Un partisan, interrogé dans un vox-pop, préférait la culture grecque : «Tragique. Ouin. Tragique » (merci à @OursAvecNous).

En matière littéraire, on peut faire appel à George Orwell : «Le lock-out de Big Brother

L’Oreille tendue ne sait pas si René Homier-Roy est fin psychologue, mais, le 17 septembre, à son émission radiophonique, C’est bien meilleur le matin, l’animateur disait du lock-out qu’il était un «psychodrame».

Il était prévisible qu’apparaissent de mauvais jeux de mots propres au sport concerné. La Presse : «La saison sur la glace» (17 septembre 2012, cahier Sports, p. 1).

Le lock-out pourrait pourtant avoir du bon : «Sans lock-out, le renvoi de Louis Leblanc à Hamilton aurait été la source d’une guerre civile autour du Centre Bell et dans les tribunes téléphoniques» (la Presse, 18 septembre 2012, cahier Sports, p. 3). Heureusement, on aura évité cette «guerre civile».

On pourrait donc «Survivre au lock-out de la LNH» (la Presse, 19 septembre, cahier Arts, p. 1).

Le lock-out a six jours. La saison ne devait commencer qu’au début octobre. Ça sera long longtemps.

P.-S. — Une chose est sûre : comme le faisait remarquer @PimpetteDunoyer sur Twitter, si le conflit dure quelques jours, ce sera une «saga».

Festival (orange)

On le sait : rien de tel que les festivals pour rassembler les Québécois. Il y en a de toutes sortes dans la Belle Province, à l’année longue.

La chose est tellement populaire que le mot qui la désigne a migré de ses usages circonscrits (le Festival du cochon de Sainte-Perpétue, par exemple) vers un emploi plus extensif. Deux exemples.

Au football (le canadien ou l’américain, pas le soccer), quand l’arbitre jette (trop) souvent son mouchoir (orange) — c’est le signe qu’une infraction a été commise —, on parle, du moins dans l’environnement sportif de l’aîné de l’Oreille tendue, de «festival du mouchoir».

À la radio de Radio-Canada, le 18 septembre, une mairesse d’arrondissement montréalais(e) se plaignait de la difficulté de circuler à Montréal. Ce serait la faute au «festival des cônes orange».

Des festivals ? Il y en a pour tous les goûts.

Restauration italienne + cônes orange = corruption ?