Qui reçoit qui ?

Parmi les sens du mot hôte, retenons-en deux, dans le Petit Robert (édition numérique de 2014) : «Personne qui donne l’hospitalité, qui reçoit qqn.»; «Personne qui reçoit l’hospitalité.» Autrement dit, une chose et son contraire.

Cela rend un brin difficile l’interprétation de cette légende de la Presse+ du 4 novembre 2016.

La Presse+, 4 novembre 2016

Qui a gagné le match ?

 

[Complément du jour]

En 1976, sur son album À deux faces, Plume Latraverse, dans «Jazzette. Qui c’est qui est l’hôte ?», se posait déjà une question semblable.

https://youtu.be/AdC1o7cp9fI

Nouvelles (sportives) du passé

Des lecteurs de l’Oreille tendue, connaissant son intérêt pour la culture sportive, viennent de lui transmettre deux documents qui ne pouvaient que l’intéresser.

Il existe une poésie hockeyistique, à laquelle l’Oreille a consacré quelques articles : à propos de Maurice Richard, par Ford, Metro (sans accent) et Guy Lafleur, autour de Walt Whitman et de Jean Béliveau. Un éditeur ferronien vient de découvrir, signé Russell Young, de Grand-Mère (Québec), un poème honorant, au moment de sa mort, le gardien de but Georges Vézina, celui qui a donné son nom au trophée remis annuellement au meilleur cerbère de la Ligue nationale de hockey. (Le surnom que portait Vézina a durablement marqué les esprits : comment oublier «Le concombre de Chicoutimi» ? Ce surnom ne renvoyait pas à son teint, mais à son lieu de naissance et à son calme : He was cool as a cucumber, pour reprendre une expression commune de la langue de Gump Worsley.) Cet éloge funèbre paraît le 8 avril 1926 dans le St. Maurice Valley Chronicle (Vézina est mort le 27 mars).

Georges Vezina, Goal-guardian brave

Now lies silent in the grave.

Peace be o’er his resting soul.

He has reached life’s greatest goal.

Through life he played the game.

Till disease his health did claim

But all must go to that Promised Land.

Whether life be low or grand.

Le gardien de but («Goal-guardian») est dans sa tombe («grave»), mais il a atteint son but («life’s greatest goal») et rejoint la Terre promise («that Promised Land»).

Voilà pour la première trouvaille. La seconde concerne le lieu où se déroulent les matchs. Aujourd’hui, un joueur puni se rend au banc des punitions, également appelé cachot. Le Courrier de Saint-Hyacinthe du 21 décembre 1945 préfère parler de «frigidaire» (rubrique «Nouvelles de la région», article «Les compteurs du Saint-Hyacinthe»). On y aurait envoyé un «badman», le défenseur Marcel Larochelle, s’y rafraîchir les idées. Pourrait-il néanmoins y réchauffer le banc ? Ce serait paradoxal.

L’Oreille tendue se réjouit d’avoir des lecteurs à l’ouïe si fine et elle les remercie.

Patinez assis

«Je ne suis pas bien du tout assis sur cette chaise.»
De Saint-Denys Garneau, Regards et jeux dans l’espace, 1937

Des joueurs de hockey connaissent du succès grâce à leur coup de patin. D’autres doivent leur carrière à leur vision du jeu. Certains ne jurent que par la rudesse.

Et il y a des joueurs qui réussissent parce qu’ils sont dans la bonne chaise. Traduction libre : leur entraîneur a trouvé la façon optimale de les utiliser.

Des gens apprécient l’expression : «Je sais qu’il y a une perception selon laquelle on défend plus nos structures que nos joueurs, mais notre intérêt principal, c’est que le joueur soit assis dans la bonne chaise» (Sylvain Lalonde, directeur général de Hockey Québec, cité dans la Presse+, 9 mai 2016).

D’autres, moins : «Mon souhait pour la prochaine saison du CH ? Ne plus entendre qu’un joueur est ou n’est pas “dans sa chaise”. Mes oreilles saignent» (@JFBegin).

P.-S.—Cela expliquerait la belle passe que vient de faire Phillip Danault à Torrey Mitchell, sur le deuxième but des Canadiens de Montréal contre les Canucks de Vancouver. Il serait, enfin, assis dans la bonne chaise.

P.-P.-S.—Oui, c’est de la langue de puck.

