À vous et à tu

«Si je m’éloigne de toi avec la vitesse du torrent du Rhône, c’est pour te revoir plus vite. Si au milieu de la nuit, je me lève pour travailler, c’est que cela peut avancer de quelques jours l’arrivée de ma douce amie, et cependant dans ta lettre du 23 au 26 ventôse, tu me traites de vous. Vous toi-même. Ah?! mauvaise ?! comment as-tu pu écrire cette lettre ?? Qu’elle est froide ?! Et puis, du 23 au 26, restent quatre jours; qu’as-tu fait, puisque tu n’as pas écrit à ton mari? ?… Ah ?! mon amie, ce vous et ces quatre jours me font regretter mon antique indifférence. Malheur à celui qui en serait la cause ?! Puisse-t-il, pour peine et pour supplice, éprouver ce que la conviction et l’évidence qui servit ton ami me feraient éprouver? ! L’Enfer n’a pas de supplice ! Ni les furies, de serpent ?! Vous? ! Vous ?! Ah? ! que sera-ce dans quinze jours…»

Lettre de Napoléon Bonaparte à Joséphine, 30 mars 1796, citée dans Roger Iappini, Napoléon jour après jour. De la naissance au 18 brumaire, Turquant, Cheminements, 2009, p. 176.

Hier, c’est aujourd’hui

En 2004, le Dictionnaire québécois instantané, que cosignait l’Oreille tendue, avait une entrée «rationalisation, rationaliser» :

En termes clairs : congédier. «Dans le but de simplifier sa structure de gestion et d’exploitation, Canoë rationalise son effectif en ligne en supprimant 65 postes dans l’ensemble de ses établissements au Canada, ce qui représente une réduction d’environ 30 % de son personnel» (le Devoir, 16 août 2000) (p. 186).

Ces mots étaient rattachés à d’autres : «compressions», «déficit zéro», «faire plus avec moins», «gras (couper dans le ~)» et «gras dur», «néolibéral», «réingénierie», «restructuration», «sous-traitance».

Depuis douze ans, l’Oreille avait l’impression que rationalisation était tombé en obsolescence.

Que nenni : «La Laurentienne emprunte à son tour la voie de la rationalisation», titre le Devoir du jour (p. B1). Le sous-titre montre bien qu’il s’agit toujours des mêmes types de comportement : «La banque éliminera 300 postes et fusionnera 50 succursales, mais le syndicat l’accuse de chercher à diviser pour mieux imposer son modèle.»

Dont acte.

P.-S. — Des synonymes pour rationaliser ? Par ici.

 

Référence

Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.

Benoît Melançon, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, 2004, couverture

Il n’est pas misogyne, lui

«Le huard aime Hillary», la Presse+, 28 septembre 2016

Lundi dernier avait le premier débat de la campagne présidentielle états-unienne. Il y a été question d’économie (selon Hillary Clinton et Donald Trump) et de la misogynie supposée du candidat républicain.

Le dollar canadien, lui, ne pourra pas être accusé de pareil comportement : «Le huard aime Hillary», titre la Presse+ du jour.

P.-S. — Si la zoophilie désigne l’«amour [chez les humains] pour les animaux» (le Petit Robert, édition numérique de 2014), quel est le mot pour dire l’amour des humains chez les animaux ?

L’imaginaire social en colloque

Les 14, 15 et 16 septembre 2017 se tiendra à Montréal, sous la direction d’Alex Gagnon et Sylvano Santini, un colloque intitulé Le concept d’«imaginaire social». Nouvelles avenues et nouveaux défis.

L’Oreille tendue se réjouit de faire partie de son comité scientifique.

L’appel de communications se trouve ici.

Adage du jour

«Méchante bibitte», publicité de Volkswagen, 2011

Le Petit Robert (édition numérique de 2014) lui connaît deux sens — «insecte», «petite bête» —, trois aires de reproduction — «Canada, Vanuatu, Seychelles» — et quatre graphies — «bébite», «bebite» «bibit(t)e».

Le dictionnaire en ligne Usito est plus riche sur le plan du sens : «insecte», «petite bête, souvent sauvage», «personne ou chose inconnue, étrange, étrangère», «problème». Ajoutons à cela un «adverbe complexe» : «en bibite».

En revanche, ni l’un ni l’autre ne relèvent un adage bien connu au Québec formé avec bibitte. Exemple tiré d’une revue artisanale québéco-belge : «Quelle ne fut pas ma stupeur de constater que mon aventurière s’émerveillait de voir les araignées prendre son corps pour une montagne, persuadée qu’elle était que les petites bibittes ne mangent pas les grosses.»

En effet, les petites bibittes ne mangeraient pas les grosses.

P.-S. — Oui, certes, les araignées ne sont pas des insectes.

 

Référence

Laroche, Yves, «De l’araignée, de l’amour et de la poésie», Gnou, deuxième ruade, août 1996, [s.p.].