Ce samedi, l’Oreille tendue, une fois de plus, roulait sur l’autoroute des Laurentides. Elle y découvre la vie nocturne au Mont Saint-Sauveur :
Insomniacs, donc. Insomniaques aurait fait trop plouc ? Pas assez mondialisé ? Pire : français ?
« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
Ce samedi, l’Oreille tendue, une fois de plus, roulait sur l’autoroute des Laurentides. Elle y découvre la vie nocturne au Mont Saint-Sauveur :
Insomniacs, donc. Insomniaques aurait fait trop plouc ? Pas assez mondialisé ? Pire : français ?
Les amateurs de football — le nord-américain, pas le soccer — le savent : quand une équipe approche de la zone des buts de l’autre équipe, elle entre dans la zone payante (red zone dans la langue de Tom Brady).
Joe Paterno, un célèbre instructeur de football universitaire, vient de mourir. Pour assister au service religieux en sa mémoire, qui a lieu aujourd’hui, il faut payer sa place.
L’expression zone payante vient de prendre un sens nouveau.
Dans la Presse du 21 janvier, le chroniqueur sportif François Gagnon consacre un article aux effets des nouvelles technologies sur son métier. Il y fait notamment remarquer que ses lecteurs exigent maintenant d’être informés en temps réel. Sa réaction ? «Simonac ! Il y a cinq ans à peine, ces réponses étaient offertes dans la Presse du lendemain matin» (cahier Sports, p. 2).
Simonac, donc. Il s’agit d’un de ces sacres d’inspiration religieuse dont le Québec est si friand. Pour Léandre Bergeron, en 1981, qui retient la graphie simonaque, ce serait toutefois un juron «inoffensif» (p. 151).
Simonac / simonaque pose un intéressant problème d’exégèse sacrée.
D’une part, il semble témoigner d’une solide érudition ecclésiastique. Selon toute vraisemblance, il viendrait de l’adjectif simoniaque : «Coupable ou entaché de simonie», explique le Petit Robert, la simonie étant la «Volonté réfléchie d’acheter ou de vendre à prix temporel une chose spirituelle (ou assimilable à une chose spirituelle)» (édition numérique de 2010).
D’autre part, on entend parfois saint-simonac, par exemple dans le Matou d’Yves Beauchemin (éd. de 2007, p. 143). Un saint qui pratiquerait la simonie ? Ça ferait désordre, non ?
[Complément du 9 janvier 2018]
Comme dans la bande dessinée Motel Galactic, le dessinateur Côté, dans la Presse+ du 7 janvier dernier, propose la graphie simonak. Ça se défend.
[Complément du 4 mars 2019]
La romancière Sylvie Drapeau propose une autre graphie : «C’est de l’amour, cimonaque !» (l’Enfer, p. 90)
[Complément du 8 août 2019]
En 1976, dans la pièce Un pays dont la devise est je m’oublie, Jean-Claude Germain écrivait «simonacque» (p. 104).
Illustration : Francis Desharnais et Pierre Bouchard, Motel Galactic. 2. Le folklore contre-attaque, Montréal, Éditions Pow Pow, 2012, 101 p., p. 86.
Références
Beauchemin, Yves, le Matou. Édition définitive, Montréal, Fides, 2007, 669 p. Édition originale : 1981.
Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise précédé de la Charte de la langue québécoise. Supplément 1981, Montréal, VLB éditeur, 1981, 168 p.
Drapeau, Sylvie, l’Enfer. Roman, Montréal, Leméac, 2018, 94 p.
Germain, Jean-Claude, Un pays dont la devise est je m’oublie. Théâtre, Montréal, VLB éditeur, 1976, 138 p.
À 13 h, l’Oreille tendue sera à l’émission Dans le champ lexical sur les ondes de CIBL. Elle y lira un texte sur les lieux communs du sport. Et elle chantera.
[Complément du jour]
On peut (ré)entendre l’émission ici; l’intervention de l’Oreille se trouve dans les six premières minutes, chanson incluse.
Les fils de l’Oreille tendue pratiquent, l’hiver venu, un sport de glisse. Cela l’oblige à fréquenter plus que d’habitude les autoroutes autour de Montréal.
Généralement, elle n’accorde qu’un coup d’œil distrait aux panneaux publicitaires qui bordent icelles. Cela lui suffit pour se convaincre du bel avenir des spas au Québec.
En revanche, un panneau vient d’apparaître, qui lui a donné un (petit) choc. Les usagers de l’autoroute 15 connaissent la halte routière qui répond au folklorique nom de «La-porte-du-nord» (traits d’union inclus). Comment annonce-t-on aux automobilistes qu’ils s’en approchent et qu’ils pourront s’y sustenter ? D’un mot : «Enfaim !»
Pour paraphraser le journaliste sportif du Devoir : excusez l’Oreille, elle va aller perdre connaissance.