 

[Complément du 4 janvier 2017]

Foi de Marc Denis, ci-devant cerbère dans la Ligue nationale de hockey, désormais commentateur et analyste au Réseau des sports (RDS), on peut «tomber» dans la bonne chaise. Il l’a du moins déclaré en ondes hier soir.

 

[Complément du 6 novembre 2017]

On peut même être employé dans une chaise. C’est la Presse+ du jour qui le dit : «Cela aussi est un signe encourageant pour l’entraîneur, car le Tricolore nageait un peu dans l’inconnu en employant [Jonathan] Drouin dans cette chaise.»

 

[Complément du 20 février 2019]

Qu’arrive-t-il quand on est dans la mauvaise chaise ? On peut être rétrogradé dans une chaise mieux adaptée, foi de lapresse.ca : «L’éclosion de Strome avec DeBrincat permet au nouvel entraîneur Jeremy Colliton de réunir Jonathan Toews à Patrick Kane au sein du premier trio et de rétrograder Artem Anisimov dans une chaise mieux adaptée à ses capacités au centre du troisième trio.»

 

[Complément du 31 juillet 2019]

La Presse+ du jour est formelle : on peut aussi jouer au football dans une chaise. Ce serait désormais le cas chez les Alouettes de Montréal : «Deux des joueurs qui semblent avoir trouvé la bonne chaise sont Patrick Levels et Greg Reid, qui évoluent tous deux du côté court. Le premier en tant que secondeur et le second comme demi défensif.»

 

[Complément du 1er avril 2020]

L’expression a aussi cours dans le monde des variétés. Jean-Philippe Wauthier l’emploie dans la Presse+ du jour : «Il faut que je trouve le bon ton pour la chaise que j’occupe.» Il est vrai qu’il anime un show de chaises.

 

[Complément du 4 mars 2021]

Dans la Presse+ du jour : «si l’on exclut le poste d’entraîneur des défenseurs, assuré à Luke Richardson jusqu’à la fin de la saison, la seule chaise importante au sein du personnel hockey à ne pas avoir changé de titulaire est maintenant celle du directeur général». Il en est, semble-t-il, du titulaire de chaise comme du titulaire de poste.

 

[Complément du 11 janvier 2023]

Les Canadiens de Montréal mettent à l’essai Jesse Ylönen. Pourquoi ? Réponse de l’entraîneur Martin Saint-Louis, sur le site du Réseau des sports : «Que tu sois un gars de troisième ligne, de deuxième ligne ou de première ligne, il y a tout le temps quelqu’un qui veut essayer de prendre ta chaise. Ylo, l’opportunité qu’il a en venant ici, c’est de voler une chaise à quelqu’un.»

Manchette de RDS : «Ylönen à Montréal pour “voler une chaise”», 11 janvier 2023

[Complément du 18 janvier 2023]

Au lieu de voler une chaise, pourquoi ne pas simplement la prendre ? «Il a été un pro, il ne s’est pas plaint, il travaille fort, a résumé St-Louis. Je suis content qu’il soit récompensé. Avec les blessures et les mauvaises performances en son absence, il prend une chaise» (la Presse+, 18 janvier 2023).

 

Référence

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture

Correspondre grâce à Guy Lafleur

Série de tombres-poste «Les héros du hockey», 2016

 

On a beaucoup dit, depuis le milieu des années 1990 et l’apparition du World Wide Web, que la correspondance manuscrite était appelée à disparaître. L’Oreille tendue ne partage pas tout à fait ce point de vue.

Quoi qu’il en soit, cette menace n’empêche pas l’émission de nouveaux timbres-poste.

Récemment, Postes Canada a décidé de commémorer la carrière de Guy Lafleur, le célèbre ailier droit des Canadiens de Montréal, des Rangers de New York et des Nordiques de Québec — c’est du hockey. (Pour en savoir plus sur la représentation culturelle de Guy Lafleur, on clique ici.) Dans la série «Les héros du hockey», il figure à côté de Sidney Crosby, Phil Esposito, Mark Messier, Darryl Sittler et Steve Yzerman. Voilà «six des plus grands attaquants canadiens de la LNH à avoir joué». Cela se défend. Dire de chacun qu’il est un «héro», comme le fait Postes Canada, non.

Lafleur n’est pas le premier joueur des Canadiens à être honoré de la sorte.

