Interrogation titrologique du jour

Quand les écrivains québécois jouent le jeu !, ouvrage collectif, 1970, couverture

Soit les titres suivants :

En ces territoires, nos pas divergent

Les années s’écoulent lentes et légères

Dans un monde où il se fait tard

Je vous demande de fermer les yeux et d’imaginer un endroit calme

Je mens, songe et m’en tire

Tu vis à Paris, je pense

Les Cookies de l’apocalypse, ou comment j’ai été annulée par l’innommable

Les pommiers dépassaient partout des palissades

Ma laideur n’influence personne

La grande maison en bardeaux rouges qui grince la nuit

La bouche pour montrer une série de lames

Comme si c’était comme ça

Être un geste, un cri, une action

L’art de ne pas avoir toujours raison

Ce que je sais de toi

La version qui n’intéresse personne

Y avait-il des limites si oui je les ai franchies mais c’était par amour ok

On s’arrête là pour aujourd’hui

Mourir de froid, c’est beau, c’est long, c’est délicieux

J’ai montré toutes mes pattes blanches je n’en ai plus

Qu’est-ce qui les caractérise, ces titres ?

Ils apparaissent en couverture d’œuvres québécoises récentes.

Ils comptent au moins six mots.

Ils comportent un verbe, généralement conjugué.

L’Oreille tendue s’interroge triplement.

Est-ce une tendance ?

La titrologie longue a ses précurseurs au Québec, par exemple Jean-Claude Germain (Un pays dont la devise est je m’oublie, Si les Sansoucis s’en soucient, ces Sansoucis-ci s’en soucieront-ils ? Bien parler, c’est se respecter !) ou Victor-Lévy Beaulieu (N’évoque plus que le désenchantement de ta ténèbre, mon si pauvre Abel). Y a-t-il une relance récente de cette pratique ?

Dans un cas comme dans l’autre, pourquoi ?

Tant de questions, si peu de jours.

P.-S.—Bien sûr, il y a des exemples ailleurs qu’au Québec : La prochaine fois que tu mordras la poussière; Te souviens-tu de ta naissance ?

La clinique des phrases (118)

La clinique des phrases, Charles Malo Melançon, logo, 2020

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Du temps où elle enseignait, l’Oreille tendue ne cessait de rappeler à ses ouailles qu’il fallait apprendre à s’affirmer, surtout aux cycles supérieurs. Foin des certains, des sembler, des paraître ! (Il en est question ici.)

Elle s’est fait la même remarque devant un récent titre de presse :

Victimes des faibles salaires qu’ils peuvent offrir à leurs employés, des CPE ne peuvent pas fonctionner au maximum de leur capacité.

Si on lui avait demandé son avis, elle aurait économisé les pouvoir :

Victimes des faibles salaires qu’ils offrent à leurs employés, des CPE ne fonctionnent pas au maximum de leur capacité.

On ne le lui a pas demandé.

Accouplements 230

Couvertures de Martin Robitaille et David Turgeon, collage

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Dans le roman les Déliaisons, de Martin Robitaille (Montréal, Québec Amérique, coll. «Littérature d’Amérique», 2008, 240 p.), le narrateur travaille brièvement à la revue Parallaxe.

Dans le Roman d’Isoline, de David Turgeon (Montréal, Le Quartanier, «série QR», 186, 2024, 196 p.), la narratrice travaille brièvement à la revue Paradoxe.

À quand un roman avec des titres de revues comme Parataxe, Parallèle ou Parachute ?

Réussite titrologique du jour

«Comment casser sans être cassée», titre, la Presse+, 6 août 2023

Dans le français populaire du Québec, qui rompt (une relation amoureuse) casse (avec le ci-devant être aimé).

Qui a peu d’argent est cassé (parfois comme un clou).

Quand on casse, on peut se retrouver cassé(e)(s).

Titre de la Presse+ du 6 août 2023 : «Comment casser sans être cassée.»

Bravo et merci.

Pour la suite du monde, ou pas ?

«Pour la suite du monde», meme, 2022

Au début des années 1960, le cinéaste Pierre Perrault lance Pour la suite du monde. C’est un titre apprécié au Québec (et ailleurs).

Exemples récents :

«Une invitation à marcher pour la suite du monde» (la Presse+, 4 mai 2022).

«Pour la suite du monde» (la Presse+, 2 mai 2022).

«Relance de la culture. Pour la suite du monde» (le Devoir, 12 avril 2022, p. A6).

«Pour la suite du monde» (la Presse+, 8 avril 2022).

«Pour la suite du monde de l’information» (la Presse+, 28 août 2019).

Suivons Nicolas Krief (à qui l’Oreille tendue doit l’illustration ci-dessus; merci) et demandons-nous s’il n’y a pas lieu de laisser tomber ce genre de titre, au moins pour les articles sur le cinéma documentaire.

P.S.—Contre-exemple : le spectacle théâtral Contre la suite du monde.

 

[Complément du 24 mars]

L’expression ne se trouve pas que dans les titres de presse. Que crie le narrateur trop imbibé du roman La soif que j’ai (2024) dans un bar de Sherbrooke ? «Pour la suite du monde !» (p. 105)

 

[Complément du 17 novembre 2024]

Où en sommes-nous ?

«Pour la suite du monde» (la Presse+, 16 novembre 2024).

«Pour la suite du rire» (la Presse+, 11 juin 2024).

«Saison 2024-2025 du Théâtre d’Aujourd’hui. Pour la suite du monde» (la Presse+, 27 mai 2024).

«Pour la suite du monde», le Devoir, 5 janvier 2024, p. A6.

«Pour la suite du monde» (le Devoir, 7 juillet 2023).

«Pour la suite d’un monde» (le Devoir, le D magazine, 28-29 mai 2022, p. 31).

«Butler-Volny : pour la suite du monde», RDS.ca, 4 juin 2024

 

Référence

Dufour-Labbé, Marc-André, La soif que j’ai. Roman, Montréal, Le Cheval d’août, 2024, 139 p.