Le zeugme du dimanche matin et de Courtilz de Sandras

Courtilz de Sandras, Mémoires de M. le marquis de Montbrun, éd. de 2004, couverture

«faites-lui votre cour, jouez avec lui, gagnez sa confiance, et son argent si vous pouvez, et enfin portez-le à s’en revenir ici»

Courtilz de Sandras, Mémoires de M. le marquis de Montbrun, Paris, Desjonquères, coll. «XVIIIe siècle», 2004, 250 p., p. 206. Texte établi, annoté et indexé par Érik Leborgne. Préface de René Démoris. Édition originale : 1701.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Parlons rhétorique

Maison natale d’Elvis Presley, Tupelo

On le sait peut-être : l’Oreille tendue collectionne les zeugmes.

Rappel de la définition de cette figure de style du Dictionnaire des termes littéraires (2001) :

Zeugme, zeugma (gr. lien) • Figure de construction qui consiste à faire dépendre d’un même mot deux termes disparates, qui entretiennent avec lui des rapports différents (dans la majorité des cas, il s’agit d’un verbe suivi de deux compléments d’objet). Le zeugme est souvent doué d’une intention humoristique. V. aussi syllepse. Ex. : «J’ai joué au tennis avec mon oncle et ma raquette» (B. Melançon); «Damoclès tira de sa poitrine un soupir et de sa redingote une enveloppe jaune et salie» (Gide) (p. 510).

Il existe en effet des cas — ce n’est pas «la majorité» — où — au lieu «d’un verbe suivi de deux compléments d’objet» — les sujets d’un verbe sont «deux termes disparates». En voici quelques-uns.

«Ces deux dames, en allant chercher leur voiture, avaient été entraînées par la foule, et séparées de leurs gens. Nous les recueillîmes, et comme il n’y avait pas moyen de faire le tour de la maison pour les faire entrer par la porte, on les hissa par la fenêtre, qui heureusement n’était pas haute; mais leur âge, leurs grands paniers et leur effroi, rendirent cet enlèvement fort difficile» (Mémoires de madame de Genlis, p. 189).

«Je serais devenu l’ignorant, et puis les jours, les rides, les petits vins auraient fait le reste» (Philippe Claudel, Meuse l’oubli, p. 23).

«Harry raccrocha et donna un tour de clé de contact tout en appelant Magnus Skarre de l’autre main. Skarre et le moteur répondirent presque simultanément» (Jo Nesbø, le Bonhomme de neige, p. 532).

«Les vannes et la rue avaient rapidement été fermées […]» (Charles Bolduc, les Truites à mains nues, p. 121).

«Le brut et le pessimisme hantent les marchés» (la Presse+, citée par @Christiane_MTL, 4 mai 2016).

«Quarante ans après son décès, un coffret vient rappeler les débuts du “garçon de Tupelo”, alors que peu à peu sa mémoire et ses fans s’éteignent» (le Devoir, 16 août 2017, p. B7).

Si peu d’heures, tant de procédés.

 

[Complément du 13 mai 2024]

Encore un : «Sa formation et ses favoris argentés lui permettaient de garder une certaine distance par rapport aux autres» (le Rendez-vous, p. 144.

 

[Complément du 16 juillet 2024]

«Snowflakes and relief cover me» (Can’t We Be Friends, p. 75).

 

Illustration : maison natale d’Elvis Presley à Tupelo, photo déposée sur Wikimedia Commons

 

Références

Bolduc, Charles, les Truites à mains nues. Nouvelles, Montréal, Leméac, 2012, 139 p.

Bryce, Denny S. et Eliza Knight, Can’t We Be Friends. A Novel of Ella Fitzgerald and Marilyn Monroe, New York, William Morrow, 2024, 374 p.

Claudel, Philippe, Meuse l’oubli, Paris, Stock, 2006, 152 p. Édition originale : 1999.

Hébert, François, le Rendez-vous. Roman, Montréal, Quinze, coll. «Prose entière», 1980, 234 p.

Mémoires de madame de Genlis, Paris, Mercure de France, coll. «Le temps retrouvé», 2004, 390 p. Édition présentée et annotée par Didier Masseau. Édition originale : 1825.

Nesbø, Jo, le Bonhomme de neige. Une enquête de l’inspecteur Harry Hole, Paris, Gallimard, coll. «Folio policier», 575, 2008, 583 p. Traduction d’Alex Fouillet. Édition originale : 2007.

Van Gorp, Hendrik, Dirk Delabastita, Lieven D’hulst, Rita Ghesquiere, Rainier Grutman et Georges Legros, Dictionnaire des termes littéraires, Paris, Honoré Champion, coll. «Dictionnaires & références», 6, 2001, 533 p.

Les zeugmes du dimanche matin et de madame Roland

Madame Roland, Enfance, éd. 2010, couverture

«Robuste et sain, actif et glorieux, il aimait sa femme et la parure […]» (p. 23).

«Le bon abbé Morel, qui avait épuisé sa bibliothèque et sa rhétorique pour me conserver croyante, s’accommodait avec bon sens de me trouver raisonnable […]» (p. 126).

Madame Roland, Enfance, Paris, Gallimard, coll. «Folio 2 €», série «Femmes de lettres», 5064, 2010, 137 p. Édition établie et présentée par Martine Reid.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Citations existentielles du jour

Guy Delisle, Chroniques de Jérusalem, 2011, p. 105

1.

«Dès ma jeunesse j’avais fixé cette époque de quarante cinquante soixante ans comme le terme de mes efforts pour parvenir et celui de mes prétentions en tout genre. Bien résolu, dès cet âge atteint et dans quelque situation que je fusse, de ne plus me débattre pour en sortir et de passer le reste de mes jours à vivre au jour la journée sans plus m’occuper de l’avenir.»

Jean-Jacques Rousseau, «Troisième promenade», dans les Rêveries du promeneur solitaire, Paris, GF-Flammarion, coll. «GF», 23, 1964, 173 p., p. 51. Chronologie et préface par Jacques Voisine. Édition : 1782 (posthume).

2.

«Rien n’est si difficile, aujourd’hui que d’exister au-delà de la cinquantaine.»

Paul Nizan, la Conspiration.

 

Illustration : Delisle, Guy, Chroniques de Jérusalem, Paris, Guy Delcourt productions, coll. «Shampoing», 2001, 333 p., p. 105. Couleur : Lucie Firoud & Guy Delisle.

Les zeugmes du dimanche matin et de Félicité de Genlis

Mémoires de madame de Genlis, éd. de 2004, couverture

«Je m’amusai beaucoup à Alix : l’abbesse et toutes les dames me comblaient de bontés et de bonbons, ce qui me donnait une grande vocation pour l’état de chanoinesse» (p. 44).

«Madame d’Estourmelle m’embrassa, loua beaucoup ma douceur, ma complaisance et mes beaux cheveux» (p. 121).

«Dans la première année de mon entrée à Bellechasse, je fis venir de Bourgogne ma nièce, Henriette de Sercey, qui était orpheline et créole […]» (p. 262).

«Les conquêtes et les victoires de l’Empereur ne m’avaient point éblouie, parce qu’elles avaient coûté des torrents de sang; mais toutes les circonstances qui accompagnèrent son retour me séduisirent, et j’admirai, dans cette occasion, son caractère et son triomphe» (p. 357).

Mémoires de madame de Genlis, Paris, Mercure de France, coll. «Le temps retrouvé», 2004, 390 p. Édition présentée et annotée par Didier Masseau. Édition originale : 1825.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)