«Le pigeon couard, fourbe, sale, fade, sot, veule, vide, vil, vain.»
Jean Echenoz, Des éclairs. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2010, 174 p., p. 142.
« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
«Le pigeon couard, fourbe, sale, fade, sot, veule, vide, vil, vain.»
Jean Echenoz, Des éclairs. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2010, 174 p., p. 142.
En voiture, l’autre jour, l’Oreille tendue tombe, avenue Laurier Ouest, sur cette boutique :
Que de richesses en ce seul mot de Biotiful !
Il y a ce bio qui rassure : on n’imagine pas de bébés phoques éviscérés ici. Vert, un jour; vert, toujours.
On sait qu’on sera là dans le beau, celui de beautiful, grâce aux services qu’offre ce «marchand de vie» : épicerie, naturopathie, ostéopathie, massothérapie, herboristerie, cours de yoga, cours de cuisine «sur l’alimentation vivante», aromathérapie. On peut même s’inscrire à des «ateliers de mieux-être» : «Nous offrons une série d’ateliers sur le bien-être via la respiration, l’utilisation de produits naturels, le sport, la méditation…» Le «bien-être» par la «respiration»; voilà qui inspire — c’est le cas de le dire — confiance.
Le mélange de français (bio) et d’anglais (tiful, à prononcer tifoule) sonne moderne à plein.
À simplement regarder la page web de la boutique, on se sent déjà mieux et on se réjouit de pouvoir profiter de cette «augmentation du goût de la vie».
P.-S. — On ne confondra pas ce biotiful avec un autre, aussi vert («Coton biologique») et aussi moderne linguistiquement («Huit is biotiful»), mais dans un créneau un brin différent.
Quiconque connaît intimement l’Oreille tendue le sait : elle vit d’amour et de pomme fraîche. Elle ne va cependant pas jusqu’à parler, comme le font par exemple Marin Dacos et Pierre Mounier dans l’Édition électronique (p. 56), de «l’ogre de Redmond» pour désigner Microsoft. Elle ne craint pas que Bill Gates croque ses enfants. Elle espère ne pas avoir tort.
P.-S. — Le livre est excellent. On peut malgré tout lui reprocher d’utiliser, à trois reprises, l’expression «charte qualité» (p. 110 et 112). Une préposition, est-ce si coûteux ?
Référence
Dacos, Marin et Pierre Mounier, l’Édition électronique, Paris, La Découverte, coll. «Repères», 549, 2010, 126 p.
L’Oreille tendue a eu l’occasion de signaler ici l’existence de quelques périphrases québécoises (PQ). En voici une nouvelle.
Le Devoir des 23-24 octobre 2010 désigne en effet Gilles Marcotte, un ami de l’Oreille tendue, comme le «patriarche de Côte-des-Neiges» (p. F6). Ça ne le rajeunira pas.
L’Oreille tendue apprend que le Canada a un «agenda», ce «Carnet sur lequel on inscrit jour par jour ce qu’on doit faire, ses rendez-vous, ses dépenses, etc.» (le Petit Robert, édition numérique de 2010).
Elle imagine qu’il doit être volumineux.
[Complément du 20 juin 2024]
Cet emploi, directement emprunté à l’anglais, n’est pas propre au Québec. On le trouve, par exemple, dans la traduction hexagonale d’un roman norvégien : «À l’homme qui suit toujours son propre nez, son propre agenda […]» (le Sauveur, p. 73).
Référence
Nesbø, Jo, le Sauveur. Une enquête de l’inspecteur Harry Hole, traduction d’Alex Fouillet, Paris, Gallimard, coll. «Folio policier», 552, 2012, 669 p. Édition originale : 2005.