La 261e livraison de la bibliographie que consacre l’Oreille tendue au XVIIIe siècle est ici.
« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
La 261e livraison de la bibliographie que consacre l’Oreille tendue au XVIIIe siècle est ici.
(Accouplements : une rubrique où l’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux textes d’horizons éloignés.)
La correspondance d’Abélard et Héloïse date du Moyen Âge. Son prestige était tel que, sous la Révolution française, Alexandre Lenoir, qui devait protéger de la destruction les sculptures funéraires de la basilique de Saint-Denis, n’hésitait pas à marchander les reliques des amants, rapporte Anthony Vidler : «Les squelettes d’Abélard et d’Héloïse l’intéressaient davantage comme souvenirs que comme reliques sépulcrales. Lenoir en faisait cadeau à des ministres et à des protecteurs, quand il ne les vendait pas. […] Lenoir lui-même estimait que les dents d’Héloïse valaient au moins 1 000 francs pièce sur le marché» (p. 147).
Dans «Démographies» (la Montagne, 26 juin 1956), Alexandre Vialatte rapporte une histoire semblable, mais s’agissant de cinéma :
À quoi rêvent-elles ? À un acteur célèbre. Elles mettent son image sur les murs de leur chambre, dans leur cœur et leur sac à main. Elles se disputent ses cheveux, elles s’arrachent ses molaires.
Et c’est ainsi qu’un antiquaire d’Hollywood vendait celles de Clark Gable. Deux dollars pièce. Sous le sceau du secret. Clark Gable, disait-il, se les faisait arracher pour avoir le visage plus maigre, plus long, plus creusé, plus fatal, plus cabossé, en un mot plus gidien.
Il en avait vendu quatre-vingt-dix-huit paires quand la police vint l’inquiéter. Elle prétendait qu’il y en avait certainement de fausses.
Mais qu’entend le sergent de ville aux vrais besoins des jeunes filles ? L’antiquaire savait mieux leur cœur. Il lui restait encore en stock cinquante-huit paires de dents de sagesse (Abécédaire, p. 42).
On imagine de tels vendeurs sourire à pleine bouche.
[Complément du 16 février 2015]
P.-S.—L’Oreille tendue a présenté ce texte de Vialatte le 16 février 2015.
Références
Vialatte, Alexandre, Un abécédaire, Paris, Julliard, 2014, 266 p. Choix des textes et illustrations par Alain Allemand.
Vidler, Anthony, «Grégoire, Lenoir et les “monuments parlants”», dans Jean-Claude Bonnet (édit.), la Carmagnole des Muses. L’homme de lettres et l’artiste dans la Révolution, Paris, Armand Colin, 1988, p. 131-154.
De l’article À un moment donné
De l’article Boulonneur
De l’article Fourrer / Foquer le chien
De l’article Méchant
De l’article Personne humaine
De l’article Jean-François Vilar
De l’article Voltaire et Charlie hebdo
Une 260e livraison de XVIIIe siècle : bibliographie ? À votre service.
«Chez Henry, Libraire, rue Taranne, Fauxbourg St. Germain», à Paris, en 1790, paraît un roman par lettres intitulé la Femme jalouse. Ce roman du vicomte de Ségur n’avait pas reparu depuis. La critique se contentait le plus souvent de le considérer comme une pâle imitation des Liaisons dangereuses de Laclos (1782), pour aussitôt s’en désintéresser.
L’Oreille tendue et Flora Amann en proposent une édition commentée. Elle paraîtra dans quelques semaines, à Montréal, chez Del Busso éditeur. Le livre part chez l’imprimeur aujourd’hui.
En primeur, sa quatrième de couverture.
Le marquis aime la baronne, qui l’aime de retour. Il n’aime pas la vicomtesse. Mais la baronne est jalouse. Cela finira mal.
La Femme jalouse paraît anonymement à Paris en 1790. Ce roman épistolaire est l’œuvre de Joseph-Alexandre de Ségur (1757-1805). Il n’avait pas été réédité depuis le XVIIIe siècle. Il aurait dû l’être.
Flora Amann est doctorante (Université de Montréal / Université de Paris IV-Sorbonne). Benoît Melançon est professeur (Université de Montréal). Ils croient que la Femme jalouse mérite un meilleur sort que celui que lui a réservé l’histoire littéraire. Le public jugera.
Sa couverture.
Et un autoportrait de la Baronne, la femme jalouse du titre.
J’obtiens avec peine par mes prières, ce qui faisait autrefois le bonheur de votre ami; il se détache de moi, Chevalier… et nous prépare des jours bien malheureux. Vous me connaissez trop pour croire que je veuille augmenter le nombre de ces lâches victimes qui se laissent immoler aux caprices de l’inconstance; si son amour finit, mon empire doit commencer; il sentira le poids de sa chaîne; en un mot mon sort est lié au sien pour la vie. S’il oublie les sacrifices qui doivent à jamais m’assurer ses soins, je saurai les lui rappeler. Je consens à devoir à l’exigence, à la crainte, ce qu’autrefois je devais à l’amour. N’importe à quel prix j’obtienne ce que je désire; que votre ami me reste, c’est assez; ma gloire m’est aussi chère que mon bonheur (lettre III, p. 31).
Au Canada, le livre sera distribué par la Socadis. En France, on s’adresse à Tothèmes Diffusion.
[Le livre est arrivé de l’imprimerie. Il sera en librairie le 16 mars.]
[Deux extraits du roman ont paru sur le blogue collectif Lettres ouvertes.]
[Un extrait de l’«Introduction» a paru sur le site de l’éditeur.]
[Entrevue avec les éditeurs dans le journal Forum de l’Université de Montréal, à lire ici. Attention : le livre existe bel et bien en papier et en numérique.]
[Complément du 10 janvier 2024]
Le livre, au format PDF, est désormais disponible en libre accès ici.
Comptes rendus
Le Devoir, 13-14 juin 2015, p. F4 (Marie-Frédérique Desbiens) : «Réédition d’un roman ayant sombré dans l’oubli depuis sa création en 1790, la Femme jalouse est un véritable joyau.»
Dix-huitième siècle, 48, 2016, p. 651-653 (Paul Pelckmans)
Épistolaire. Revue de l’AIRE (Association interdisciplinaire de recherche sur l’épistolaire, Paris), 42, 2016, p. 217-218 (Odile Richard-Pauchet)
Référence
Ségur, Joseph-Alexandre, vicomte de, la Femme jalouse, édition présentée et commentée par Flora Amann et Benoît Melançon, Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 245 p. ISBN : 978-2-923792-63-7.
Illustration de la couverture
Charles Ange Boily, «Funeste effet de la jalousie», gravure, deuxième moitié du XVIIIe siècle / début du XIXe siècle, 180 mm par 114 mm, Rijksmuseum, Amsterdam