(Accouplements : une rubrique où l’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux textes d’horizons éloignés.)
Le 15 octobre 1759, Diderot écrit à Sophie Volland :
On parla ensuite d’un monsieur de St. Germain qui a cent cinquante à cent soixante ans, et qui se rajeunit quand il se trouve vieux. On disait que si cet homme avait le secret de rajeunir d’une heure, en doublant la dose, il pourrait rajeunir d’un an, de dix, et retourner ainsi dans le ventre de sa mère (éd. Chouillet 1986, p. 170).
En 2014, Éric Chevillard, dans le Désordre azerty :
Le quinquagénaire d’aujourd’hui avait trente ans au XIXe siècle. Le trentenaire de l’époque avait lui-même dix-huit ans et le garçonnet de dix ans n’était pas né encore (p. 79).
La littérature : machine à remonter le temps.
[Complément du 30 novembre 2016]
On peut retourner dans le ventre de sa mère ou ne pas naître. On peut aussi sortir du temps, comme dans «Jouvence», court texte que publie Nicolas Guay en 2015.
Cette crème rajeunissante promettait «dix ans de moins en dix minutes». La petite Jessica, cinq ans, trouva le pot dans la pharmacie et reconnut la pommade que sa maman utilisait tous les matins. Vous savez comment sont les enfants, ils aiment bien imiter leurs parents. Ainsi, Jessica se badigeonna généreusement le visage du produit. Moins de dix minutes plus tard, la petite disparaissait. On eut beau la chercher partout, on ne trouva que ses vêtements et le pot vide de crème rajeunissante.
Encore une fois, c’est mathématique.
P.-S.—L’Oreille tendue a présenté le Désordre azerty le 28 mars 2015.
Références
Chevillard, Éric, le Désordre azerty, Paris, Éditions de Minuit, 2014, 201 p.
Chouillet, Jacques, Denis Diderot-Sophie Volland. Un dialogue à une voix, Paris, Librairie Honoré Champion, coll. «Unichamp», 14, 1986, 173 p.
Guay, Nicolas, Comme un léger malentendu, Chez l’auteur, 2015. Édition numérique.