Les experts

Qu’ont en commun Benoît Brunet, Mario Tremblay et Joël Bouchard ? Ce sont d’anciens joueurs de hockey reconvertis dans le commentaire sportif.

Au Québec, on dit parfois que ce sont des joueurnalistes. En France, on les appelle consultants. Ce n’est guère mieux dans un cas que dans l’autre.

Les joueurnalistes ne sont pas journalistes (ils ne font aucun travail journalistique) et tous ceux qu’on nomme joueurnalistes ne sont pas d’anciens joueurs (pensons aux ex-entraîneurs Michel Bergeron et Jacques Demers ou à l’ex-arbitre Ron Fournier).

Les consultants, eux, ont mauvaise réputation partout dans le monde. On les considère assez généralement comme des créatures improductives.

On devrait pouvoir trouver mieux.

 

[Complément du 15 février 2017]

Dans la Presse+ du jour, le journaliste Patrick Lagacé, à la suite du congédiement de Michel Therrien par les Canadiens de Montréal — c’est du hockey —, propose un terme spécifique pour les entraîneurs recyclés : «À moins qu’il ne redevienne coachnaliste à RDS, comme il l’était avant de revenir diriger le CH.» C’est noté.

 

[Complément du 19 décembre 2017]

L’Oreille tendue ne connaissait que la graphie joueurnaliste. En lisant «2018 avant 2018» de Jean-Philippe Martel dans la plus récente livraison du magazine Lettres québécoises (168, hiver 2017), elle découvre que l’ancien joueur de foot Patrick Leduc serait joueurnalyste (p. 70). Une recherche rapide sur Google semble indiquer que Leduc, qui se définit lui-même par ce terme, est (presque) le seul à ainsi faire entrer l’analyste dans le joueur.

 

[Complément du 1er novembre 2020]

Exemple romanesque, chez Hugo Beauchemin-Lachapelle (2020) : «Et soudain, une phrase tombe de la bouche d’un des joueurnalistes. Elle est aussitôt retransmise à plus d’un million de téléspectateurs» (p. 32).

 

Référence

Beauchemin-Lachapelle, Hugo, la Surface de jeu. Roman, Montréal, La Mèche, 2020, 276 p.

La capitale des capitales ?

Québec — qui aime de moins en moins qu’on l’appelle comme ça — est souvent désignée par l’expression la Vieille Capitale.

Ce n’est pas tout. Il lui arrive de se dire «capitale mondiale de la planche à neige» (le Devoir, 16 mars 2007, p. B1), «capitale de Noël» (le Devoir, 16 décembre 2009, p. A1), «capitale littéraire favorisant la création en émergence» (programme Première ovation), «capitale de la joie de vivre» (publicité de la bière la Quatre-centième), «capitale des lettres et de l’édition» (Lettres québécoises, numéro 137, printemps 2010, p. 14) ou capitale gastronomique, selon le titre du livre d’Anne L. Desjardins (Montréal, Éditions La Presse, 2008).

Le quotidien la Presse, en première page de son édition d’hier, posait une question plus fâcheuse pour les Québecquois : «Québec, capitale de la droite ? Non, affirment les résidants de la Vieille Capitale.»

Qui croire ?

Saveurs d’arômes

L’Oreille tendue a déjà relevé combien l’expression à saveur était populaire au Québec.

Trois rappels, à saveur sportive :

«Une équipe canadienne à saveur québécoise au Super Bowl junior» (la Presse, 22 janvier 2004, p. S9);

«Une victoire à saveur québécoise» (la Presse, 13 février 2004, p. S3);

«Une rencontre à saveur d’entraînement» (la Presse, 8 juin 2007, cahier Sports, p. 11).

Il ne faut cependant pas l’oublier : qui dit saveur dit aussi arôme.

Exemple, avec arôme musical :

Ce qui distingue Mille Monarques des autres groupes qui émergent sur la scène montréalaise est sans aucun doute l’usage qu’ils font de la langue française. Au-delà du cliché des paroles poétiques, Mille Monarques nous offre des textes aux arômes naturalistes, symboliques, mystiques, surréalistes, épiques. Ils explorent les éléments que sont la terre, l’eau, l’air et le feu, usent de métaphores animales et organiques fulgurantes, visitant la noirceur pour mieux chercher la lumière, créant ainsi des «chansons tatouages» qui s’incrustent dans la chair.

Une fois constatée la richesse des arômes du groupe Mille Monarques, tous au pluriel — «naturalistes, symboliques, mystiques, surréalistes, épiques» —, on pourra légitimement se demander si les «chansons tatouages» sont des «chansons poison».

Croisements sélectifs

L’«alternance codique» (le code-switching), une fois encore, dans un album de bande dessinée portant, en partie, sur le hockey (p. 40).

Duchateau et Denayer, les Casseurs. Match-poursuite. Une histoire du journal Tintin, p. 40, case

De l’inopportunité de la rencontre entre, d’une part, «tabarnak» et «étriver» (agacer, embêter) et, d’autre part, «mettre une de ces culottes» (pas employé au Québec) et «nabot» (là où on attendrait «nain»).

 

Référence

Duchateau, André-Paul et Christian Denayer, les Casseurs. Match-poursuite. Une histoire du journal Tintin, Bruxelles et Paris, Éditions du Lombard, coll. «Les casseurs», 15, 1988, 48 p. Repris dans Denayer & Dûchateau, les Casseurs. L’intégrale, Bruxelles, Le Lombard, 2010, vol. 5.

Zeugmes de Noël

François Hébert, Toute l’œuvre incomplète, 2010, couverture

«Pons ne touche plus à la poutine de Claire,
Ne joue plus au papa, au prof ni au hockey, à rien.»

François Hébert, Toute l’œuvre incomplète, Montréal, l’Hexagone, coll. «Écritures», 2010, 154 p., p. 29.

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«Bon Débarras, du trad d’Amérique et d’errance.»

Yves Bernard, le Devoir, 13 octobre 2010, p. B8.

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«La situation ne pouvait pas demeurer aussi mauvaise et aussi longtemps dans les villes de Montréal et de Québec.»

Claude Galarneau, «L’école, gardienne de la langue», dans Michel Plourde et Pierre Georgeault (édit.), le Français au Québec. 400 ans d’histoire et de vie, Montréal, Fides et Conseil supérieur de la langue française, 2008, p. 148-152, p. 150. Nouvelle édition.

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«De [?] la ville d’où j’arrive, Marrakech, on trouve de tout à pleins souks : des serpents en bois ou en vie, des djellabas, des bracelets, des babouches et écharpes soyeuses.»

Odile Tremblay, «Noël ici et là», le Devoir, 18-19 décembre 2010, p. E2.

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Voilà qui s’appelle mettre tous ses zeugmes dans le même panier.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)