Le visage de Maurice Richard a orné une série de timbres émis pour souligner la 50e édition du match des étoiles de la Ligue nationale de hockey en 2000. Il y côtoyait deux coéquipiers, Doug Harvey et Jacques Plante, et trois autres joueurs, Wayne Gretzky, Gordie Howe et Bobby Orr.

Série de timbres-poste, 50e édition du match des étoiles, 2000

 

Rebelote en 2009, au moment de l’interminable centenaire de l’équipe montréalaise. Les joueurs retenus ? De nouveau Harvey, Lafleur, Plante et Richard, en plus de Jean Béliveau, Yvan Cournoyer, Ken Dryden, Bob Gainey, Bernard Geoffrion, Dickie Moore, Howie Morenz, Henri Richard (le frère de l’autre), Larry Robinson, Patrick Roy et Serge Savard.

Série de timbres-poste, centenaire des Canadiens de Montréal, 2009

 

La lettre est peut-être moribonde; pas l’enveloppe.

P.-S.—Il n’est pas du tout impossible que des timbres hockeyistiques aient échappé à l’attention de l’Oreille tendue. Elle n’est pas philatéliste.

P.-P.-S.—Dans son livre de 2006, l’Oreille avait déjà parlé du timbre de Maurice Richard de 2000.

 

Références

Melançon, Benoît, les Yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle, Montréal, Fides, 2006, 279 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Nouvelle édition, revue et augmentée : Montréal, Fides, 2008, 312 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Préface d’Antoine Del Busso. Traduction : The Rocket. A Cultural History of Maurice Richard, Vancouver, Toronto et Berkeley, Greystone Books, D&M Publishers Inc., 2009, 304 p. 26 illustrations en couleurs; 27 illustrations en noir et blanc. Traduction de Fred A. Reed. Préface de Roy MacGregor. Postface de Jean Béliveau. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2012, 312 p. 42 illustrations en noir et blanc. Préface de Guylaine Girard.

Melançon, Benoît, Épistol@rités, Saint-Cyr-sur-Loire, publie.net, coll. «Washing Machine», 2013. Édition numérique. Recueil de trois textes : Sevigne@Internet. Remarques sur le courrier électronique et la lettre (1996), «Postface inédite : Quinze ans plus tard» (2011) et «Épistol@rités, d’aujourd’hui à hier» (2011). [Livre numérique] [PDF] [ePub]

Guy Lafleur, série de tombres-poste «Les héros du hockey», 2016

 

Benoît Melançon, les Yeux de Maurice Richard, éd. de 2012, couverture

Toi, mon pâté chinois

Le pâté chinois, plat québécois

 

Les défenseurs de la cuisine québécoise se plaignent souvent de son manque de reconnaissance sur la scène publique. Outre la poutine, autrefois mise en livre par Charles-Alexandre Théoret (2007), il faudrait encenser les richesses de la cuisine d’ici.

Ce souhait est parfois accompagnée d’une interrogation sur la place du pâté chinois dans la culture québécoise. Pâté chinois ? Pour aller vite, trois couches : steak haché, maïs (blé d’inde), pommes de terre en purée. Autrement dit, un parent du hachis parmentier. Ce pâté a lui aussi ses livres, signés Bernard Arcand et Serge Bouchard (1995), André Montmorency (1997) ou Jean-Pierre Lemasson (2009).

Ce plat basique — du moins en sa forme canonique — peut également servir à décrire une personne. Exemple tiré de la Presse+ du 21 octobre 2016, où il est question de deux joueurs des Canadiens de Montréal — c’est du hockey —, Carey Price et Shea Weber : «Il n’y a rien de compliqué avec ces deux-là, ils sont du type “steak-blé d’Inde-patates” et on doute fortement qu’ils aient des problèmes de tension.»

Qu’on ne s’y trompe pas : c’est un compliment.

 

Références

Arcand, Bernard et Serge Bouchard, Du pâté chinois, du baseball, et autres lieux communs, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1995, 226 p.

Lemasson, Jean-Pierre, le Mystère insondable du pâté chinois, Verdun, Amérik média, 2009, 139 p. Ill.

Montmorency, André, la Revanche du pâté chinois, Montréal, Leméac, 1997, 253 p.

Théoret, Charles-Alexandre, Maudite poutine ! L’histoire approximative d’un plat populaire, Montréal, Héliotrope, 2007, 160 p. Photos de Patrice Lamoureux.